À mi-mandat, la Chambre des représentants peine toujours à donner un coup de fouet aux propositions de loi qui demeurent le maillon faible de la production législative. Plusieurs textes sont bloqués en raison de la quête d'un consensus. Comme à l'accoutumée, Habib El Malki (photo) a dressé un bilan positif de la Chambre des représentants à mi-mandat. Sur le plan législatif, quelque 150 projets de loi ont été adoptés dont 44 au cours de la session parlementaire qui vient de se clore. Le président de la Chambre basse affiche particulièrement sa fierté quant à l'esprit de consensus qui a marqué l'adoption de la majorité des textes sauf que la quête du consensus ralentit parfois le rythme législatif et qu'elle est à l'origine du blocage de certains projets de la plus haute importance. Il s'agit notamment des projets de lois organiques relatifs au caractère officiel de l'amazigh et au Conseil national des langues et de la culture marocaine ainsi que du projet de loi-cadre sur le système éducatif. Ces trois textes qui ont été étudiés de fond en comble par les députés et ont suscité des débats animés peinent à franchir le cap de la commission en raison des divergences de points de vue entre les parlementaires. Les groupes de la majorité qui doivent présenter des propositions d'amendements en commun n'arrivent toujours pas à rapprocher leurs visions autour de ces trois projets dont l'adoption était très attendue lors de la session automnale. Une réunion des présidents des groupes parlementaires et du groupement parlementaire de la majorité sous la présidence de Habib El Malki était prévue hier après-midi pour accorder les violons autour de ces trois projets de loi. Selon une source interne, le terrain n'est pas encore totalement balisé pour atteindre le consensus escompté notamment en ce qui concerne le projet de loi-cadre de l'enseignement. Rappelons à cet égard que la principale pomme de discorde a trait à la langue d'enseignement des matières scientifiques et techniques. Au sein de la coalition gouvernementale, on espère que le PJD lâche du lest sur cette question pour pouvoir enfin accélérer le processus d'adoption du texte. Propositions de loi : un bilan modeste Sur le volet des propositions de loi, les législatures se suivent et se ressemblent même si le gouvernement a créé une commission chargée d'étudier les initiatives législatives des parlementaires. Le bilan en la matière reste modeste, comme le souligne El Malki. Au niveau de la Chambre des représentants, le taux des propositions de lois adoptées ne dépasse pas 7,75% soit 9 textes sur un total de 115 propositions de lois présentées par les députés depuis le démarrage de la législature. Uniquement trois propositions de loi ont franchi le cap des deux Chambres du Parlement au cours de la session parlementaire automnale alors que les projets de loi adoptés sont de 48. Comment l'institution législative peut-elle rectifier le tir ? Dans le règlement intérieur, les commissions permanentes peuvent examiner les propositions de lois sans la présence des ministres concernés mais El Malki estime que la Chambre des représentants veille à ce que les responsables gouvernementaux soient présents pour assurer la complémentarité entre les deux institutions. Jusque-là, le gouvernement a livré son verdict à propos de 86 propositions de loi émanant des deux chambres du Parlement et il reste quelque 29 textes en cours d'examen. Les parlementaires reprochent au gouvernement d'accepter généralement des propositions de loi traitant de questions législatives simples ou formelles. L'avis de la commission interministérielle chargée de l'examen des propositions de loi est basé sur plusieurs critères dont la nécessité que le texte soit en conformité avec les dispositions de la loi fondamentale. À cela s'ajoute l'impératif d'éviter le volet organisationnel qui est une attribution propre à l'Exécutif. C'est d'ailleurs l'une des cartes brandies par les différents gouvernements pour rejeter des propositions de lois au même titre que la condition du respect de l'harmonie des lois pour éviter qu'une proposition de loi soit en contradiction avec les dispositions d'autres textes juridiques en vigueur. L'assistance parlementaire s'impose La mission législative des parlementaires est ainsi complexe car il faut être doté d'experts chevronnés pour remplir tous les critères et ficeler des textes de qualité tant au niveau du fond que de la forme. L'habillage juridique est aussi important que le contenu des propositions de loi. La création du Centre parlementaire de recherches et des études est très attendue pour accompagner l'action parlementaire. Bientôt cette entité devrait voir le jour, selon le président de la Chambre basse. Le centre permettra d'appuyer l'institution législative dans ses différentes missions dont celle du contrôle post-législatif auquel le Parlement devra accorder une importance particulière. La Chambre des représentants a récemment tenu une rencontre sur cette question qui est érigée en priorité dans plusieurs pays. Il faut dire qu'il ne suffit pas de légiférer, encore faut-il vérifier la mise en œuvre des lois. À cet égard, des efforts de coordination entre le gouvernement et la Chambre des représentants sont en cours pour activer l'adoption des décrets d'application, selon El Malki. Au Maroc, précisons-le encore, le tiers des législations adoptées par le Parlement restent sans décrets d'application pendant une durée dépassant un an. Et même en cas d'adoption des lois, certaines dispositions restent parfois lettres mortes ou sans impact réel sur les citoyens. L'absentéisme traqué Le fléau de l'absentéisme a toujours frappé de plein fouet l'institution législative. La Chambre des représentants a pu relativement maîtriser la problématique. El Malki est parvenu à réussir là où ses prédécesseurs ont échoué. Le bureau de la Chambre des représentants semble en effet déterminé à traquer l'absentéisme des parlementaires qui a la peau dure. Les dispositions prévues dans le règlement intérieur sont mises en œuvre contrairement aux précédentes législatures. Les sanctions tombent l'une après l'autre. Les noms des absentéistes sont annoncés lors de chaque séance plénière hebdomadaire des questions orales et publiés au Bulletin officiel de la chambre. Des prélèvements sont opérés sur les rémunérations des députés qui s'absentent plus de deux fois sans motifs valables lors de la même session. «La présence est devenue très honorable en comparaison avec le début de la législature», jubile le président de la première Chambre, chiffres à l'appui : le taux de présence en commissions est de 74%. L'application du règlement intérieur de la Chambre des représentants en matière de lutte contre l'absentéisme devra interpeller la chambre haute qui n'arrive pas à juguler le fléau aussi bien en commissions qu'en séances plénières. Renforcer la crédibilité La présence aux travaux du Parlement n'est qu'un élément parmi d'autres pour rehausser le rendement de l'institution législative et améliorer son image auprès de l'opinion publique. Les efforts devront encore se poursuivre pour renforcer le contrôle de l'assiduité des députés. C'est dans ce cadre que s'inscrit le Code de déontologie parlementaire élaboré par la Chambre des représentants. Le guide comporte nombre de règles qui devraient d'office relever du patrimoine génétique politique d'un député (Intégrité, objectivité, neutralité, indépendance, assiduité, transparence, nécessité d'éviter les conflits d'intérêt..). El Malki souligne l'importance de ce mécanisme dans le renforcement de la crédibilité de non seulement l'institution législative mais aussi de l'action politique et la démocratie représentative de manière générale. Il s'avérait en effet on ne peut plus nécessaire de faire sortir ce guide face à l'anarchie et à certains comportements qui nuisent à l'image du Parlement. Aujourd'hui, le plus grand défi est celui de la mise en œuvre de ce code et son appropriation par les députés. Session extraordinaire ? Le Parlement va-t-il tenir une session extraordinaire ? Une question qui revient à la fin de chaque session parlementaire quand des projets de loi importants sont en cours de discussions au sein des commissions permanentes. Pour le moment, rien n'est envisagé en la matière, comme le laisse entendre El Malki qui estime qu'il est possible de tenir une session extraordinaire «si on avance sur certains projets». Si la majorité se met d'accord sur la langue d'enseignement, il faudrait recourir à ce mécanisme pour accélérer le processus d'adoption du projet de loi-cadre sur le système éducatif. Retraite des parlementaires : Le dossier toujours en suspens Où en est la réforme de la retraite des parlementaires ? Le dossier est gelé depuis la précédente session printanière et aucune issue ne semble pointer à l'horizon en dépit du bras de fer des anciens députés. El Malki estime que «là encore, il s'agit d'une question qui nécessite le consensus entre les différentes composantes de la chambre». Il assure que le dossier reste ouvert pour parvenir à un accord. Selon des sources internes, le scénario le plus proche de la réalité est celui de la liquidation du système qui était vivement critiqué par plusieurs députés. En tout cas, aucune décision ne pourrait être prise avant les élections du renouvellement des instances de la Chambre des représentants. Habib El Malki va-t-il présenter de nouveau sa candidature au perchoir ? Tout dépendra de l'accord de la majorité. Jusque-là, tout porte à croire que la coalition gouvernementale optera encore une fois pour le candidat socialiste.