Les prochains mois, voire les prochaines années ne seront pas de tout repos pour les banques conventionnelles locales. De nouveaux agréments seront accordés à de nouveaux entrants sur le marché bancaire marocain, reconnu pour sa forte concentration et sa réticence historique à l'installation d'établissements bancaires spécialisés dans la finance islamique. Le 19 juin dernier, à l'issue du Conseil de la Banque centrale, le discours du gouverneur de Bank Al-Maghrib (BAM), Abdellatif Jouahri, était clair et tranchant sur le sujet, annonçant ainsi l'avènement d'une nouvelle ère pour le secteur bancaire marocain. En attendant que la mise en application de la nouvelle loi bancaire, consacrant tout un chapitre au volet finance islamique, soit adoptée par le Parlement fin 2012, les banques de la place sont obligées d'affûter leurs armes. En effet, il n'est plus question de perdre du temps ou de faire marche arrière par rapport à ce sujet. Le gouvernement Benkirane y tient fortement. C'est, d'ailleurs, l'une des priorités du programme électoral du parti de la lampe. Même le régulateur du système bancaire (BAM) s'inscrit dans cette logique, après avoir repoussé, depuis des années, l'idée d'octroi d'agréments à des établissements spécialisés dans la finance islamique. C'est dire que le sujet qui fâchait et qui inquiétait dans le passé a été digéré. Les banques, devant le fait accompli, n'ont qu'à se suivre le changement pour pouvoir gérer cette nouvelle donne. Les cartes sont donc à rebattre pour limiter la casse et sauvegarder les parts de marché. Seuls les établissements réactifs et innovants pourront tenir tête aux outsiders et faire face à une concurrence accentuée par le lancement de nouveaux produits tant attendus par le client marocain. Certes, certaines banques locales ont tenté, depuis 2007, l'expérience des produits dits alternatifs. Il n'en demeure pas moins que l'offre ne répondait pas parfaitement à la demande d'une grande frange de la population, qui s'est toujours interdit l'usage des moyens de financements bancaires classiques faisant appel aux intérêts. Les encours des produits alternatifs, depuis leur lancement, s'étant établis à 800MDH à fin 2011. Cela ne fait que témoigner de l'importance de la demande pour ce type de produits, bien qu'ils ne soient pas encore «certifiés», c'est-à-dire, considérés comme conformes à la Charia, un aspect que les autorités du marché n'ont pas négligé. Certification La nouvelle loi bancaire a en effet prévu la mise en place d'un organe en guise de conseil religieux, qui aura pour rôle la «certification» des produits islamiques. Il s'agit du «Sharia board», qui aura ainsi un rôle déterminant dans la supervision des activités de la banque islamique et dans la validation de cette nouvelle offre, qui se veut plus adaptée à la demande d'une clientèle plus exigeante, dans la mesure où les contrats de financement islamique doivent être compatibles avec les principes fondamentaux de la Chari'a, à savoir la loi islamique extraite du Coran et de la Sunna. Cependant, il convient de noter que l'aspect religieux n'est pas la seule variable dans l'équation. Le coût et le rendement offerts sont aussi tranchants dans une décision de crédit ou de dépôt. Ces éléments peuvent faire pencher la balance en faveur des banques conventionnelles, qui doivent plus jouer le jeu de la transparence, tout en misant sur l'innovation. Du coup, la course aux parts de marché s'annonce périlleuse aussi bien pour les banques conventionnelles que pour les banques islamiques. Que le meilleur gagne ! En somme, il faut dire que le Maroc a eu, tout de même, la chance de démarrer tardivement le chantier important de la finance islamique. Cela lui donne le recul nécessaire pour choisir les meilleures pratiques en la matière, tout en optant pour ce qui est adapté à ses spécificités religieuses, économiques et sociales. Une fois construit, le modèle marocain dans la finance islamique pourrait être dupliqué dans d'autres pays. En attendant que les préalables soient mis en place, le marché se fait déjà écho de quelques opérateurs du Golfe, notamment saoudiens, qui prospectent au maroc et qui ont déjà une offre toute faite et tentent une opération de charme auprès des opérateurs locaux. C'est la preuve encore une fois que les chose ne tarderont pas à bouger. De sources bien informées, des annonces devraient être officialisées d'ici la rentrée. Accompagnement La finance islamique marocaine, qui reposera sur des processus, une réglementation et une gestion des risques spécifiques, aura naturellement besoin de systèmes d'information performants pour supporter son activité. Ceci offre un potentiel intéressant pour les sociétés de services informatiques, pour fournir aux futures banques islamiques locales des systèmes d'information adaptés à leurs besoins et pour les accompagner dans leurs processus de démarrage et de croissance. Le volet formation n'est pas en reste. C'est le socle de toute stratégie gagnante en la matière. En effet, seule l'innovation permettra de faire la différence. En outre, la maîtrise de l'ingénierie informatique des solutions financières, une bonne maîtrise des principes de la Chari'a est également de mise pour le personnel des agences bancaires offrant des produits islamiques. Il ne s'agit donc pas de se limiter à dispenser quelques heures de formation aux agents de la banque conventionnelle.