Le patronat vient de réitérer sa demande pour une réforme du Code du travail. Un énième dossier sensible qui sera refilé au prochain gouvernement, et sur lequel les partenaires sociaux et économiques peinent à accorder leurs violons. Les syndicats estiment que le moment n'est pas propice pour discuter de la flexibilité du travail, déjà effective dans le contexte actuel. Lors de la réunion annuelle du Comité national de l'environnement des affaires, la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM) a renouvelé son vœu de voir le Code du travail être réformé. Le patronat plaide en effet pour un assouplissement de la législation du travail et son adaptation aux réalités du marché, en établissant notamment une flexibilité responsable visant à encourager les entreprises et à créer de l'emploi de qualité. De leur côté, les syndicats pointent du doigt la position de la CGEM, estimant que la crise sanitaire actuelle qui a frappé de plein fouet les salariés n'est pas propice pour discuter une telle réforme. Abdelhamid Fatihi, président du groupe socialiste à la Chambre des conseillers et secrétaire général de la Fédération démocratique du travail (FDT), estime que la flexibilité du travail est déjà réelle et effective dans le contexte actuel. En effet, a-t-il expliqué, «des patrons ont profité de l'occasion pour ne pas appliquer les dispositions du Code du travail et licencier les travailleurs». Tout porte donc à croire que la demande du patronat, qui ne date pas d'aujourd'hui, ne sera pas satisfaite au cours de ce mandat, même si Saad Dine El Otmani s'était engagé, dans sa déclaration de politique générale devant le Parlement en 2017, non seulement à ouvrir ce dossier, mais également à asseoir la réforme. Controverse À quelques mois de la fin du mandat gouvernemental, la question demeure en suspens, face au niet catégorique des partenaires sociaux. Seule l'Union nationale du travail au Maroc (UNTM), bras syndical du PJD, était favorable à l'ouverture de ce dossier épineux, qui était à l'ordre du jour du dialogue social de 2019 sans jamais être posé sur la table des négociations. Rappelons, à cet égard, que le gouvernement s'est engagé, à travers l'accord conclu avec les partenaires sociaux et économiques, il y a deux ans, à ouvrir les discussions sur ce chantier ainsi que sur la publication du décret relatif aux Contrats de travail à durée déterminée (CDI) et la révision des conditions applicables aux contrats de travail temporaire. L'Exécutif a pu publier le décret relatif aux secteurs et conditions pour les Contrats à durée déterminée (CDD), après des concertations avec le patronat et les syndicats. Toutefois, la plus grande réforme peine à voir le bout du tunnel. À ce jour, toutes les tentatives du gouvernement pour lancer le débat tripartite en vue de trouver un terrain d'entente sur cette réforme controversée ont échoué. Dans le contexte actuel, «il s'avère difficile de sortir le dossier des tiroirs», assure une source gouvernementale contactée par Les Inspirations ECO. La réforme du Code du travail est, ainsi, une énième patate chaude qui sera refilée au prochain gouvernement dont la mission s'annonce donc ardue face à la position figée des centrales syndicales. Les syndicalistes soutiennent la nécessité de veiller au respect de l'application des dispositions du Code du travail, qui est le fruit d'un consensus entre le gouvernement, le patronat et les syndicats, plutôt que de penser à son amendement, ce qui risque de compliquer davantage la situation des salariés. Les partenaires sociaux précisent que les dispositions de cette législation, malgré leur caractère avancé, ne sont appliquées que par une poignée d'entreprises formelles, et encore moins dans le secteur informel qui échappe à tout contrôle. Rappelons que les centrales les plus représentatives ont, à plusieurs reprises, reproché au gouvernement de vouloir appliquer les orientations dictées par les institutions internationales. Un reproche réitéré, d'ailleurs, lors de la célébration de la fête du travail. Les organismes internationaux ont en effet recommandé, plus d'une fois, au Maroc de plancher sur la réforme de la législation du travail. On peut citer, à cet égard, la Banque mondiale qui relève que si la loi marocaine permet une certaine flexibilité en ce qui concerne les heures travaillées, les heures supplémentaires et les primes pour le travail de nuit sont chères par rapport aux pratiques internationales. À cela, s'ajoute la législation marocaine concernant les congés (annuel, légal, de maternité) qui est jugée généreuse comparée à celle d'autres pays émergents et compétiteurs du Maroc. La réglementation du travail relative au licenciement est, quant à elle, considérée comme restrictive dans le secteur privé. La Banque mondiale fait notamment référence à l'interdiction des licenciements individuels, de la réduction d'effectifs pour motif économique, du renvoi des salariés pour mauvais comportement ou performance insuffisante ainsi que l'obligation pour les employeurs d'aider leurs employés à s'adapter à tout changement rendu nécessaire par leur poste ou leurs responsabilités. L'institution de Bretton Woods appelle à une plus grande flexibilité du marché du travail pour permettre d'augmenter l'emploi, notamment l'emploi formel des jeunes et des femmes, et de réduire le chômage tout en préservant les salaires. Législation de la grève : un autre dossier épineux Outre la réforme du Code du travail, le prochain gouvernement devra s'atteler sur d'autres dossiers aussi délicats, tels que le projet de loi organique sur le droit de grève. Le gouvernement de Saad Dine El Otmani s'est montré intransigeant face à la demande des syndicats de retirer le texte du Parlement. Aussi, les députés de la Commission des secteurs sociaux n'ont pas pu déterrer le projet de loi organique qui a été soumis à l'institution législative en 2016. Le prochain gouvernement est appelé à formuler un nouveau texte sur la base de concertations tripartites en conformité avec les principes de l'Organisation internationale du travail et les normes internationales fondamentales. La demande syndicale est on ne peut plus claire: il ne s'agit pas uniquement de revoir la mouture initiale du texte, mais d'élaborer un nouveau projet qui assure l'équilibre entre le droit de grève et la garantie de la liberté du travail. Le projet de loi organique qui a été préparé par le gouvernement de Benkirane n'est pas considéré comme une plateforme de négociations. Les syndicats parlent de la même voix sur ce dossier même en l'absence d'une coordination entre les centrales les plus représentatives. Les partenaires sociaux plaident pour la mise en place des préalables comme l'application du code de travail et l'assainissement du climat social. Jihane Gattioui / Les Inspirations Eco