Les pronostics ont fusé de toutes parts en Espagne avant la marche du 20 février au Maroc. Notre voisin du nord a suivi, au détail près, les préparatifs des manifestations. «Le Maroc est sorti timidement dans la rue pour revendiquer des réformes politiques», écrit la Voz de Galicia, un quotidien à grand tirage de la région de Galice. Les enclaves sont celles qui ont vécu une grande tension durant la journée de dimanche. Certes, aucun incident n'a eu lieu au niveau des frontières, a relevé l'agence EFE, mais la tension reflète un certain malaise auprès des Espagnols. À croire que les autorités des présides craignaient que les manifestations n'atteignent les deux villes «frontalières» au Maroc. Selon des sources policières citées par l'agence espagnole EFE, les marches revendicatives que le Maroc a vécues n'ont pas affecté le transit habituel des personnes par le passage frontalier de Sebta. Toutefois, un léger recul du nombre de personnes traversant le passage a été noté durant cette journée. Le quotidien ABC a mis l'accent sur les protestations des familles des détenus islamistes et sur les revendications des marcheurs, à savoir une révision de la Constitution et des réformes structurelles. Pour ce journal, le gouvernement marocain avait injecté plusieurs aides économiques avant les manifestations, pour transmettre une image de normalité et en même temps réaffirmer sa position de pays démocratique. Comme le résume bien le journaliste et directeur adjoint du quotidien ABC, Ramon Perez Maura, celui qui a interviewé, en 1997, le souverain alors prince héritier, «les expectatives des médias de communication sur les manifestations convoquées au Maroc ont été loin de reproduire le résultat que plusieurs redoutaient». L'auteur exprime ici l'attente de certains milieux espagnols de voir Maroc chavirer. Plusieurs plumes espagnoles ont appelé le Maroc à prendre l'Espagne comme exemple et sa transition comme modèle à suivre. À cet égard, ils ont proposé au gouvernement ibérique de prodiguer des conseils au Maroc pour consolider sa démocratie. Les lacunes démocratiques marocaines, en comparaison avec les démocraties européennes, restent plus ou moins acceptables, si elles sont comparées avec la Libye, la Tunisie, l'Algérie ou l'Egypte. «Le Maroc, notre voisin, n'est pas une oasis de paix, mais il est loin des violations des droits humains que nous constatons chez quelques voisins», note le journaliste d'ABC. Et d'ajouter : «Durant les prochains jours, nous devons rester attentifs à ce qui se produit au Maroc». Pour sa part, le gouvernement espagnol a loué le bon déroulement de la marche et a salué le comportement des autorités marocaines. Dans une interview accordée à l'agence de presse Reuters et reprise par les principaux médias, le Premier ministre Zapatero a considéré que la situation au Maroc est différente de celles de ses voisins, qui ont vécu des insurrections populaires. «C'est un pays qui a entrepris des réformes. Il est vrai que ses citoyens veulent plus de réformes, mais la situation est différente», a estimé le président du gouvernement ibère. Dans ses déclarations, Zapatero n'a pas hésité à mettre l'accent sur les potentialités du Maroc. Selon l'éditorial du journal économique Expansion, le Maroc jouit d'une place de choix auprès de l'Espagne. «Entre autres à cause de la frontière du sud et pour les importantes relations commerciales et accords liés à des thèmes stratégiques, comme le contrôle d'immigration». La publication a relevé que le gouvernement marocain n'a pas réprimé dans la violence ces protestations. «Au Maroc, se sont installées plus de 800 entreprises espagnoles et sur le sol espagnol vit plus de d'un demi million de résidents marocains», est-il souligné. Une manière de dire que pour les deux partenaires l'heure n'est pas à l'incertitude. Sur un autre plan, l'activiste Aminatou Haidar a mis en garde contre la contagion dans les provinces du sud, en estimant que les révoltes dans le monde arabe pourraient atteindre les jeunes Sahraouis, lesquels peuvent répondre d'une manière très violente. Quant à la secrétaire générale du PP, Maria Dolores De Cospedal, elle a déclaré qu'il ne fallait pas exagérer les éloges, concernant la démocratie au Maroc. La numéro deux du PP a demandé à son gouvernement d'opter pour la prudence dans les relations avec le Maroc, un pays dont la démocratie «laisse beaucoup à désirer». Cospedal a estimé que si les réformes entreprises au Maroc étaient concluantes, l'Espagne n'assisterait pas à une arrivée massive des immigrés.