Ceux qui attendaient de grandes révolutions dans la première loi de finances (LDF) de l'ère Benkirane sont restés sur leur faim. L'environnement est parmi les secteurs où il y aura plus de continuité que de rupture. En soi, cela n'est pas forcément une critique négative, sachant que la pollution, la protection du climat, l'eau et la préservation des ressources, sont des problématiques structurelles à tout pays aspirant à un certain niveau de développement, comme le royaume. Pour 2013, l'environnement, dans sa conception la plus globalisée, demeurera parmi les priorités des investissements publics, en dépit d'une conjoncture économique qui justifierait aisément une réorientation de ces dépenses d'investissement vers d'autres secteurs, plus productifs. Les projets envisagés dans le cadre du projet de LDF 2013 s'articulent autour de quatre principaux axes, touchant principalement la stratégie de développement de la gestion des déchets ménagers, le renforcement de l'assainissement liquide, la préservation des ressources hydriques et forestières et la lutte contre la désertification. Pour le premier axe, qui constitue par ailleurs l'un des dossiers «casse-tête» du gouvernement, les ambitions semblent beaucoup plus claires pour 2013 et sont en continuité avec les initiatives déjà en mises en œuvre. L'Etat prévoit de lancer la mise à niveau et la réhabilitation de 14 décharges spontanées pour un investissement global de 42 MDH. Toutefois, la facture sera de loin beaucoup plus lourde pour la poursuite des réalisations des décharges contrôlées. Près d'un demi-milliard de dirhams supplémentaires devrait être alloué au lancement de la construction de 9 décharges contrôlées, durant l'année prochaine. Il faut savoir qu'à fin mai 2012, 14 décharges contrôlées ont été réalisées et que quatre autres sont en cours. Par ailleurs, 21 décharges sauvages ont été réhabilitées et cinq plans directeurs provinciaux de gestion des déchets ménagers sont élaborés. Tout cela devrait permettre de donner une avancée au Programme national des déchets ménagers et assimilés (PNDM). Lancé depuis 2007 pour un horizon fixé sur les quinze prochaines années, le programme 2012-2016 devrait a priori coïncider avec la montée en charge dans les réalisations de ce programme. L'objectif est de porter à 90% le taux de collecte et de nettoiement des déchets ménagers dans les agglomérations, de réhabiliter toutes les décharges existantes et de les remplacer par des décharges contrôlées. Il s'agit par ailleurs de professionnaliser le secteur dans les agglomérations présentant un intérêt économique pour les opérateurs privés, avec un coût supportable pour les communes. L'organisation et le développement de la filière de «tri-recyclage-valorisation» est également au menu de ce programme. Quant à l'assainissement liquide, le gouvernement prévoit de poursuivre l'appui aux projets en cours de réalisation dans plus de 100 centres urbains et villes. Ce soutien s'est déjà traduit fin 2011, à un niveau d'épuration des eaux usées tournant autour de 25%, contre 7% en 2005 et une professionnalisation de la gestion du service d'assainissement liquide qui concerne actuellement 177 communes, contre 101 en 2005. Cette évolution s'est évidemment réalisée en parallèle à celle de la production totale des rejets liquides. Celle-ci est estimée à 700 millions m3/an, contre 600 millions m3/an en 2005, dans le cadre du Programme national d'assainissement liquide, lancé depuis plusieurs années par l'Etat. Projets à flots Les projets devraient également couler à flots pour le secteur de l'hydraulique. 2013 devrait connaître l'opérationnalisation du Conseil supérieur de l'eau, l'accélération de l'élaboration et de la mise en œuvre du Plan national de l'eau et la poursuite de la mise en œuvre de la Stratégie nationale de l'eau. Dans la LDF 2013, le gouvernement compte ainsi poursuivre une politique de gestion efficace de l'eau, basée sur la maîtrise de la demande en eau, l'amélioration de l'offre et la diversification de ses ressources. «Les efforts seront déployés pour, d'une part, la réorganisation du secteur, selon une démarche participative et intégrée et, d'autre part, la consolidation des acquis, à travers l'amélioration des ressources mobilisées et l'entretien des infrastructures hydrauliques et des équipements de redistribution de l'eau», résumait Nizar Baraka, devant les parlementaires, lors de la présentation de la LDF 2013. Là aussi, c'est la continuité et le maintien des projets qui priment. La vision gouvernementale concernant ce secteur s'est ainsi déclinée en plusieurs programmes d'action. L'un des plus importants porte sur le programme national d'assainissement, qui vise un taux de raccordement au réseau d'assainissement urbain à 80% à l'horizon 2020, en vue de la réutilisation des eaux traitées pour les besoins de l'irrigation, de l'industrie ou de la réalimentation des nappes phréatiques. Il faut savoir que sur les 700 millions de m3 d'eaux usées produites annuellement, seuls 10% sont traités à l'heure actuelle, selon les actualisations officielles. Un autre programme porte sur la valorisation des ressources en eau notamment celles à usage agricole, qui représentent actuellement 90% des eaux mobilisées. Il sera ainsi procédé d'une part au rattrapage, dans le cadre du Plan Maroc Vert, des retards accumulés en matière d'équipement des zones dominées par les eaux des barrages et, d'autre part, à la réalisation d'économies dans les consommations d'eau par l'adoption de techniques d'irrigation appropriées, consistant dans le remplacement progressif des systèmes actuels, basés sur le gravitaire et l'aspersion, par les systèmes de micro-irrigation et le goutte à goutte. L'objectif de cette reconversion est de couvrir, par l'irrigation localisée, une superficie de 670.000 ha à l'horizon 2020, contre 150.000 ha actuellement. Coup de pouce Tout cela a mené au lancement d'un troisième programme, portant cette fois-ci sur l'économie d'eau en irrigation (PNEEI). Cette stratégie vise la mobilisation des eaux de surface par la poursuite à un rythme soutenu de la politique des barrages et de l'aménagement des bassins versants, qui vise à réduire l'érosion des sols à l'amont des barrages, afin de réduire leur envasement et de sauvegarder ainsi leurs capacités de stockage des eaux. Le PNEEI comporte également un volet «préservation des équipements hydrauliques», afin de maintenir la qualité de leurs services et de prolonger leur durée de vie. Il a été procédé, à cet effet, à la création du Fonds de lutte contre les effets des catastrophes naturelles, à la promulgation de la loi relative aux catastrophes naturelles et à l'établissement d'un programme de protection contre les inondations. «Il convient de relever à ce propos que le Maroc est en train de dépasser les Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) en matière de gestion du secteur de l'eau et de l'environnement, avec notamment les avancées constatées dans l'accès à l'eau potable en milieu rural et dans le raccordement aux réseaux d'assainissement des quartiers péri-urbains», commente-on auprès de la tutelle administrative. En particulier, le taux d'accès à l'eau potable en milieu rural est passé de 62% en 2004 à 92% en 2011. Par ailleurs, de nouvelles alternatives consistant dans le dessalement de l'eau de mer et le traitement et la réutilisation des eaux usées, la maîtrise de la demande et l'adaptation de la gestion des ressources hydriques aux changements climatiques, sont en cours de développement. Investissements forestiers Le dernier axe du volet «environnement» concerne les ressources forestières. Les principales actions programmées dans la LDF 2013, en discussion au niveau du Parlement visent particulièrement la sauvegarde de ces ressources et la lutte contre la désertification. Ces actions sont réparties en trois grands segments. Le premier porte sur «la sécurisation du domaine forestier et la protection de la forêt». Sur le plan opérationnel, cela devrait notamment passer par la poursuite de l'effort d'assainissement de la situation foncière du domaine forestier, pour une superficie de 1,3 million ha et l'ouverture, la réhabilitation et l'entretien de 1.800 km2, intégrés dans des projets de reforestation, de régénération et d'aménagement des bassins versants. Le renforcement des actions de surveillance et de lutte contre les incendies de forêt, est également au menu, ainsi que la protection phytosanitaire des écosystèmes forestiers et leur adaptation aux effets des changements climatiques. La «reconstitution et le développement des éco-systèmes forestiers» est le second grand segment de projet prévu pour 2013. Il comporte essentiellement des actions de reboisement, de régénération et d'amélioration sylvopastorale, sur une superficie de 50.000 ha. La réalisation d'un programme d'entretien des plantations anciennes, sur une superficie de 40.000 ha, est également prévu sur le même segment. Il est aussi envisagé la production de 45 millions de plants, la mise en place d'un programme de compensation au profit des populations usagères sur une superficie de 100.000 ha, ainsi que la réalisation de travaux de sylviculture et de conduite des transferts de certaines espèces forestières sur une superficie de 17.000 ha. Enfin, le troisième et dernier grand groupe de projet relatif au secteur forestier concerne la «lutte contre la désertification et la protection des eaux et des sols et écosystèmes fragiles». Il devrait se déployer à travers «la fixation de 450 ha de dunes littorales et continentales destinées à protéger les agglomérations urbaines, les terres agricoles et les infrastructures routières, le renforcement du patrimoine cynégétique et piscicole et le repeuplement des zones de chasse», selon les actualisations officielles. À cela s'ajoute la poursuite des travaux d'aménagement au niveau de 22 bassins versants prioritaires et des opérations inscrites dans le cadre du projet d'aménagement anti-érosif des bassins versants du barrage Allal El Fassi et de l'Oued Mellah. La charte sera opérationnelle dès 2013 Le projet est déjà dans le circuit législatif et constitue pour 2013 la plus grande initiative législative du secteur. La loi-cadre 99-12 instituant la charte de l'environnement et du développement durable, devrait finalement voir le jour en 2013 au terme de son élaboration, lancée depuis bientôt près de deux ans maintenant. Ce projet est aujourd'hui cité parmi les priorités de l'actuel gouvernement, l'objectif étant de décliner et rendre opérationnelle - avec un aspect législatif - la Charte nationale de l'environnement et du développement durable, en lui conférant une assise juridique. Le texte énonce ainsi, dès le début de sa formulation, «les droits et devoirs inhérents à l'environnement et au développement durable». Mais au-delà de la rhétorique, il vient surtout renforcer la protection juridique des ressources et des écosystèmes en énumérant les types d'actions ou de mesures que l'Etat se propose de prendre dans le but de lutter contre toutes les formes de pollution et de nuisances environnementales. Le texte définit également «les responsabilités et les engagements que toutes les parties concernées - Etat, collectivités territoriales, établissements et entreprises publics, entreprises privées, associations de la société civile et citoyens - doivent respecter en matière d'environnement et de développement durable». Autrement dit, tout le monde prendra désormais ses responsabilités. Le projet pose ainsi les bases de l'élaboration d'un système de responsabilité environnementale assorti d'un mécanisme de financement des réparations et d'indemnisation des dommages causés à l'environnement. Enfin, la loi-cadre prévoit également des mesures d'ordre institutionnel, économique et financier, dans le but d'instaurer un système de gouvernance environnementale caractérisé par l'efficacité et la cohérence des actions menées. Celles-ci devraient notamment prendre l'aspect de politiques d'évaluation, de sensibilisation, d'éducation et de communication sociale au service de l'environnement et du développement durable. Fiscalité evironnementale, encore des efforts à faire... À ce propos, il va de soi qu'il faudra encore attendre quelques années de plus pour que le gouvernement s'attaque à la niche fiscale environnementale. Pour le moment, les dépenses fiscales du gouvernement sur ce créneau s'expriment surtout au niveau du programme de généralisation des chauffe-eau solaires. Il faut savoir qu'au-delà des exigences d'allégement du poids énergétique sur le dos de la compensation, dont la réforme se fait, d'ailleurs, toujours désirer, ce programme devrait constituer également la promotion et leu développement du recours aux énergies «propres» dans l'espace domestique, le solaire en l'occurrence. Cela rejoint la problématique environnementale. Dans le rapport sur les dépenses fiscales de l'Etat accompagnant la LDF13, les chauffe-eau solaires figurent ainsi dans la liste des produits bénéficiant de l'application d'une TVA à 14%, avec droit à déduction, au lieu du taux de 20%. L'objectif est de soutenir le pouvoir d'achat des ménages. Il faut savoir que sous d'autres cieux, la fiscalité environnementale a des visées incitatives à l'investissement, mais peut également servir de bouclier anti-dumping et de moyen de protection des marchés. C'est le cas de l'Union européenne (UE), où un projet de système de «taxe carbone aux frontières» est en discussion depuis 2008. L'idée est d'obliger les pays exportateurs vers le marché européen, à acheter des permis de polluer pour pouvoir échanger avec l'Europe. Le débat autour de la pertinence de la mise en œuvre de cette mesure vient d'être relancé par le ministre du redressement productif, Arnaud Montebourg. Pour ce dernier, cela est une façon de «protéger le marché local et de limiter la concurrence déloyale des produits étrangers». Rappelons que le Maroc est l'un des premiers fournisseurs et partenaires économiques de l'espace européen.