Un franc succès. C'est le moins que l'on puisse dire de cette édition Afrique et Moyen-Orient de la conférence internationale sur la finance islamique (IFC 2012), qui s'est tenue à Marrakech la semaine dernière. Des experts internationaux, spécialement du Moyen-Orient et de l'Asie, ont passé au crible l'ensemble des volets relatifs à cette industrie émergente. Tendances, défis et challenge, gouvernance, système d'information ou encore, comportement du consommateur... les participants à cette édition ont fortement interagi face à ces différentes problématiques. Certes, ces vifs débats doivent être ramenés au contexte national. Au Maroc, il n'existe pas de banques islamiques pour qu'il y est un système proprement dit. Cependant, le Maroc a dû franchir un énorme obstacle, celui de la réglementation. C'est dire que le sujet de discorde qui inquiétait dans le passé a été digéré. Les banques, devant le fait accompli, n'ont qu'à suivre le changement pour pouvoir gérer cette nouvelle donne. Les cartes sont donc à rebattre pour limiter la casse et sauvegarder les parts de marché. Seuls les établissements réactifs et innovants pourront tenir tête aux outsiders et faire face à une concurrence accentuée par le lancement de nouveaux produits tant attendus par le client marocain. Certes, certaines banques locales ont tenté depuis 2007 l'expérience des produits dits alternatifs. Il n'en demeure pas moins que l'offre ne répondait pas parfaitement à la demande d'une grande frange de la population, qui s'est toujours interdit l'usage des moyens de financement bancaires classiques faisant appel aux intérêts. Les encours des produits alternatifs depuis leur lancement s'étant établis à 800 MDH fin 2011. Cependant, le coût et le rendement offerts par les produits islamiques sont aussi tranchants dans une décision de crédit ou de dépôt. Ces éléments peuvent faire pencher la balance en faveur des banques conventionnelles. Celles-ci devraient plus jouer le jeu de la transparence, tout en misant sur l'innovation. La course aux parts de marché s'annonce périlleuse aussi bien pour les banques conventionnelles que pour les éventuelles banques islamiques. Le «fair play» devrait être au rendez-vous. En somme, il faut dire que le Maroc a tout de même eu la chance de démarrer tardivement le chantier important de la finance islamique, puisque l'opportunité de le faire s'est déjà présentée dans les années 80, mais sans la volonté politique qui devait suivre. Ce retard a permis au Maroc d'avoir le recul nécessaire pour choisir les meilleures pratiques en la matière, tout en optant pour ce qui est adapté à ses spécificités religieuses, économiques et sociales. Une fois construit, le modèle marocain de finance islamique pourrait être dupliqué dans d'autres pays. Il n'est jamais trop tard pour bien faire. En attendant que le projet de loi soit effectif, le marché se fait déjà écho de quelques opérateurs du Golfe, notamment saoudiens ou encore qataris, qui prospectent au Maroc avec une offre déjà toute faite et tentent une opération de charme auprès des opérateurs locaux. Ces derniers devraient s'implanter via des «joint ventures» avec des opérateurs de la place ou devraient obtenir leur propre agrément. Ceci prouve une fois de plus que les choses ne tarderont pas à bouger. Un projet de loi incohérent vis à vis de la réalité économique... La réalité de l'économie marocaine est directement touchée par un certain nombre d'imperfections (déficit budgétaire et commercial, chômage...). La finance islamique devrait a priori contribuer à la levée de ces faiblesses. Néanmoins, le projet de loi relatif aux banques participatives, tel qu'il a été présenté au secrétariat général du gouvernement, n'apporte pas vraiment de réponse exhaustive aux problématiques réelles et aux aspirations des professionnels. Ceci étant, ledit projet dans sa version actuelle, touche un seul segment de l'industrie de la finance islamique, en l'occurrence celui de la banque participative. Certains des professionnels saluent déjà cette première initiative qui pourrait former la première pierre pour édifier un système financier islamique complet. Pour les plus sceptiques, le projet de loi reste incomplet et ne traite pas des problématiques d'ordre technique ou de fonctionnement. À titre d'exemple, le projet de loi n'évoque pas la notion de marché interbancaire dédié aux banques participatives. En outre, la manière dont ces banques sont censées se faire rémunérer par rapport à la réserve obligatoire ou encore aux versements dans le fonds de garantie (auprès de Bank Al Maghrib) n'est pas parfaitement claire. Certes, le texte a cité certaines techniques, mais n'en a pas mentionné d'autres, considérées comme incontournables au regard des spécificités de la structure économique et industrielle marocaine. Il s'agit là, à titre d'illustration, du Salam, technique qui répond aux besoins de financement des activités agricoles ou encore l'Istisana qui permet aux entreprises de financer des projets d'infrastructures et d'investissements relativement importants. Pour les professionnels, il faudrait que l'industrie de la finance islamique apporte des réponses palpables aux attentes des acteurs économiques en insufflant une nouvelle dynamique des affaires, en contribuant à la résolution de la problématique de l'emploi, de la PME, de la levée de fonds pour financer les investissements publics. De plus, une loi qui apporte de la visibilité aux acteurs financiers, aux opérateurs économiques, aux institutionnels ou encore aux investisseurs qu'ils soient locaux ou étrangers, serait la bienvenue. Pour l'heure, l'actuel projet de loi satisfait une certaine demande émanant d'une petite partie de la population. Celle-ci aspire à trouver des techniques de financement conformes à la charia ni plus ni moins. Toujours est-il que la population doit être bien informée et sensibilisée aux avantages et limites des produits alternatifs. Nous parlons donc d'une orientation vers le particulier plutôt que vers l'entreprise. Toutefois, malgré le caractère interdépendant de l'industrie de la finance islamique, la banque participative (seule composante traitée par le texte) ne pourrait réussir sans Takaful (assurance islamique). Néanmoins, celui-ci ne pourrait réussir sans un marché financier de classes d'actifs conformes à la charia. À l'inverse, ce marché ne pourrait être dynamique sans les Sukuk, sans les banques d'affaires et sans fonds d'investissements conformes à la charia.