Après les partis politiques, les patrons.., c'est au tour des économistes de faire le point sur le projet de loi des finances de l'année2013. Les points de vue sont divergents, mais restent complémentaires, dans la mesure où ils décortiquent et analysent les grands axes du projet. Certains analystes soutiennent d'emblée la position de l'opposition et concèdent sans hésitation que les objectifs fixés par le projet de budget ne seront pas tenus. D'autres se penchent sur les principales mesures fiscales visant à promouvoir la compétitivité du tissu productif national. Des mesures difficiles à réaliser Dans un contexte conjoncturel des plus ardus, les gouvernements accordent la priorité, lors de la planification budgétaire, à des mesures de gestion de crise. Malgré leur importance, ces mesures sont souvent jugées insuffisantes et par conséquent fortement critiquées par les experts et les spécialistes. Se penchant sur les insuffisances du PLF 2013, Othmane Gair, professeur à l'Université de Mohammédia, en dénombre quatre qui touchent autant de volets, à savoir le taux de croissance, le déficit budgétaire, les dépenses ainsi que les recettes fiscales. Pour l'année 2013, le gouvernement table sur un taux de croissance de l'ordre de 4,5% contre 3% en 2012. Othmane Gair juge cepen que c'est un taux très optimiste et difficile à réaliser, à la lumière du taux de croissance de 2012 et de la situation économique de nos principaux partenaires, dont les prévisions de croissance varient entre 0,5 et 1%. En matière de déficit, et rappelant que le projet de loi de finances 2013 table sur un taux de 4,5% contre 6% pour l'année 2012, l'universitaire souligne que la solution que propose le gouvernement pour maintenir ce déficit à des niveaux acceptables ne garantit pas la soutenabilité des équilibres macro-économiques. Elle ne représente à ses yeux que des «mesurettes ponctuelles», dépourvues de toute visibilité sur le long terme. Pour rappel, depuis le début de la crise économique et financière mondiale, les finances publiques ont été sous pression, à cause des efforts déployés pour soutenir les entreprises en difficulté, dans l'objectif de diminuer l'effet de la crise et de préserver les emplois. Cette crise est devenue structurelle, obligeant ainsi les décideurs à la considérer comme étant un facteur de contingence récurrent, en l'intégrant de manière normale dans les prévisions de l'Etat. S'agissant des recettes, Gair estime que le gouvernement recourt en la matière à des mesures fiscales dénuées de toute cohérence, dans leur globalité. Il est à signaler que le gouvernement a instauré un nouvel impôt sur les revenus supérieurs à 25.000 DH. «Cela est en contradiction avec les slogans de promotion de la classe moyenne», argue Othmane Gair avant de poursuivre : «le gouvernement est passé à côté de réformes fiscales qui s'imposaient pour donner un nouveau sens à la justice et à l'équité fiscale entre les différents contribuables, notamment à travers les révisions et les exonérations et des avantages fiscaux touchant plusieurs secteurs, en l'occurrence l'agriculture et l'immobilier». Concernant les dépenses, l'universitaire a constaté une baisse des budgets consacrés à l'investissement, qui passent de 188 MMDH en 2012 à 180MMDH en 2013. «Une telle mesure aura évidement des conséquences sur les emplois drainés par les investissements publics et la richesse créée par ces derniers». L'universitaire recommande d'accorder une attention particulière aux investissements publics pour assurer l'exécution de l'intégralité du budget qui leur est consacré. «Contrairement aux exercices précédents, on a réalisé des taux d'exécution très faible du budget d'investissement, avec tout ce que cela engendre comme manque à gagner économique», tranche-t-il. Les mesures fiscales et financières Par ailleurs le PLF 2013 inclut des mesures fiscales sensées donner un nouvel élan à l'économie nationale. Parmi ces mesures phares, figure d'abord la réduction du taux de l'impôt sur les sociétés (IS) de 30% à 10% pour les entreprises réalisant un bénéfice inférieur ou égal à 200.000 dirhams. Commentant cette mesure, l'universitaire Mohamed Benhrimida a expliqué que celle-ci vise à améliorer davantage le climat des affaires, à encourager ces entreprises à plus de transparence et à répondre aux attentes des opérateurs économiques qui demandent un impôt sur les sociétés avec un taux tenant compte du montant des bénéfices réalisés. Dans le même contexte, l'universitaire affirme que c'est une mesure qui vient répondre aux souhaits toujours exprimés par les chefs de petites entreprises, de disposer d'un mode d'imposition des résultats adapté à la taille de leurs entités. S'inscrivant dans un objectif d'augmenter le nombre des sociétés cotées en Bourse à l'horizon 2016, le projet de loi prévoit ausi, selon le texte en discussion, des mesures visant à dynamiser le marché financier et à encourager les sociétés à s'introduire en Bourse. Pour cela, le PLF prévoit la réduction de l'impôt pour les opérations d'introduction en Bourse réalisées entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2016, par ouverture ou augmentation de capital. «Il s'agit d'une réduction d'impôt de 25% pour les sociétés qui introduisent leurs titres en Bourse par ouverture de leur capital par la cession d'actions existantes et de 50% pour celles qui introduisent leurs titres en Bourse avec une augmentation d'au moins 20% de leur capital». En outre, dans le cadre des mêmes mesures visant la continuité de la politique d'encouragement à la restructuration et à la concentration des sociétés et afin d'améliorer leur compétitivité face à la concurrence internationale, il est proposé de proroger le régime transitoire visant à assurer la neutralité fiscale au profit des opérations de fusion et de scission des entreprises, jusqu'au 31 décembre 2016. Parmi les mesures destinées à renforcer les fonds propres des entreprises et à lutter contre le problème de la sous capitalisation, le projet de loi de finances pour l'année budgétaire 2013 propose de proroger jusqu'au 31 décembre 2013 la réduction d'impôt sur les sociétés, instituée au profit des sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 MDH, hors taxe sur la valeur ajoutée et qui procèdent à l'augmentation de leur capital social par des apports en numéraires ou de créances en comptes courants d'associés. «Cette mesure fiscale converge avec une autre, consistant à relever le taux d'imposition des produits des actions, parts sociales et revenus assimilés de 10% à 15%, pour promouvoir l'autofinancement des entreprises», note l'universitaire. En parallèle pour améliorer la transparence, le projet a introduit une mesures afin d'encourager les contribuables à apurer leurs dettes fiscales. Cette mesure a pour finalité l'annulation totale des majorations et pénalités de retard, en vue d'encourager les contribuables à régler leurs arriérés d'impôts, droits et taxes, durant la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2013. «Cette mesure aura le mérite d'apurer les restes à recouvrer et de renforcer le climat de confiance entre l'administration et les contribuables. Cette disposition complète celle qui prévoit en faveur des contribuables exerçant des activités dans le secteur de l'informel des mesures incitatives leur permettant de s'intégrer dans le tissu économique, pour une période allant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013», indique Benhrimida. D'emblée, l'universitaire note que ces mesures d'ordre fiscal semblent très incitatives pour l'amélioration de la structure financière et du mode de financement des entreprises marocaines, notamment via les fonds propres. Toutefois, l'impact de ces mesures risque d'être atténué par l'institution d'une contribution de solidarité sur les bénéfices de 0,5% à 1,5%, entre 2013 et 2015. D'autre part, l'expérience montre que le paramètre fiscal n'est jamais le seul facteur déterminant dans les choix de gestion des entreprises marocaines. C'est dire que «la variable fiscale doit être accompagnée d'autres mesures au niveau des autres maillons de la politique économique nationale, en vue de créer un climat propice à la compétitivité de l'entreprise marocaine», conclut Benhrimida. Douiri veille au grain Comme nous l'avons publié (lesechos.ma), l'alliance des économistes du parti de l'Istiqlal a décidé de surveiller la loi de finances. «Si nous nous ne voyons pas dans la loi de finances un premier geste qui se manifeste par l'acheminement d'une enveloppe d'environ 3 MMDH vers les fonds pour accompagner les grands métiers exportateurs, nous considérerons que le gouvernement n'as toujours pas compris et nous allons passer à l'action», a martelé Adil Douiri, président de l'Alliance et ancien ministre. Le gouvernement peut, selon lui, tirer profit des effets de levier provenant notamment des projets en standby, pour lesquels les banques ne souhaitent plus accorder des crédits et ferment les vannes, parce que les investisseurs ne disposent pas de capitaux. Cette manne pourrait accompagner les fonds marocains et étrangers disponibles pour mener à bien la stratégie gouvernementale, en esquivant la crise cardiaque de l'économie marocaine.