Soutenir la PME, si cela est nécessaire pour la vitalité de l'économie nationale, ce n'est pas aussi évident sur le terrain. C'est la réalité à laquelle a été confrontée la directrice de l'ANPME Latifa Echihabi et son ministre de tutelle Ahmed Réda Chami depuis que ce chantier a démarré. Et pour cause, ni les sorties successives du ministre visant à motiver les dirigeants des PME à saisir les opportunités qu'offrent les prestations de l'ANPME, ni les actions de communication et de marketing mises au point par Latifa Echihabi n'ont suffi à susciter les élans d'adhésion espérés, auprès des entreprises cibles. Aujourd'hui encore, des 1,2 milliard de dirhams de budgets alloués par l'Etat pour financer les programmes, seuls 40% sont consommés et un peu moins de 300 entreprises ont pu en bénéficier. Pour pallier la mévente de ses programmes, l'agence des PME a changé à plusieurs reprises de tactique, notamment en termes de communication. Comme Palliatif, l'ANPME a multiplié courant 2010 les partenariats avec les organisations professionnelles, dont l'ordre des experts-comptables, l'AFEM, mais les retombées tardent à suivre. Pour les PME, la raison de leur désintérêt est bien simple : le processus d'octroi des aides de l'ANPME leur paraît trop complexe. Une revendication qui semble être entendue, car l'ANPME vient de prendre un nouveau virage, pour recadrer ses prestations. Détails. Révision des conditions d'éligibilité Pour les entreprises, les conditions d'accès aux offres de l'ANPME ressemblent à un chemin de croix. Pour postuler à une offre (Moussanada ou Imtiaz), les PME candidates doivent fournir leur quitus de déclaration CNSS et d'impôts, et leur bilan pour être soumises à un rating bancaire, lorsqu'elles ne le sont pas déjà du fait de leurs engagements (crédits) auprès des banques. Mais problème : beaucoup de ces PME ne sont pas capables de fournir les quitus exigés, car n'étant en règle ni vis-à-vis de la Caisse sociale ni de la DGI. Du point de vue de l'Etat, ce sont pourtant là des conditions nécessaires, car comme l'a rappelé il y a quelques jours encore le ministre de l'Emploi Jamal Rhmani, «les aides de l'Etat proviennent de l'argent du contribuable et lorsqu'une entreprise ne respecte pas les dispositions légales et le code du travail, elle ne devrait pas en bénéficier». Mais n'empêche, face à ce dilemme, l'ANPME préfère trouver quelques dérogations. La solution qu'envisage Latifa Echihabi est de négocier avec la CNSS et la DGI pour que les PME qui sont engagées à payer leurs arriérés puissent obtenir le quitus leur permettant de postuler à Moussanada ou Imtiaz. Possible augmentation de l'appui En optant pour la mise en place d'une nouvelle définition de la PME (désormais considérée comme étant une entreprise dont le chiffre d'affaires se situe entre 3 et 175 millions de dirhams), la version officielle avancée par le département Chami et certains patrons d'entreprises qui ont salué l'initiative, «était que cette nouvelle définition colle mieux à la réalité économique du pays et permet une conception harmonieuse de ce type d'entreprise». L'argument est certes valable, mais ce n'est que la partie visible de l'iceberg. «Cette nouvelle définition, c'est avant tout le résultat d'un lobbying des patrons de grosses PME qui du fait de l'importance de leur chiffre d'affaires sont exclues des programmes d'appui de l'Etat», confie un chef d'entreprise. Interrogée à ce sujet, Latifa Echihabi confirme l'information en expliquant qu'en effet «la nouvelle définition est une aubaine pour les programmes de l'ANPME, car permettant d'élargir le champ de leurs bénéficiaires». Mais les patrons des grosses PME qui ont bataillé pour obtenir la possibilité de bénéficier des programmes de l'Etat n'entendent pas s'arrêter là. Ils viennent d'ouvrir un nouveau front de lobbying visant à obtenir également l'indexation de l'appui de l'ANPME sur le même chiffre d'affaires que des PME candidates. Salwa Karkri Belkziz, parlementaire et chef d'entreprise, soutient cette option : «Une aide de 400.000 dirhams pour une PME qui réalise plus de 100 millions de chiffre d'affaires, ce n'est pas grand-chose», a-t-elle souligné. À cette revendication également, Latifa Echihabi a la réponse : «Nous allons y réfléchir, mais les PME doivent aussi savoir que l'Etat ne sera pas là pour les aider tout le temps». La réponse paraît certes évasive mais elle a le mérite de signifier que c'est maintenant ou jamais que les PME doivent bouger. Néanmoins, tout indique que les grosses PME obtiendront gain de cause et ceci pour plusieurs raisons. La première est que, pour booster ses programmes, l'ANPME est obligée de compter avec les grosses PME. Autres raisons : avec 850 millions de dirhams budgétisés mais qu'elle peine à dépenser, l'agence de la promotion des PME ne manque pas de moyens pour répondre aux attentes même des groupes les plus capricieux. Lors de la signature de la convention avec l'ordre des experts-comptables en janvier dernier, Chami a d'ailleurs miroité cette possibilité aux patrons de PME en affirmant que «nous avons des budgets d'aide que nous n'arrivons même pas à consommer, alors si les PME montraient plus d'enthousiasme, ces financements pourraient être augmentés». Réduction des délais La durée de traitement des dossiers des PME candidates au programme de l'ANPME est une autre grosse contrainte où des efforts et des concessions sont attendus. D'après le bilan réalisé par l'ANPME, entre le dépôt d'une candidature et l'obtention du financement, il se passe un délai moyen de 150 jours. Une durée que les dirigeants de PME jugent bien évidemment trop longue. Mais pour Latifa Echihabi, si la procédure prend un temps aussi long c'est surtout par la faute des entreprises candidates. Selon les comptes de la patronne de l'ANPME, les postulants aux programmes consacrent en moyenne 60 jours pour choisir et conclure leur contrat avec les cabinets qui devraient les accompagner et 50 jours pour fournir leur bilan et leur quitus d'impôts et CNSS. Toujours selon Latifa Echihabi, le rating bancaire et le traitement du dossier complet par l'ANPME ne dépassent pas un mois. Toutefois, si elle refuse à endosser la responsabilité de la lenteur du processus de mise à disposition de l'aide aux entreprises, la patronne de l'ANPME a néanmoins déclaré être en train de réfléchir à des pistes de solution pour y remédier. L'une des options envisagées serait de mettre à profit les e-services de la CNSS et de la DGI pour avoir automatiquement accès à la situation de l'entreprise candidate par simple usage de son identifiant, au lieu d'attendre qu'elle fournisse elle-même son quitus. Une autre corde à l'arc de l'ANPME pour accélérer l'adoption de ses programmes, c'est la mise en place d'une approche sectorielle, couplée à une déclinaison régionale. Le vendredi 11 février, lors de la rencontre entre l'ANPME et les intégrateurs de solutions informatiques sélectionnées pour faire l'état des lieux de Moussanada IT, les deux nouvelles initiatives ont été définies comme action d'urgence. «Nous nous sommes réunis avec les intégrateurs pour examiner les raisons de la faiblesse de la demande de la part des PME pour Moussanada IT et leur signifier que pour booster le programme, nous devons tous ensemble nous mobiliser», a confié Latifa Echihabi. Pour cette mobilisation, la DG de l'ANPME compte mettre sur pied courant mars une caravane qui sillonnera les régions pour aller sensibiliser les entreprises régionales en les ciblant secteur par secteur. La caravane commencera par la région de Fès et ira par la suite à Marrakech et à Agadir. Sur le plan approche sectorielle, les cibles seront essentiellement l'agroalimentaire et le textile. Pour gagner ce pari, Latifa Echihabi a également annoncé un changement de style de communication : utiliser des témoins pour convaincre les entreprises cibles. Ainsi, les PME ayant bénéficié de ses programmes vont témoigner de leur expérience et des remontées qu'elles ont obtenues et dans la foulée les intégrateurs vont présenter la palette de solutions qu'ils proposent dans le cadre de Moussanada IT et recruter directement de nouveaux clients.