Le sénateur américain Joe Wilson qualifie le Polisario de groupe terroriste    Renforcement du partenariat maroco-américain : une rencontre diplomatique réaffirme l'engagement mutuel en faveur de la paix et de la coopération régionale    Une visite stratégique reflétant le poids régional du Maroc : Nasser Bourita, premier responsable maghrébin à rencontrer la nouvelle administration Trump    Meknès : le Ministre fait le point sur l'état d'avancement des préparatifs du Salon international de l'Agriculture au Maroc    Visée par une cyberattaque, la CNSS ouvre une enquête    Algérie et la comédie des communiqués répétés : un nouvel épisode du syndrome de la "diarrhée des déclarations" !    Malgré 4,8 millions de dirhams engagés, une cybersécurité en trompe-l'œil au sein de la CNSS    CNSS : Les documents fuités sont inexacts et trompeurs    Samsung lance une solution de crédit simplifiée en partenariat avec SOFAC    SAP Lance un Centre d'Expérience Client dédié à l'IA au Maroc    Nucléaire iranien - Araghchi: contre toute "solution militaire" Netanyahu: l'option militaire est "inévitable"    Palestine : Le Premier ministre britannique critique la reprise des frappes israéliennes    Contrefeu gouvernemental : la majorité cherche à court-circuiter l'enquête de l'opposition sur le bétail importé    1⁄4 CCAF : Zamalek éliminé à domicile !    1⁄4 LDC : Pyramids-Orlando Pirates en demi-finale !    Achraf Hakimi dans l'équipe type de la 28e journée de Ligue 1    Livre : Lino fait vibrer les buts, les hertz «Et Alors !»    Sahara marocain : Washington redessine les règles du jeu    Vidéo. Rabat, capitale mondiale de la sociologie, du 6 au 11 juillet    Pour une stratégie nationale et inclusive de la formation médicale continue au Maroc    Veolia doublera sa capacité de dessalement d'ici 2030, avec un déploiement stratégique au Maroc    Akram Kharief : «Concernant le Sahara, l'Algérie est sommée de rompre avec une doctrine héritée des années 1970»    Nomination des membres de la Commission de soutien à la numérisation, à la modernisation et à la création de salles de cinéma    FICAM 2025 : Un casting toon'tastique !    Hopitalisé, Mohamed Choubi a besoin d'une greffe de foie    Nostalgia Lovers Festival : Le grand retour de la pop culture à Casablanca    La Chambre des représentants ouvre vendredi la deuxième session de l'année législative 2024-2025    WFS Rabat 2025: Le Mondial-2030 s'inscrit dans une dynamique de développement alliant l'économique et le social    Moroccan female boxers celebrated for World Championship success in Serbia    Grand Prix Hassan II : Luciano Darderi sacré champion de la 39e édition    Les Etats-Unis réitèrent leur soutien à la souveraineté du Maroc sur le Sahara    Microsoft licencie Ibtihal Aboussad après son indignation du rôle de l'IA à Gaza    Parlement : Des partis de l'opposition demandent une séance de solidarité avec la Palestine    France : Rachida Dati épinglée pour 420 000 euros non déclarés    Hajj: L'Arabie saoudite met en garde contre les annonces trompeuses    Sáhara: Argelia y el Polisario reaccionan al apoyo de la administración Trump a Marruecos    Marrakech : La mise en cause dans l'affaire Salma arrêtée après de nouvelles menaces    Cyberattacks : The new frontline in the Morocco-Algeria rivalry    Sahara : Algérie et Polisario réagissent au soutien de l'administration Trump au Maroc    Face aux turbulences du commerce mondial, Londres veut se rapprocher de l'UE    La FRMF et l'ONMT portent l'ambition d'un « Maroc, Terre de Football »    Maroc : la BERD et Finéa s'associent pour soutenir les TPME    Warner Music MENA signe trois figures majeures de la scène urbaine marocaine : Dizzy DROS, Snor et Kouz1    Warner Music MENA boosts Moroccan rap scene with Dizzy DROS, Snor, and Kouz1 signings    La Chine critique l'escalade tarifaire de Washington et appelle à un commerce équitable fondé sur la coopération    Rencontre diplomatique de haut niveau à Washington : Nasser Bourita rencontre son homologue américain Marco Rubio    Pour le DG du Festival du Livre de Paris, le Maroc est un « acteur majeur » de l'édition en Afrique    Siel : 775 exposants pour la 30e édition    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Organisation judiciaire : les avocats se mobilisent contre l'article 14
Publié dans Les ECO le 08 - 07 - 2021

Ecartelés entre le français et l'arabe classique, les hommes de droit marocains ne parviennent pas à se mettre d'accord sur une politique linguistique stable. Actuellement, la formulation de l'article 14 du projet de loi relatif à l'organisation judiciaire suscite une levée de boucliers et des remous chez les avocats. À la faveur d'un projet de loi en ce moment débattu à la commission Justice et législation de la première Chambre, un collectif d'avocats appelle à la vigilance des parlementaires de manière à ce que la traduction des pièces demeure une faculté et non une règle impérative.
Faut-il supprimer le français ? Défendre l'arabe classique ? Depuis des décennies, le Maroc ne parvient pas à se mettre d'accord sur une politique linguistique stable. Dans l'institution judiciaire, la formulation de l'article 14 du projet de loi relatif à l'organisation judiciaire suscite une levée de boucliers et des remous chez les avocats. Un collectif d'avocats s'est ainsi mobilisé pour lancer un appel pressant à la modification de sa formulation. «La traduction des pièces doit demeurer une faculté et non une règle impérative. Maintenue en l'état, cette disposition alourdira les délais et procédures judiciaires, produira des goulots d'étranglement en raison des capacités numériques actuelles de traduction (volumétrie de documents à traduire / délai requis) à l'échelle nationale», alerte ce collectif dans un communiqué.
En effet, en termes de capacité numérique, le Maroc compte 406 traducteurs assermentés seulement, selon la dernière liste des traducteurs assermentés auprès des Cour d'appel publiée au Bulletin officiel du 14 juin 2021 pour les 120 juridictions de fond que compte le royaume, outre la Cour de Cassation. Au titre de l'année 2020, le nombre de dossiers enregistrés auprès desdites juridictions de fond au Maroc (hormis la Cour de Cassation) a été de 2.782.048 affaires, selon le ministère de la Justice. Pour ces avocats, mécaniquement, les traducteurs assermentés, quelle que soit leur célérité, leur efficacité et leur mobilisation, ne pourront humainement jamais faire face dans des délais recevables et acceptables pour le justiciable à l'énorme flux qui serait généré par l'adoption de la loi en l'état, et notamment de son article 14.
Impacts sur l'afflux d'IDE
Le collectif d'avocats alerte, donc, sur les enjeux en termes d'afflux d'investissements directs étrangers (IDE). Une telle complication des procédures ne manquera pas de marquer le ralentissement des investissements étrangers, dont les documentations peuvent comprendre des milliers de pages et qui, de fait, seraient exposés à des délais probablement décomptés en années pour une procédure. «Il faudrait donc craindre une régression dans l'ouverture et la diversité qui caractérise notre pays et probable coup d'arrêt aux investissements étrangers face à une justice qui serait structurellement lourde, lente et coûteuse en temps et en argent», signalent ces juristes. Or, justement, l'efficacité et l'efficience de la justice font partie des premiers paramètres pris en compte pour les investissements directs étrangers.
Des surcoûts pour les citoyens
Qu'est-ce que la mouture actuelle va changer chez le citoyen lambda, si le projet de loi était adopté tel quel ? Les juristes membres du collectif expliquent que l'article 14 du projet de loi «imposera la traduction en arabe, par un traducteur assermenté, de toutes les pièces produites dans le cadre d'une procédure, à moins que la juridiction en décide autrement». Autrement dit, les documents produits dans une langue autre que l'arabe devront être traduits. Selon le collectif d'avocats, «cette disposition constituera un surcoût considérable pour les citoyens dans leurs procédures judiciaires et entravera l'accès des citoyens de conditions modestes à la justice du pays». Cette disposition condamnera également de manière certaine, l'égalité d'accès à la justice pour les Marocains en raison du surcoût systématique et préalable pour toute personne qui souhaiterait faire valoir ses droits et/ou se défendre. Ainsi, et à titre d'exemple, pour avoir accès à la justice dans le cas d'un litige avec son employeur, un citoyen salarié devra préalablement traduire son contrat de travail, ses bulletins de salaire et ses attestations de travail. Donc un citoyen en difficulté, bien que bénéficiant de l'aide juridictionnelle devra préalablement débourser une somme importante avant de prétendre faire valoir ses droits, quel que soit le type de litige ou de juridiction. Rappelons que le projet de texte a été débattu le mardi 6 juillet à la commission Justice et législation de la première Chambre. Alors qu'il «traînerait depuis que la Cour Constitutionnelle s'est prononcée sur son inconstitutionnalité en février 2019», les hommes de loi se disent intrigués qu'il soit soudainement devenu une urgence à la veille des élections dans l'optique d'être adopté avant la clôture de la session parlementaire prévue avant la fin du mois de juillet.
Remise en cause des acquis des justiciables
Pour le collectif d'avocats, en l'état, ce texte aura un impact néfaste et considérable sur les procédures judiciaires et condamnerait sûrement l'efficience de fonctionnement de nos juridictions. Il priverait le citoyen vulnérable d'un accès équitable et libre à la justice du pays. «L'adoption de cet article 14, tel que rédigé dans le projet de loi, remet en cause l'un des principaux acquis des justiciables depuis l'indépendance : le droit à la production, devant les juridictions, de documents rédigés dans une langue autre que la langue officielle du royaume». Même si, au Maroc, les jugements dans les tribunaux sont prononcés en arabe classique, au grand dam de ceux qui ne le parlent pas, les avocats s'interrogent sur la soudaine nécessité de traduire les documents en arabe. «Il est d'ailleurs pour le moins paradoxal que le bulletin officiel et les journaux d'annonces légales, les états de synthèse et de nombreux documents administratifs soient publiés et édités en langue française et que soudainement l'exigence de la traduction devienne une priorité absolue. Pourquoi former des magistrats en intégrant dans leur cursus l'enseignement des langues, si par ailleurs cet enseignement devient inutile dans leur pratique quotidienne ?»
Prolongement et alourdissement automatiques des délais et procédures judiciaires
Par définition, cette disposition alourdira automatiquement les délais de traitement des procédures car la décision d'acceptation de documents non traduits (ou de rejet de documents non traduits et donc d'exigence de documents traduits) ne pourrait intervenir qu'à un stade avancé de la procédure au moment de l'étude des pièces versées au dossier, ce qui implique un retour à la case départ avec d'office un allongement des délais. En effet, le tribunal saisi n'examinant pas les documents produits, en pratique, que lors de la mise en délibéré du dossier, le tribunal devra remettre le dossier au rôle pour inviter la partie à produire la traduction des documents, ce qui ne manquera pas de rallonger les délais de procédure. La partie adverse peut invoquer l'irrecevabilité de la demande de sorte que le dossier fera l'objet de plusieurs renvois successifs en attendant la production des traductions.
Zineb Laraqui.
Avocate au Barreau de Marrakech
À l'heure où le récent rapport de la Commission spéciale sur le modèle de développement (CSMD) remet en question l'efficacité de la justice et l'incidence délétère sur les justiciables et le climat des affaires, il est à mon sens absolument contre-productif d'ajouter une contrainte supplémentaire aux justiciables. En effet, la traduction obligatoire et systématique des pièces à produire au tribunal, via un traducteur assermenté, va constituer un frein supplémentaire à une justice efficiente et de qualité. Outre le nombre insuffisant des traducteurs assermentés, la technicité des matières des affaires, les délais de traduction extrêmement longs, il faut savoir que les coûts de cette traduction sont élevés pour le justiciable et sont des frais irrépétibles qui ne sont pas considérés comme des dépens. Ils ne sont donc pas imputables à la partie qui succombe au litige. Plus grave encore, des procédures urgentes (comme des mesures conservatoires ou un référé) se verront privées de leur caractère essentiel à savoir la rapidité. Le recours aux traducteurs assermentés est déjà, aujourd'hui, une faculté octroyée aux magistrats qui peuvent l'ordonner à tout moment. Il est donc inutile d'alourdir la procédure judiciaire, déjà exsangue par un Code de procédure civile obsolète de cette obligation qui ne fera qu'éloigner encore plus la confiance déjà largement érodée.
Abdelatif Boulalf.
Docteur en droit, Avocat agréé près la Cour de Cassation
«La constitution n'interdit pas l'usage d'une langue étrangère»
L'article 14 du projet de la loi relative à l'organisation judiciaire remettra en cause les principaux acquis des justiciables : le droit à la production, devant les juridictions, de documents rédigés dans une langue autre que la langue officielle du Royaume. La jurisprudence a déjà statué sur cette question et a considéré que la nécessité de la production des documents en arabe concerne seulement les requêtes, mémoires, plaidoiries et jugements sans pièces ni documents, ce qui a été confirmé par la jurisprudence de la Cour de cassation qui, en vertu de son arrêt du 17 juin 1992, a considéré qu'il n'est pas nécessaire de recourir à un traducteur pour traduire en arabe un document rédigé dans une langue étrangère. Et que le document original rédigé en langue étrangère est à prendre en compte tant que le juge peut en déduire et comprendre son contenu, tant que le juge a la capacité de le comprendre sans l'aide d'un traducteur, et tant que l'arabe est la langue requise dans les actes de procédure et des mémoires, et non les documents ; La Cour a indiqué dans une autre décision qu'il n'y a pas d'objection à l'adoption d'un document rédigé dans une langue étrangère, tant que la constitution ne contient aucune disposition interdisant l'utilisation de cette langue. Certes la langue arabe est la langue officielle, mais la constitution n'interdit pas l'usage d'une langue étrangère si nécessaire. La même position a été adoptée par la Cour d'appel de commerce de Casablanca qui a confirmé que la langue arabe n'est requise que dans les mémoires. De plus, nous sommes en pleine mondialisation et ouverture sur le monde moderne. Le législateur se doit et s'oblige à venir en aide aux investisseurs étrangers qui ont décidé d'investir ici au Maroc afin de leur fournir un climat juridique et judiciaire qui les aide à mieux défendre leurs droits en présentant tous documents et preuves établies, même si c'est en langue étrangère. Donc, sur la base de la jurisprudence et également du fait de ce que les circonstances actuelles imposent au juge de s'ouvrir sur d'autres langues. Enfin, la loi doit s'adapter avec la jurisprudence et non se contredire avec des règles de la jurisprudence qui ont déjà tranché des questions portées devant la justice étatique.
Modeste Kouamé / Les Inspirations Eco


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.