Le Parlement peut mieux faire tant au niveau de la législation que du contrôle, comme le reconnaît le président de la Chambre des représentants. Habib El Malki estime nécessaire de prendre certaines mesures pour améliorer l'action parlementaire. Le Parlement a baissé les rideaux de la dixième législature dont le bilan est plein d'enseignements, à plus d'un titre. Le président de la Chambre des représentants, Habib El Malki, a mis l'accent, lors de la clôture, sur certaines insuffisances ayant émaillé l'action parlementaire durant ce mandat ainsi que sur les solutions qui s'imposent. Au niveau législatif, la législature, qui vient de prendre fin, n'a pas dérogé à la règle en ce qui concerne la faiblesse d'adoption des propositions de loi. Le taux des initiatives législatives adoptées ne dépasse pas 7%, soit 23 propositions sur un total de 330 textes ayant franchi le cap de l'institution législative et 8% sur les 257 propositions de loi déposées par les députés. À ce titre, El Malki déplore le manque d'interactivité du gouvernement avec les textes élaborés par les groupes parlementaires. Néanmoins, il reconnaît dans certains cas, que l'initiative législative du Parlement a besoin d'être développée, améliorée et affinée sur le plan quantitatif et qualitatif. Cette situation est due, selon lui, à un déséquilibre en matière de moyens, d'expertise et d'informations entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. La faible communication entre les institutions est aussi pointée du doigt, notamment entre le gouvernement et le Parlement et entre les partis et des instances institutionnelles qui les représentent. Les dysfonctionnements qui entravent l'aboutissement des initiatives législatives parlementaires peuvent être dépassés à l'avenir. Quelques propositions ont été, d'ailleurs, déjà formulées à cet égard par le bureau de la Chambre basse. Il s'agit notamment de la nécessité d'accompagner chaque proposition de loi d'une étude traitant de son contexte, son impact potentiel, ses objectifs... Quant à l'amélioration de la formulation des propositions, -une problématique récurrente-, elle a été déjà entamée par la création d'une unité administrative chargée de la rédaction de ces textes pour appuyer les parlementaires dans leurs missions législatives et le lancement du centre parlementaire des études et de la recherche. Une expérience qui gagnerait à être développée au cours du prochain mandat. Habib El Malki suggère aussi de placer les initiatives législatives des parlementaires au centre des discussions et des délibérations entre le Parlement, le gouvernement et la société représentée par les organismes professionnels et civils ainsi que les influenceurs. Il faut, en outre, prendre les mesures nécessaires concernant le sort des propositions de lois en mettant en œuvre les dispositions de la Constitution et du règlement intérieur de l'institution législative relatives au volet législatif. Effectivité des lois Par ailleurs, le gouvernement et le Parlement, qui seront formés après les élections du 8 septembre, sont appelés à porter un intérêt particulier à l'effectivité des lois pour accroître la crédibilité de l'action publique. Plusieurs dispositions juridiques restent lettre morte à cause de la non publication des textes d'application. Cette problématique a été soulevée, à plusieurs reprises, lors de la dixième législature sans qu'aucune avancée ne soit enregistrée en la matière. Aussi le président de la Chambre des représentants propose-t-il certaines dispositions pour rectifier le tir, à commencer par la nécessité pour le Parlement de demander au pouvoir exécutif de veiller à accompagner chaque projet de loi de ses décrets d'application. Si le gouvernement n'interagit pas positivement avec cette demande, le Parlement devra insister sur cette question lors de la phase d'examen et de discussion des textes pour que l'Exécutif s'engage sur un calendrier clair de mise en œuvre des dispositions juridiques. Il serait également utile de faire un inventaire des textes d'application et de faire le suivi de leur élaboration et mise en œuvre. À ce titre, une grande responsabilité incombe à chaque commission parlementaire pour que les députés puissent suivre la situation de mise en œuvre des lois qu'ils ont votées et prendre, le cas échéant, les mesures de contrôle qui s'imposent. El Malki va plus loin, en proposant de créer un groupe de travail parlementaire thématique chargé du suivi de la législation et de la publication des décrets d'application. Développement du contrôle Le défi de l'effectivité ne concerne pas uniquement la législation, mais aussi le contrôle parlementaire. L'expérience démontre que la majorité des recommandations des parlementaires ne voient pas le bout du tunnel. Les efforts des parlementaires restent souvent en suspens, comme ce qui s'est passé pour les missions exploratoires au niveau de la première Chambre. El Malki plaide pour la révision de la gestion en matière d'octroi des autorisations relatives à la constitution des missions exploratoires, de manière à éviter les cas de conflit d'intérêts et le non-achèvement des travaux de ces missions. Les chiffres en disent long sur cette situation. Uniquement quatre missions exploratoires sur 27 ont présenté leurs rapports en séance plénière. Il serait, ainsi, judicieux d'améliorer la gouvernance de la constitution de ces missions et d'éviter de retraiter le même sujet. En matière d'évaluation des politiques publiques, les enjeux sont aussi de taille. À cet égard, il s'avère nécessaire de réunir le consensus sur le sujet annuel d'évaluation à la fin de chaque année législative en vue de pouvoir mener au moins une seule opération d'évaluation par an. Le calendrier devra être clair, précis et surtout respecté. Là encore, le suivi des recommandations constitue un grand défi aussi bien pour le Parlement que pour le gouvernement. Jusque-là, un grand fossé sépare encore la pratique et les objectifs fixés en matière d'évaluation des politiques publiques par le Parlement. Le contrôle parlementaire reste basé en majeure partie sur les actions réalisées ou non réalisées par l'Exécutif en comparaison avec les engagements de ce dernier, comme le souligne si bien le Conseil économique, social et environnemental. Or, l'évaluation nécessite une maîtrise des outils pour évaluer, sur le plan économique et social, les retombées des politiques publiques et mesurer l'efficience du coût engagé par celles-ci. La situation actuelle s'explique, entre autres, par le fait que les députés ne disposent pas souvent des outils méthodologiques et encore moins des moyens humains et budgétaires nécessaires pour élaborer et conduire une démarche évaluative efficace. Le Parlement marocain gagnerait à s'inspirer des expériences internationales en la matière comme celle du congrès américain qui dispose de deux agences en matière d'évaluation des politiques publiques. Leur mission est de faire des évaluations rétrospectives, d'analyser l'adéquation des programmes gouvernementaux aux objectifs escomptés et d'examiner la possibilité de les réaliser à des coûts moindres, d'évaluer les coûts des choix politiques effectués par le congrès, de contrôler les dépenses publiques… Même au niveau du contrôle de la dépense publique, les actions menées par les deux Chambres restent lacunaires en dépit des efforts déployés par les parlementaires. Aussi l'amélioration des mécanismes mis en place s'impose-t-elle. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco