Si la couleur était langage, Bakr Benkhalifa en serait le fin orateur. Du haut de ses 27 ans, cet artiste peintre montre une richesse picturale pour le moins impressionnante. Son jeune âge ne l'a pas empêché de laisser exploser sa véhémence et sa passion sur la toile. Supports sublimés à coups de pinceau, les œuvres de Benkhalifa, flamboyantes de couleurs et d'émotions, laissent entrevoir une âme des plus «tourmentées»... artistiquement. Dompteur de couleurs La grande énergie qui se dégage de ses travaux hautement colorés n'a d'égale que sa technique redoutable. Maniant avec grande délicatesse des teintes rebelles, le jeune artiste fait montre d'une grande force de caractère. Ne réussit-il pas à dompter, le plus naturellement du monde, les éclats de ses orgies colorées ? Le rouge, le bleu, le jaune, le noir... en coloriste confirmé, le peintre ne recule devant aucune teinte. Au contraire, il aime chatouiller la couleur, la titiller avant de l'exalter et de la transcender dans une sorte de transe effrénée. Si l'univers chromatique de Benkhalifa témoigne d'une grande richesse, ses thématiques ne sont pas moins diverses. Cela malgré une nette tendance à magnifier le corps et ses extensions. Corps et âme Sa ville natale, Ouezzane, personnage absent et omniprésent à la fois, ne cesse de faire des apparitions parfois fortuites et parfois franchement envahissantes. Habité par ses souvenirs d'enfance, l'artiste se laisse emporter par sa nostalgie. Au fil des toiles, il laisse entrevoir cette ville secrète et timide, jalousement aimée et profondément enfouie au fin fond de son âme. Fidèle à sa ville d'origine, Benkhalifa reste reconnaissant envers sa cité d'accueil : Casablanca. Cette dernière se faufile, gracieuse, mais surtout passionnée, au fond de ses œuvres. Cette soif de vivre qu'on lui connaît prend la forme d'une couleur triomphante, d'un geste audacieux et d'une présence envoûtante. Ne se cache-t-elle pas derrière ces corps enfiévrés et ces visages interrogateurs que l'artiste met en scène ? L'espace prend ainsi les allures d'un espoir... de rencontre, d'une envie... d'accomplissement, et d'une peur... de l'usure et du temps. Néo-figuration, expressionisme... les mots diffèrent et se multiplient pour qualifier l'œuvre de ce grand admirateur de l'anatomie humaine, de ses métamorphoses et de son épanouissement. Son langage visuel fait du corps son axe, son sujet de prédilection. Dans son intégrité, fragmenté ou représenté par de simples vestiges fortuits... le corps n'est que prétexte en fin de compte. C'est le reflet des tourments qui travaillent l'âme et font sa profondeur et sa complexité.