Mouna Hachim s'exprime sur son roman. Elle en retrace la genèse et parle de la culture populaire où elle puise l'énergie pour écrire. Mouna Hachim prend également ses distances avec la littérature maghrébine de langue française. Elle veut faire simple pour toucher des lecteurs. ALM : Comment est née l'idée des “Enfants de la Chaouia“ ? Mouna Hachim : Ce livre correspond à un cheminement psychologique et intellectuel qui m'a menée jusqu'à l'écriture. J'ai fait l'expérience de la presse, j'ai fait des études de littérature. Depuis que j'étais toute jeune, j'ai écrit des nouvelles. Mais la tentation d'écrire un roman est devenue impérieuse après l'accouchement de ma fille. J'étais en pleine maternité et j'ai décidé de mettre la main à la pâte. Le fait que je me mette à ce roman a été pour moi comme un second accouchement. Vous parlez de roman, tandis que l'on sent qu'il existe une adéquation entre le personnage principal, Hiba, et l'auteur. “Les enfants de la Chaouia“ ne serait pas un récit autobiographique? On dit que l'on n'échappe pas à son vécu dans un premier roman. Et je n'ai aucun mal à affirmer qu'il existe beaucoup de moi dans “Les enfants de la Chaouia“. Mais je ne peux pas pour autant dire que Hiba, c'est moi. Elle prend un peu de moi, mais ne se résout pas à mon vécu. De nombreuses situations narrées dans le roman appartiennent à la seule Hiba. Je m'inspire du quotidien, je suis à l'écoute des gens et j'ai imprimé sur le personnage de Hiba des situations, empruntées à la vie courante. Seule la réalité m'intéresse. Je suis très peu encline aux faits purement imaginaires. J'ai puisé les épisodes du roman dans ce que je connais : ma famille et les gens de mon entourage. De telle sorte que mon livre tient à la fois d'éléments se rapportant à mon vécu et d'autres qui relèvent de la fiction. Toutes les situations semblent pourtant tourner autour du personnage de Hiba… Je n'ai pas voulu créer un livre autour d'un seul personnage. Depuis le départ, j'ai nourri le projet de réaliser une fresque sociale. Avec une galerie de portraits, avec des personnages de tous les âges, de tous les milieux. Il y a Brahim, le diplômé chômeur en philosophie. Il y a les grands-mères Hana et Dada, et d'autres encore. Avec chacun de ces personnages, j'ai voulu mettre la lumière sur une facette de notre société. J'ai posé un regard sur une société, et j'ai tenu à ce qu'il colle le mieux à la réalité, tout en humanisant les personnages portraiturés. Casablanca et la Chaouia tiennent également une grande place dans le roman… C'est ma terre d'origine. Ce qui peut conforter la thèse de la portée autobiographique de mon personnage. Effectivement, je suis de la Chaouia. Je suis née à Casablanca. Ma grand-mère a habité à Médiouna jusqu'à sa mort. Casablanca est ancrée dans la Chaouia, et on ne peut comprendre la complexité de cette ville sans connaître l'histoire des plaines de la Chaouia. Je suis très étonné de voir des gens parler de Casablanca, en l'isolant de son ancrage dans la Chaouia. Vous avez édité vous-même votre livre. On dit souvent qu'un livre qui ne trouve pas d'éditeur est soit difficile, soit mauvais. Qu'en pensez-vous ? Je crois qu'il existe une différence à établir entre un livre édité à compte d'auteur et l'autoédition. Moi, j'ai fait de l'autoédition. Je pouvais publier mon livre chez un éditeur en le finançant. Mais, j'ai préféré le faire sans intermédiaire. Ceci dit, je suis arrivée à l'autoédition, après avoir essuyé des retards de la part d'un grand éditeur de la place. Il m'a répondu après une année et demi. Un autre éditeur a décidé de publier immédiatement mon bouquin, mais les termes du contrat ne me convenaient pas du tout. Je crois que je n'ai pas rencontré les bonnes personnes. Qu'on me dise que mon livre est mauvais, je me serais fait à cette idée. Mais qu'on me dise qu'il est bon et qu'on me laisse poireauter, cela est incompréhensible. Avec ce premier roman, vous considérez-vous comme un auteur de littérature maghrébine de langue française. Avez-vous des soucis d'écriture à ce niveau-là ? Je lis énormément. La lecture est pour moi presque une drogue. J'aime la diversité. Mais si je cherche une source où je puise mon énergie, c'est bien la culture populaire. Les contes, chants, légendes et aïta m'interpellent bien plus que la littérature dite maghrébine. D'ailleurs, je n'aime pas écrire en étant en religion devant la langue française. Je pense que les entorses faites à cette langue sont visibles dans mon roman. Et pour tout dire : il y a un type d'écriture qui m'énerve dans les livres participant de la littérature maghrébine. L'écriture un peu orientaliste m'insupporte. Elle renvoie à des clichés éculés. Elle ne s'adresse pas de surcroît aux Marocains. Elle ne suscite en moi aucun écho. Et puis, je n'aime pas écrire d'une manière compliquée. J'aime des choses très simples. Au niveau de la forme, je n'aime pas les prises de tête. Je trouve que la vie est assez complexe pour ne pas la compliquer davantage dans un livre.