Mohamed Ezzouak, directeur du site d'information Yabiladi.com LesEchos.ma : Avec la crise que connaît actuellement la presse écrite au Maroc et dans le monde, la presse électronique n'intervient-elle pas comme une alternative ? Mohamed Ezzouak : Ce n'est pas parce que la presse écrite est financièrement en panne que la presse électronique va mieux se porter. Si les recettes publicitaires diminuent dans ce contexte de crise, cela impactera également les sites électroniques. En fait, le véritable enjeu pour les sites d'information aujourd'hui, est de sensibiliser les annonceurs et les agences médias aux avantages d'Internet afin de développer les budgets publicitaires qui leur sont consacrés. Comment cela ? Nous sommes sur une nouvelle physionomie de la publicité, ce qui est tout à fait normal. Au Maroc, l'affichage a toujours été très répandu, les budgets de communication y sont très importants. Un peu plus récemment, les annonceurs se sont tournés vers les radios. Aujourd'hui, le numérique est en train de gagner ses lettres de noblesse, les sites d'information deviennent de plus en plus crédibles d'autant plus que l'impact des campagnes web est mesurable et chiffrable, du coup, les annonceurs y trouvent leur compte. Mais tout cela est encore très récent. À Yabiladi.com par exemple nous avons commencé à avoir nos premiers budgets publicitaires de la part d'annonceurs marocains qu'à partir de 2005. Pas plus tard que l'an dernier, nous n'avions pas encore d'annonceurs actifs dans des secteurs tels que l'immobilier, l'hôtellerie ou encore les compagnies maritimes. Il faut le reconnaître, ce n'est vraiment que très récemment que certains annonceurs ont commencé à s'intéresser à la presse électronique. Vous êtes membre de la commission qui a collaboré avec le ministère de Communication pour l'élaboration d'un Livre blanc de la presse électronique. Parmi les recommandations, il y a l'instauration d'une carte de presse Web-journaliste. Pourquoi cette distinction par rapport aux cartes de presse habituelles ? Pour moi, un journaliste est un journaliste, peu importe le support ou le média au sein duquel il exerce. Maintenant, il se trouve que les journalistes qui travaillent pour le Web n'ont pas encore tous de statut «légal». L'idée est donc de les intégrer à la grande famille des professionnels des médias. C'est pour cela que l'on parle spécifiquement de Web-journalistes, car il faut qu'ils bénéficient, eux-aussi, des mêmes avantages que les autres. La question se pose également pour les entreprises de presse électronique. Encore faut-il qu'elles se structurent afin qu'elles puissent bénéficier des mêmes droits et avantages que les éditeurs de presse. Il s'agit d'avoir la possibilité de bénéficier aussi des subventions de l'Etat, des avantages fiscaux ainsi que des budgets de formation, car nous aussi nous employons des journalistes professionnels et nous contribuons à la préservation de la liberté d'expression... C'est extrêmement important pour nous d'être sur le même pied d'égalité que la presse papier. Ne pensez-vous pas que le paysage médiatique «virtuel» marocain doit être en partie assaini et qu'il a besoin d'une régulation ? Il faut avouer que même dans la presse papier, il y a parfois des dérapages. Certains diront qu'il y a encore beaucoup d'amateurisme dans la presse électronique, car ce sont généralement des organes de presse qui travaillent avec un minimum de moyens. Il y a des journalistes qui n'ont pas de formation, qui ne connaissent pas la déontologie. C'est là que la reconnaissance et la formation que nous demandons, interviennent. Par ailleurs, nous voulons aussi que notre contenu soit protégé et que notre propriété intellectuelle soit préservée. Cela coûte tout de même cher de produire de l'information. Et c'est justement l'intérêt de la régulation. Pouvez-vous nous dire un mot sur l'état d'avancement du procès qui vous oppose à Driss Ajbali ? Pour l'heure, le dossier prend une bonne tournure. Il y a deux semaines nous avons passé la deuxième audience. La plainte porte sur «l'atteinte à la vie privée», tandis que le sujet que nous avions traité portait clairement sur l'utilisation de l'argent public. J'ai donc présenté mes preuves devant le juge... Une autre audience est prévue cette semaine, mais je suis assez rassuré.