* Les contraintes du bouclage, les techniques du journalisme sont autant daccélérateurs pour lécrivain qui sessaye au journalisme. * Si la frontière entre littérature et journalisme est difficile à tracer, il est sûr que ce dernier ne peut se permettre la subjectivité dont jouit la littérature. * Si lun «pond» un article et lautre «accouche» dun livre, il est difficile de déterminer qui des deux se donne le plus à ce quil écrit. Nombreux sont les journalistes qui se sont convertis à lécriture comme nombreux sont également ces écrivains qui ont exercé le journalisme. Forcément, la frontière entre ces deux mondes devient difficile à tracer. Une table ronde sest tenue récemment lors de la troisième Université des Médias et de la Communication de Casablanca. Elle a permis, sinon de cerner ce phénomène, du moins de comprendre les motivations qui pousseraient un journaliste à se lancer dans une carrière décrivain et à linverse, un écrivain de se départir du style littéraire pour une écriture plus dépouillée : celle du journalisme. Comment passer donc de lécriture journalistique à lécriture littéraire ? Dabord, lexpérience de Gonzague Saint Bris, ce journaliste qui a longtemps travaillé dans la presse notamment au Figaro, Paris Match ou encore à Radio Libre, se retrouve à écrire 36 ouvrages, essais, romans et biographies. Et il se retrouve facilement dans ce dernier genre tout en lui attribuant un caractère particulier. Sil a réécrit la biographie de La Fayette ou encore celle de François 1er, il y apporte une pure touche journalistique en intégrant tout lenvironnement et les autres personnages marquants de lépoque de François 1er ou de La Fayette. «Jai lu tous les contemporains de lépoque. Et je me suis mis à raconter lhistoire de manière journalistique. Si dans les biographies classiques on se concentre sur le modèle en oubliant son environnement, moi, jai adopté une approche verticale et horizontale. À 200 ans de différence», explique Gonzague Saint Bris. Puisque le journaliste écrivain se rendra dans tous les lieux où sétait déroulée lhistoire de François 1er pour simprégner. Et ça marche parce quau lieu décrire des biographies poussiéreuses, comme il lui plaît de répéter, il a réussi à faire des best-sellers. Il nhésite pas à parler de liaisons dangereuses entre ces genres mais ô combien il est difficile den tracer les frontières. Dans le sens inverse, la scène des médias marocains a coopté plusieurs écrivains pour sessayer à lécriture journalistique, notamment Mouna Hachim. Cette dernière est universitaire, titulaire dun DEA en littérature comparée et auteur dun roman «Les enfants de la Chaouia» et du dictionnaire des noms de familles au Maroc. Elle se retrouve sans trop de difficulté chroniqueuse. Elle affirme avoir utilisé la technique de linvestigation dans son travail décrivain et emprunté au journalisme des genres comme linterview. Sur sa motivation de rédiger des chroniques pour la presse écrite ou danimer une capsule pour la radio, elle affirme : «Lécriture est un engagement et une passion sous toutes ses formes. Mais lavantage du journalisme cest la rapidité dinteraction avec le public. Et puis le réel mattire ! Enfin, on se familiarise rapidement avec cette écriture journalistique dépouillée qui privilégie linfo et capte lintérêt du lecteur». Driss Ksikès nest pas aussi optimiste de son expérience du journalisme, qui se poursuit dailleurs. En effet, il est dramaturge à lorigine avant de pénétrer le monde de la presse. Le journalisme ne serait-il pas la dramaturgie du quotidien ? «Le jeu de mot est séduisant mais je ne suis pas daccord !». Il pratique le journalisme comme un sacerdoce avant dexiler sa plume «vers des espaces plus libres». En effet, il estime que lécriture littéraire permet une plus grande liberté dexprimer le soi alors que lémancipation de la presse a été brisée. «Une liberté en demi-teinte, presque en suspens», poursuit Ksikès. Puis, le travail du journaliste se fait dune manière quelque peu formatée qui nest pas la même que celle de lécrivain qui travaille sur lui dabord pour accoucher dun livre. Entre lécriture et le journalisme, les points de convergence sont plus liés aux techniques journalistiques notamment qui peuvent alimenter la littérature. Mais entre les deux, une différence fondamentale : «La part de subjectivité est fondamentale dans la littérature alors quon ne peut pas se le permettre dans le journalisme». Nempêche que la pratique du journalisme est un accélérateur pour lécrivain. Les trois protagonistes ne sont pas du même avis sur lequel des deux se donnent plus à son écrit : le journaliste ou lécrivain ! Le débat se poursuit !