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«La chose culturelle et artistique doit évoluer»
Publié dans Les ECO le 22 - 01 - 2013


Mohamed Amine Sbihi, Ministre de la Culture
Les ECO : Le bilan de votre prédécesseur a été décrié par l'opinion publique. Quel a été votre premier constat et quelles étaient vos premières impressions à votre arrivée ?
Mohamed Amine Sbihi : Avant tout, je m'interdis de porter toute appréciation sur les actions menées par mon prédécesseur. Je m'inscris dans une démarche de continuité mais tout en rectifiant ce qui me semble nécessaire et en apportant cette valeur ajoutée propre à chaque ministre. Je souhaite me tourner vers l'avenir et apporter à ce département ce dont il a besoin, avec une vision, un plan sectoriel précis et des projets bien déterminés. Mes premières impressions en arrivant à ce ministère étaient une prise de conscience assez rapide de l'importance de ce département, malgré le fait qu'il ait été considéré depuis longtemps comme un petit ministère avec des moyens réduits. Aujourd'hui, il y a une prise de conscience au sein de la société et des pouvoirs publics, sur le fait que la culture a un rôle essentiel à jouer, non seulement comme vecteur d'approfondissement de notre identité en tant que Marocains, mais également en tant que potentiel de développement économique. Cette prise de conscience est nouvelle, elle n'a pas toujours existé. Il était de notre devoir de clarifier notre vision et nos priorités, donc dès le départ, j'ai rencontré énormément d'associations professionnelles, d'artistes, d'intellectuels, pour la prise de contact afin d'établir et rétablir les liens entre le ministère et tous ceux qui participent à la création culturelle. Et au-delà de la prise de contact et du rétablissement des bonnes relations, nous avons discuté des priorités.
Justement, quelles sont vos priorités culturelles ?
Nous avons établi au sein du ministère de la Culture, en collaboration avec les directions centrales et la direction régionale de ce ministère, un plan sectoriel sur cinq points. Cinq priorités, cinq programmes essentiels. Le premier est celui de la politique culturelle de proximité, qui a pour objectif de répondre à la faiblesse des infrastructures au Maroc. Lorsque l'on voit la carte nationale des établissements culturels, on constate que des régions entières sont non équipées, que les régions qui en disposent sont mal réparties et donc ce plan a pour objectif, sur une période de cinq ans, de répondre au moins à un besoin en centres culturels modernes, de référence, qui comprennent à la fois une bibliothèque, une médiathèque, une salle de spectacle ou de théâtre. Il s'agit également de mettre à niveau l'existant en parallèle et de revoir les modes de gestion de ces espaces culturels. Vous savez, aujourd'hui l'offre culturelle des espaces publics est confrontée à la révolution numérique. Les jeunes sont en contact avec des produits culturels dématérialisés. Ils peuvent télécharger toutes les musiques du monde, avoir accès à des livres, etc... C'est pour cela que l'offre publique doit être attrayante. Il ne suffit pas de construire des centres culturels ou des théâtres si on n'est pas capable d'attirer le grand public et les jeunes en particulier. Nous avons réservé environ 200 MDH à ce projet. Le second axe concerne le soutien à la création culturelle et artistique. Il existe des textes organisant ces fonds de soutien que l'on apporte au théâtre essentiellement, à la création musicale et aux arts plastiques. Les associations professionnelles rencontrées l'année dernière avaient soulevé des points à modifier par rapport aux textes, nous avons été obligé de tout revoir, d'y introduire certaines dispositions de la Constitution ayant trait à la diversité culturelle. Nous avons eu, l'année dernière, un double défi : assurer le soutien qui n'a pas été fait en 2011 pour des considérations diverses et lancer les actions de 2012. Les commissions qui travaillent sur ce soutien ont fait de l'excellent travail et donc, nous soutenons 20 à 25 pièces de théâtre, l'édition et le livre, des revues culturelles, une dizaine de créations musicales, l'art plastique à travers l'organisation d'expositions dans une soixantaine de galeries à travers le Maroc. En outre, nous organisons également le concours des jeunes artistes plasticiens. Nous avons réservé un peu plus d'1 MDH juste pour l'organisation de ce concours. En somme, le travail a été fait, il nous revient aux environs de 50 MDH, soit 10% du Budget. Nous organisons nous-même une vingtaine de festivals d'aspect patrimonial dans le but de soutenir la création artistique patrimoniale. Ces festivals nous reviennent à 11 MDH et nous mettons à disposition 2,5 MDH pour les festivals organisés par les collectivités régionales.
Quelle est la part de l'art contemporain dans le soutien à la création artistique ?
Nous y contribuons à la fois beaucoup mais peu. Beaucoup, puisque nous lançons le Musée international de l'art contemporain à Rabat en février prochain et qu'il s'agit du premier musée aux normes internationales. Il mobilise un budget de 220 MDH du fonds Hassan II. Le soutien aux arts plastiques de manière générale, nous le faisons à travers le soutien aux galeries, à travers les concours régionaux et nationaux des jeunes peintres et à travers l'aide aux associations. En ce qui concerne la création moderne, les jeunes troupes dans les différents modèles n'ont pas encore compris que le ministère de la Culture actuel est celui de la nouvelle génération et que sa main est tendue à toute forme de création et pas seulement patrimoniale. Il faut reconnaître que la communication n'est pas encore bien établie entre le ministère et la nouvelle vague d'artistes. Le ministère peut apporter un soutien, modeste certes, mais notre main est tendue et la porte est ouverte à la création contemporaine.
Concernant cette jeunesse et ces créateurs culturels qui ont eu l'habitude de travailler en marge du ministère pendant des années, ne prévoyez-vous pas un travail de récupération et de réconciliation en vue d'une collaboration ?
Cette approche doit se faire à travers l'action sectorielle du ministère, mais elle devrait se faire d'une manière encore plus profonde dans le cadre de ce que nous sommes en train de préparer aujourd'hui. Je parle de la «stratégie Maroc Culturel» qui n'est pas seulement un plan sectoriel, puisqu'il part du constat que le ministère de la Culture, même en établissement un plan sectoriel avec des priorités et des projets précis, dont on connaît les délais de réalisation, ne peut pas avoir un réel impact ou tout du moins réduit sur la culture s'il ne collabore pas avec ses acteurs culturels. Le ministère fait partie d'une longue chaîne d'intervenants dans la cause culturelle nationale, c'est ainsi qu'à côté de ce plan, il s'agit de prendre conscience que la culture englobe plusieurs intervenants. Maroc Culturel doit être capable de dire qui sont ces intervenants, les budgets alloués, les nouveaux métiers qui doivent être créés pour aller vers ces industries culturelles et créatives. Nous travaillons à un double niveau : donner du sens au département avec un plan sectoriel précis et 5 priorités, mais également à travers cette stratégie nationale du «Maroc Culturel», où le ministère de le Culture a le rôle de veiller sur les intervenants tout en étant un intervenant parmi tant d'autres.
On parle beaucoup de partenariats entre le public et le privé. Comment peut-on imaginer dans le cadre de cette stratégie sectorielle, un partenariat entre le ministère et les acteurs privés ?
Vous savez, ce Maroc Culturel dont nous parlons et dont nous soumettrons les «avant-projets» aux acteurs culturels, s'articule autour de trois choses : le droit à la culture, la diversité culturelle et les industries culturelles et créatives. En ce qui concerne les industries culturelles et créatives, le grand challenge à relever, est de passer d'un soutien traditionnel à la création à travers des fonds, suite à des commissions qui choisissent un certain nombre de créations et qui les financent. Il s'agit pour moi d'une démarche qui est arrivée à bout de souffle, qui n'est plus un outil répondant à un besoin actuel. Les troupes de théâtre par exemple doivent être réorganisées en collectivités artistiques ou en très petites entreprises artistiques, afin de bénéficier d'un certain nombre de droits, de subventions de l'Etat pour le soutien de la petite entreprise et d'attirer des investisseurs privés. Cela permet de donner un poids à ces unités artistiques qui sont aujourd'hui des associations ou de simples regroupements sans structures bien établies. Un autre problème majeur est celui de l'absence de toute une chaîne de métiers qui n'existe pas au Maroc, entre la production et la salle de spectacle et le public. Nous n'avons pas d'entrepreneurs du spectacle qui peuvent acheter une production artistique, la faire connaître, faire toute la communication et les tournées au niveau du pays. Nous n'avons pas les structures d'agents artistiques qui jouent l'inter-médiation entre l'artiste et le producteur. Il y a tout un vide aujourd'hui au niveau de ces métiers et nous sommes en train de réfléchir à une solution. Il faut se demander quel est le cadre réglementaire, inciter un certain nombre de jeunes et de personnes intéressées par ce genre d'entreprises pour travailler avec nous. Il y a une possibilité énorme de créer de nouveaux métiers qui vont en inspirer d'autres et c'est cela tout le challenge du partenariat public-privé.
Il y a des initiatives dans ce sens, qui commencent à émerger. Quel sera le rôle du ministère dans l'accompagnement de telles initiatives ?
Nous mettrons en place une réglementation assez souple, mais qui donne du sens à ces nouveaux métiers. Nous serons partenaires avec eux pour trouver des financements qui leur permettent d'avoir des fonds d'amorçage pour commencer à travailler. Toute création nécessite un certain temps pour commencer à produire et nous sommes prêts à les aider et à leur dispenser une partir des fonds du ministère. Nous interviendrons également pour mettre en place une fiscalité particulière incitative pour ces nouvelles entreprises artistiques. Une entreprise artistique ne peut pas être taxée comme n'importe quelle autre. Elle doit être soutenue par l'Etat et le soutien n'est pas nécessairement direct, puisqu'il peut se faire à partir de politiques incitatives au niveau fiscal. Nous travaillons sur cela actuellement.
En parlant d'entreprise culturelle au Maroc, les Marocains sont sensibles à la «culture gratuite». Qu'en pensez-vous ? Pensez-vous que le grand public est prêt à consommer ces nouveaux produits culturels ?
Les industries culturelles ont deux conditions essentielles pour se mettre en place: contrecarrer d'une manière drastique et définitive le piratage. Il y a une cinquantaine de pirates dans ce pays, qui sont connus. Il est nécessaire d'interdire tout piratage de produit national ou international. C'est l'entrée en matière et une condition sans laquelle on ne peut pas mettre en place les industries culturelles. La deuxième condition veut que le produit soit commercialisé et il faut aller vers le guichet. Le rôle de l'Etat et du ministère sera de travailler en amont pour dessiner un cadre réglementaire, qui permet aux industries culturelles de se développer et de soutenir le ticket d'entrée. On peut penser à modérer le prix du ticket, pour qu'il soit plus accessible aux jeunes par exemple, aux étudiants, aux familles nombreuses, mais si nous voulons que des producteurs se mettent en place, il faut qu'ils puissent vendre leurs tickets et trouver la demande. C'est cela, une industrie culturelle, c'est de penser toute la chaîne de valeur, de l'artiste au public. Il y a 12, 13, 14 ans, des commissions choisissaient des projets, les finançaient, mais ne faisaient aucun suivi et aucune démarche pour les commercialiser. Aujourd'hui, on produit de très bons films, mais qui les vend ? Tous les ans, des salles de cinéma ferment. Quel est le sens d'une aide à la création, s'il n'y a pas d'impact sur la société ? Il est donc urgent aujourd'hui de passer à ce nouveau système, afin de toucher ce marché culturel.
Vous évoquez la visibilité de la création artistique à l'international...
J'ai évoqué les des priorités culturelles. Je me suis attardé sur les deux premiers points. Le troisième concerne le patrimoine auquel nous allons allouer 40 millions de dirhams et le quatrième volet concerne la diplomatie internationale. Tout le monde fait le constat que ces dernières années connaissent une véritable effervescence culturelle, il y a une belle production, elle est le fait de la nouvelle vague et de la richesse de notre patrimoine et des pionniers de la culture de notre pays. Tout cela a besoin d'être connu à l'international, en dehors de toute «folklorisation». Nous avons alloué 5 millions de dirhams à ce projet dans des pays où la communauté marocaine est fortement présente, pour garder le lien et faire connaître la richesse de la diaspora marocaine. Cependant, il y a un problème. Il y a plusieurs ministères qui entrent en jeu : celui des Affaires étrangères, des Résidents marocains à l'étranger, de la Communication, il y a le Conseil consultatif des résidents à l'étranger. Si nous voulons assurer une réelle présence culturelle à l'étranger, il faut une coordination très serrée de ces différents départements, en créant par exemple une Agence pour la création culturelle à l'étranger.
Par rapport aux structures déjà existantes, avez-vous l'intention de capitaliser sur ces associations comme «Dabathéâtre» ou «Lboulevart», qui ont fait leurs preuves et qui aident à la création ?
Dans l'ancien système de soutien à la création, «Dabathéâtre» était troupe structurée certes, mais une troupe parmi d'autres. Dans le système actuel, il est impossible de privilégier une troupe par rapport à une autre. Ce n'est pas mon rôle d'avoir des préférences. «Dabathéâtre» est un espace structuré, qui attirera du financement et sera bien placé commercialement, pas seulement à Rabat, mais dans le réseau des 40 théâtres du royaume, si des producteurs viennent s'intéresser à leur produit. Notre rôle est donc d'organiser le système des industries culturelles, où «Dabathéâtre» et d'autres troupes trouveront le champ propice pour s'exprimer et de nous assurer du prix du ticket à l'entrée. Les choses deviennent claires pour tout le monde et il n'est nul besoin d'exprimer une quelconque préférence.
Pour revenir aux artistes et aux acteurs culturels, pourquoi le «statut de l'artiste» n'est-il pas clairement défini ? Qu'est-ce que la carte d'artiste a apporté à la culture ?
À l'origine, la carte d'artiste lancée pour la première en 2007 est d'abord une reconnaissance de l'Etat à un certain nombre de personnes qui ont cette capacité, peu commune, d'être des créateurs. Au- delà de cette reconnaissance, attribuée à 5.000 personnes au maximum dans ce pays, nous nous sommes posés la question de la cible de cette carte, en soulevant le problème de savoir qui sont les professionnels du monde du spectacle au Maroc. Figurez-vous, que nous ne disposons pas de nomenclature des métiers de l'art au Maroc. Personne n'a droit à la formation professionnelle, ces métiers ne sont pas reconnus, ni répertoriés. Il n'y a pas que les créateurs, il y a les accompagnants de l'art : les costumiers, les gens de la production, les éclairagistes car, sans eux, il n'y a pas de création ... Entre le décalage de 2007 où il s'agissait uniquement d'une reconnaissance de l'Etat et la situation actuelle, on en vient à penser que cette carte est professionnelle et qu'elle donne le droit à un certain nombre de choses en l'absence de toute réglementation liée à ces métiers. La carte va donc continuer à être une carte de reconnaissance, qui donne droit à une couverture médicale à travers la mutuelle des artistes que nous cofinançons. Elle peut donner droit à la priorité de travail dans la production publique, à des avantages pour l'entrée dans des musées ou manifestations culturelles. Dans quelques semaines, l'appel à la candidature pour ces cartes sera lancé.
Vous avez parlé de mutuelle des artistes, mais comment expliquez-vous qu'aujourd'hui encore, des artistes soient amenés à mendier à la télévision depuis leur lit d'hôpital ?
Pendant des décennies, on a considéré ces artistes qui ont participé à la création artistique nationale comme étant des gens doués, qu'on aime regarder à la télévision ou sur scène et cela s'arrêtait là. Ils reçoivent un petit cachet de la télévision ou un soutien royal et c'est tout. On ne les a jamais considérés comme des gens qui exercent un métier sans droit à la retraite, sans rentrées régulières d'argent, etc. Au bout du compte, après des décennies de production, ces gens là ne peuvent plus produire et donc ne peuvent plus survivre. Arriver à considérer l'art comme un métier avec les droits autour est le but que nous cherchons à atteindre graduellement, en mettant en place une fondation qui prendrait en charge la couverture sociale et les aides aux artiste connaissant des conditions difficiles et qui sans l'intervention royale seraient dans une situation désastreuse. Cela devrait aboutir dans quelques semaines...
La plupart des artistes vivent grâce à des projets internationaux, alors que paradoxalement, ils ont des problèmes de visa...
Nous avons lancé un appel, il y a 6 mois, à tous les artistes qui sont invités dans le cadre de manifestations internationales, afin de leur confirmer que nous pouvons jouer le rôle d'intermédiaire entre eux et les services consulaires et ambassades concernés. Nous pouvons nous charger de cela, à condition qu'ils aient une invitation officielle. Je réitère l'appel aujourd'hui.
Avez-vous comme projet de restructurer le Syndicat des artistes et le Bureau marocain des droits d'auteur, qui sont sujets à polémique ?
Comme vous le savez, le Bureau marocain des droits d'auteur (BMDA) est une entité héritée de l'ère du Protectorat, qui n'a pas de cadre juridique établi. Ce n'est ni une structure faisant partie d'un département ministériel, ni une entreprise publique, ni une agence. C'est un bureau relié directement, depuis un certain temps, au ministère de la Communication. Déjà cette structure bizarroïde pose problème. De plus, la gestion de ce bureau laisse à désirer. J'ai ainsi réclamé la liquidation de ce bureau pour mettre en place, au choix : une société privée, qui avec les artistes, se chargerait de la collecte de leurs droits ou un établissement où seraient représentés tous les intervenants au sein du ministère de la Culture et qui soit clair, transparent et qui travaille selon des normes établies.
En ce qui concerne les défis du numérique dans la politique culturelle, quelle est la place des nouvelles technologies dans votre stratégie ? Envisagez-vous un partenariat avec le ministère de la Communication ?
D'abord, le partenariat avec le ministère de la Communication existe sur plusieurs sujets, puisque très souvent les enjeux sont communs. Le grand défi du numérique est qu'il s'agit de notre grand concurrent par rapport à l'offre publique culturelle traditionnelle. Si l'offre publique traditionnelle n'arrive pas à évoluer suffisamment pour attirer le jeune public, c'est perdu d'avance. Chaque pays a besoin de développer les fondements de son identité. Chez nous, la diversité culturelle est reconnue et il y a un ensemble de valeurs et de traditions communes qui font de nous ce que nous sommes. Au sein des valeurs communes, il y a également l'ouverture sur l'autre qui est inhérente à notre culture. Et l'offre publique doit développer ces valeurs. C'est pour cela que cette offre est importante, puisque si elle n'est pas attractive, le jeune devant son ordinateur peut avoir accès à d'autres produits occidentaux, ce qui est intéressant puisqu'il faut s'ouvrir à l'autre. Mais l'ouverture sans socle de valeurs communes n'est plus une ouverture, c'est un courant d'air et une perte d'identité. Ce n'est donc l'intérêt de personne. L'offre publique doit donc être attrayante, intégrer le numérique et les centres culturels doivent avoir un contenu concret et solide. Pourquoi pas une intervention de Abdelhadi Belkhayat sur la musique ou la création de chansons, de textes, ou Mlihi qui explique comment lire un tableau ou le réaliser ? Nous voulons aussi développer l'aspect médiathèque. Nous sommes en train de revoir cette gestion des centres, sinon les projets sont perdus d'avance.
En parlant de la gestion justement, ne prévoyez-vous pas une formation du personnel de ces institutions culturelles puisque à l'inverse du modèle européen, ces endroits sont dirigés par des administrateurs et non des artistes engagés ?
Il s'agit là d'un des problèmes majeurs qui dépassent de loin le problème du budget. Je peux même accepter le budget que j'ai tant que l'on me quadruple le nombre de postes budgétaires. Depuis un certain nombre d'années, on nous donne 20 postes par année. Cela a été le fait de 2012, il en est de même pour cette année. Déjà, nous mettons à disposition cinq centres culturels par an plus un conservatoire et pour faire tourner ces centres, il nous faut plus de 20 personnes uniquement pour la création des centres culturels chaque année et ceci sans parler du reliquat et de l'amélioration de la gestion de ces centres. En parallèle, nous avons l'Institut supérieur d'art dramatique et d'animations culturelles (ISADAC) qui est un foyer de jeunes motivés à travailler. J'ai proposé trois pistes : augmenter le nombre de postes, qui est une nécessité pour un département qui en train de se développer au niveau territorial, que l'on nous accorde la possibilité de prendre ces jeunes de l'ISADAC sous une forme contractuelle de deux fois deux ans jusqu'à ce que l'on puisse leur trouver des postes budgétaires. Ensuite, nous devons penser à un modèle de cogestion de ces centres culturels avec le milieu privé, sauf que ces centres sont gratuits. Honnêtement, il s'agit encore d'un appel que je lance, je trouve nécessaire d'augmenter le nombre de postes budgétaires et je trouve intéressant d'intégrer ces jeunes diplômés dans le marché du travail.
Finalement, pensez-vous que tout ce programme sectoriel ambitieux est faisable en cinq ans ?
Je suis quelqu'un de très volontariste mais également très réaliste. Le volontarisme m'a poussé à élaborer le plan sectoriel sur cinq priorités et à engager les actions qui correspondent à chaque programme, de les budgétiser et de les planifier. C'est la formation scientifique qui a parlé. Mon côté réaliste me pousse à me dire : «Mon cher monsieur, vous pouvez travailler 24 heures sur 24, le plan sectoriel aura un impact très faible sur la culture de notre pays, parce que le ministère de la Culture n'est qu'un maillon dans une longue chaîne d'intervenants d'où l'obligation, à côté de ce plan de penser à quelque chose de transversal qui est le Maroc Culturel». Ce projet répondra en cinq ans à plusieurs problématiques culturelles. Nous sommes en train de définir pour chacun des projets, les intervenants, le budget, les axes et le programme à suivre. Nous porterons en hauts lieux ce projet, afin d'obliger les intervenants à assumer leurs responsabilités. La stratégie est en cours actuellement.
Un dernier mot pour tous les acteurs culturels, las de ces années où leur ministère était inactif et qui attendent que des actions concrètes voient le jour.
Je leur dirais que le Maroc a besoin de la culture, de ses intellectuels et de ses artistes. C'est ainsi qu'il a forgé son identité, la richesse de sa culture. Aujourd'hui, dans le moderne, la chose culturelle et artistique doit évoluer, notre pays a pris du retard dans la mise en place des outils nécessaires pour accompagner le mouvement de société, pour que la production culturelle influence notre pays.


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