La Banque Centrale de Tunisie (BCT) s'est déclarée, vendredi, « inquiète » face à une éventuelle hausse en 2022 du taux d'inflation dans ce pays maghrébin, en discussions avec le FMI pour un nouveau prêt pluriannuel en contrepartie de réformes, jugées « douloureuses, coûteuses et porteuses de grands risques ». Ces inquiétudes « s'expliquent par la reprise de la demande et l'augmentation des prix de barils de pétrole », a précisé le gouverneur de la BCT, Marouane Abassi lors d'une audition au Parlement, alors que se multiplient les appels à ne pas souscrire un quatrième emprunt en dix ans auprès du FMI. Tout en rappelant que le taux d'inflation a atteint 4,8% en mars 2021, il a estimé qu'il n'y avait pas d'autres solutions pour la Tunisie qu'un recours à l'institution financière internationale pour boucler son budget, avertissant que faire appel à la BCT entraînerait une spirale d'inflation. « Si nous ne négocions pas avec le FMI, personne n'acceptera de fournir à la Tunisie le financement externe dont elle a besoin », a-t-il insisté. Il a relevé que la Banque centrale n'est pas prête à ouvrir les vannes pour financer le budget, parce que d'ici quatre mois, « on se retrouverait avec une inflation à trois chiffres », citant l'exemple du Venezuela où l'hyperinflation a accentué la crise sociale. Les discussions avec le FMI devraient se poursuivre durant au moins trois semaines, a-t-il indiqué, soulignant que la priorité actuelle de la banque est de réformer le système de changes en introduisant la numérisation. Il a fait observer qu'il est possible de mener cette réforme avec le FMI tout en respectant « les spécificités tunisiennes ». Le gouverneur de la BCT prévoit une aggravation de la crise économique en Tunisie « si aucun programme de sauvetage de l'économie tunisienne n'a été mis en place au cours des deux prochains mois », appelant à une trêve économique et politique dans le pays. Le responsable a mis en garde contre une dégradation de la notation souveraine de la Tunisie par l'Agence internationale « Fitch Ratings » de « B » avec des perspectives négatives à « C », faisant savoir que l'agence avait demandé à la Tunisie de mener une évaluation à la fin de ce mois . « On n'est pas prêt à répondre à cette requête dans les délais exigés et on a demandé de prolonger ce délai jusqu'au mois de juin 2021, pour préparer cette évaluation, mais si on n'arrive pas à rattraper le retard, notre notation va se dégrader à -C-« , a-t-il encore averti. Le produit intérieur brut (PIB) atteint -9 % pour la première fois en Tunisie depuis 1962, a-t-il déploré, soulignant que les répercussions de la pandémie du Covid-19 ont affecté l'économie réelle et l'économie parallèle. La même source a fait observer que les trois moteurs de croissance, à savoir l'investissement, l'exportation et la consommation, ont été tous affectés, faisant état de la réticence des hommes d'affaires à investir en Tunisie, notamment dans un climat d'affaires « très dégradé ». Pour sa part, le ministre tunisien de l'Economie Ali Kooli a relevé que parmi les principales réformes évoquées avec le FMI figurent la diminution des subventions aux produits de première nécessité, la réduction de la masse salariale de l'Etat qui emploie 680.000 personnes dans un pays de 12 millions d'habitants, la restructuration des entreprises publiques et la réforme du secteur des investissements. Le choix d'aller au FMI a été la solution de dernier recours pour ce pays, miné par les divisions politiques, une crise aiguë de ses finances publiques, des effets désastreux de la pandémie et des tensions sociales récurrentes. A genoux, le pays voit sa dette extérieure atteindre la barre symbolique des 100 milliards de dinars (environ 30 milliards d'euros), et se trouve dans l'obligation de rembourser quelques 4,5 milliards d'euros sur l'année en cours, ceci outre un besoin impérieux d'une rallonge de 5,7 milliards d'euros pour boucler son budget 2021. Acculé, le gouvernement de Hichem Mechichi s'est attelé depuis des semaines à l'élaboration d'un programme de réformes économiques bénéficiant théoriquement d'un large consensus national, mais rejetée par l'influente organisation syndicale, l'Union Générale Tunisienne des Travailleurs (UGTT). Tout en affirmant que cet accord ou programme d'accompagnement est « la tentative de la dernière chance », le chef du gouvernement tunisien estime que sa conclusion n'est pas pour autant acquise.