Les «bazaristes» avalent des poires d'angoisse à Agadir. En dépit de la crise qui frappe de plein fouet leur activité, les difficultés auxquelles sont confrontés les commerçants sont multiples et ne découlent pas seulement de la conjoncture actuelle. Selon Mohamed Bengoud, président de l'Association professionnelle des commerçants des produits artisanaux, plus de 130 magasins ont déjà mis la clef sous le paillasson au niveau de la zone touristique et balnéaire. Les autres, qui exercent encore cette activité, sont en train d'attendre leur sort avec l'espérance que la situation s'améliore alors que plusieurs autres ont déjà changé de profession durant ces dernières années. De l'avis des professionnels, c'est principalement la formule «all inclusive» qui a entraîné la régression de la fréquentation de la clientèle et par conséquent le taux de commercialisation des produits artisanaux. Imposée par les TO étrangers, la formule «tout compris» a bouleversé les traditions au sein des établissements touristiques à Agadir, en particulier ceux affichant le taux d'occupation le plus important. Les professionnels s'accordent aussi à dire que la dite formule a dégradé la valeur ajoutée des touristes puisqu'ils payent davantage de prestations hôtelières et ne sillonnent pas la destination ne serait-ce que pour découvrir sa culture ou manger dans ses restaurants. De plus, le phénomène qui a dernièrement porté atteinte à la profession est la prolifération des mini souks et des vendeurs ambulants dans les ruelles de la destination et au sein même des hôtels et de la corniche, ce qui constitue selon les professionnels, une concurrence déloyale. De plus, l'organisation de circuits et d'excursions touristiques en dehors de la destination fait perdre des clients à Agadir, sachant bien que la durée moyenne de séjour ne cesse de régresser. En chiffres, elle a pratiquement diminué d'une journée, passant de 6,6 jours en 2007 à 5,23 en 2012. Ceci prouve que les touristes optent de plus en plus pour des séjours réduits et par conséquent pour d'autres destinations avoisinantes comme Marrakech. Parmi les facteurs cités également par les professionnels comme cause du recul des ventes, le manque d'animation touristique. En dehors de la saison estivale, le calendrier des activités est qualifié de maigre en particulier dans les espaces de la ville, notamment la corniche et les places publics tels que Al Amal, Ait Souss... À cela s'ajoute l'orientation du comportement du touriste. Dans ce sens, les professionnels pointent du doigt les faux guides et les chauffeurs de taxis qui stationnent illégalement leurs voitures aux entrées de quelques établissements. En l'absence ainsi d'information touristique, notamment la fermeture des trois kiosques initialement édifiés pour remplir cette mission, ce sont les chauffeurs de taxis qui dirigent désormais les touristes vers des «bazaristes» monopolisant l'activité en contrepartie d'un pourcentage des recettes. Le constat est le même pour les agences de voyages et les accompagnateurs qui contrôlent le circuit des touristes et influencent souvent leur décision d'achat. De surcroît, les flux qui disposent d'une grande valeur ajoutée pour les activités complémentaires ont boudé Agadir. Il s'agit principalement des flux allemands et finlandais. Par ailleurs, les chiffres divulgués sur la conjoncture touristique ne reflètent pas vraiment la réalité du secteur à Agadir. Au delà des indicateurs du 1er trimestre de l'année 2013 affichant une augmentation de 11,07% en arrivées et de 9,32% en nuitées, l'activité touristique dissimule des disparités puisqu'elle est corrélative. Dans le détail, l'activité touristique évolue à deux vitesses dans le chef-lieu du Souss. Ce sont quelques établissements «pieds dans l'eau» qui accumulent le taux de remplissage le plus important puisqu'ils sont soutenus par des TO de renommée internationale comme TUI ou encore Thomas Cook. Certes, ces établissements font moins que d'habitude avec des prix également plus attractifs, mais ils s'en sortent plus ou moins bien. En revanche, ceux situés en seconde et 3e ligne vivent le calvaire. Les fermetures et les conflits sociaux témoignent ainsi de cette situation. Les plus récents sont ceux de l'hôtel Sud Bahia et Adrar. D'autres établissements ont d'ores et déjà vécu l'expérience. C'est le cas du Golden Tulip Anezi, Tildi, Palais des roses, Tivoli et l'agence d'Holidays Services qui ont subi des tensions sociales tandis que d'autres ont carrément fermé. Il s'agit de Valtur, la Kasbah, en plus de Transatlantique et Salam qui sont des cas plus anciens. Par ailleurs, la responsabilité de la profession n'est pas épargnée. Quelques pratiques liées à certains «bazaristes» ont nuit à l'image de cette profession. Il s'agit de l'arnaque en termes des tarifs imposés aux touristes. Les prix des produits artisanaux sont soumis à la majoration puisque d'autres variables sont comptabilisées telles que les marges des intermédiaires (guides-accompagnateurs, faux guides et chauffeurs). C'est pourquoi les «bazaristes» vendent toujours leurs produits à des prix exorbitants. Ce ne sont pas les seuls problèmes auxquels la profession est confrontée. À l'image de la vétusté d'une partie du parc hôtelier à Agadir, la majorité des magasins sont en déficit de marketing sensoriel favorisant l'achat des produits artisanaux. C'est pourquoi, un effort d'aménagement, d'encadrement et surtout de formation s'impose pour sauver ce qui reste de cette filière. In fine, la situation du complexe artisanal de la ville situé au quartier Talborjt est qualifiée de répugnante. Dans ce sens, la vision des opérateurs demeure encore mitigée. Aux yeux des professionnels, ce projet doit compléter l'offre touristique de la destination après sa reconversion en un complexe artisanal digne de ce nom.