C'est avec un enthousiasme certain que les participants à l'édition Afrique et Moyen-Orient de la Conférence internationale sur la finance islamique (IFC 2012) organisée par le cabinet i-Compétences ont ouvert les débats, jeudi 27 décembre, autour d'une industrie qui prend de l'ampleur dans le système financier mondial et qui fait preuve de résilience face aux crises économiques. Considérée comme la solution alternative au système financier conventionnel, l'industrie des services financiers islamiques (ISFI) continue de s'assurer une évolution constante. Actuellement, les deux références mondiales en la matière sont la Malaisie et les pays du Golfe et plus spécialement l'Arabie Saoudite qui se voit le plus grand marché au monde en la matière. Néanmoins, l'ISFI est actuellement dans un état embryonnaire. Elle représente un peu plus de 2% de l'industrie financière mondiale. Elle jouit cependant d'un fort potentiel de croissance. Sur les 3 dernières années, le taux de croissance est estimé à 16% annuellement. En 2012, l'actif des banques islamiques à travers le monde se monte à 1,8 milliard de dollars contre 1,3 milliard une année plus tôt. Et le Maroc dans tout cela? Notre pays est à la traîne. Il est jugé «très en retard» par rapport aux autres pays islamiques, voire même par rapport aux pays frontaliers à l'instar de l'Algérie, de la Tunisie ou encore de la Mauritanie, qui possède sa banque islamique. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Les banques islamiques internationales ont déjà frappé à la porte du Maroc. Depuis une quinzaine d'années, plusieurs banques islamiques du Moyen-Orient avaient demandé à intégrer le circuit bancaire marocain, sans arriver à décrocher l'aval de la Banque centrale. Le bémol résidait en effet dans le cadre réglementaire. En effet, la loi bancaire en vigueur ne le permet pas. Aujourd'hui, la donne sera amenée à à changer avec l'intégration de la notion de banques participatives au niveau du projet de loi sur les établissements de crédit. Avec pour ambition de devenir un acteur régional de référence dans la zone MENA, le Maroc a réétudié son positionnement. L'économie marocaine jouit d'une certaine notoriété auprès des pays de la région, notamment l'Afrique de l'Ouest. Tout cet ensemble d'arguments pourrait valoir une place au soleil dans le pays de la finance islamique à condition d'assurer une célérité à ce chantier. Banques islamique ou window Jusque-là, toute la réflexion s'articulait autour du concept de la finance islamique et des bienfaits qu'elle pourrait présenter dans le contexte économique actuel. Cependant, ce qui semble plus intéressant encore, c'est le point d'honneur que les spécialistes mettent en élargissant le cadre de développement de ce concept. Il ne s'agirait donc pas d'un seul système appliqué par des institutions bancaires, notamment les banques islamiques, mais de toute une matrice financière qui s'appliquerait à de nombreuses activités, telles que l'immobilier, le développement du tissu entrepreneurial, le crédit bail... Cependant, pour que ce modèle puisse être applicable, préconisent les experts, il faudrait mettre en place un certain nombre de préalables et l'approche reste assez complexe. Pour le Maroc, tout reste à faire, mais de manière graduelle. Le canal des offres a certes d'ores et déjà été déterminé et se fait via les «windows» des banques conventionnelles, afin de ne pas bousculer les habitudes socio-économiques. Il ne suffirait donc pas d'installer une banque islamique, mais de mettre en place un certain nombre de pré-requis. Plusieurs aspects sont à l'étude, notamment celui de la conformité des produits de la finance islamique. Un argument qui s'effriterait cependant de plus en plus, selon les spécialistes, qui montent aujourd'hui au créneau pour assurer que la finance islamique n'a pas forcément besoin de théologiens pour sa mise en œuvre, mais davantage de financiers, pour en piloter l'implantation. Charia board, le grand débat S'il y a bien un acteur omniprésent dans le domaine de la finance islamique, c'est la Charia board (comité de conformité à la charia ou CCS). Les différentes responsabilités qui incombent à ce comité composé de «charia scholars» (membres du comité) lui confèrent un rôle clé et fondamental dans ce secteur en plein essor. Dans la pratique, ce comité de conformité, composé de trois charia scholars au moins (et qui peut aller jusqu'à 5 membres pour respecter le quorum lors d'un vote), est totalement indépendant dans les prises de décision des instances dirigeantes de l'établissement pour lequel il exerce. Les résolutions qu'il adopte, que ce soit à la majorité ou à l'unanimité, doivent nécessairement être respectées et appliquées par l'organisme financier. Cela dit, la pratique la plus répandue est que chaque établissement financier doit avoir son propre comité. Cependant, au Maroc, le chapitre relatif aux banques participatives prévoit effectivement la mise en place d'une «Charia board» mais à un niveau centralisé. Un organe indépendant qui se voit comme la solution idoine pour légiférer et prévenir les litiges pour l'ensemble du système. Certains pensent que le Conseil supérieur des Oulémas pourrait jouer ce rôle. À l'heure actuelle, rares sont les Oulémas, membres du Conseil supérieur, qui ont l'aptitude et la compétence nécessaire pour légiférer au niveau de la finance islamique. La maîtrise des mécanismes financiers s'avère assez complexe mais indispensable. L'autre question qui se pose également est de savoir si les membres du «Charia board» doivent tous être des savants musulmans ou simplement des érudits qui s'intéressent à la matière ? En tout cas, c'est l'une des questions indispensables à laquelle doivent se soumettre les éventuels membres de la «Charia board». Le draft du projet de loi ne précise pas l'autorité habilitée à nommer les membres du comité central de la charia, il ne précise pas non plus le profil de ses membres. Au sein des banques participatives, le texte prévoit un comité d'audit et non pas un comité de charia, qui devra intervenir généralement en amont de l'adoption des montages financiers et des nouveaux services à commercialiser.