Que se passe t-il réellement dans l'affaire de l'Association des travailleurs et immigrés marocains en Espagne, ATIME, activement recherchée par le ministère de l'Emploi et de la sécurité sociale espagnol ? Tout a commencé avec cette publication dans le Bulletin officiel de l'Etat (BOE), daté du 24 septembre 2012. Sous forme d'annonce officielle, signée par le DG du service des migrations, organisme dépendant du ministère de l'Emploi et de la sécurité sociale, la publication avait un contenu proche du lexique d'un avis de recherche. Dans cet écrit, ATIME est sommée de présenter, dans un délai de 15 jours, les pièces justifiant l'utilisation de la subvention aux fins desquelles elle a été attribuée. En effet, la première association marocaine établie sur le sol espagnol s'est vue allouer, au titre de l'année 2010, des subventions d'une valeur de 617.000 euros, de la part de la Direction générale de l'intégration des immigrés, un organisme placé sous la tutelle du ministère de l'Emploi. Cette somme devait servir à mettre en place des projets pour venir en aide aux immigrés marocains durant cette période de dépression économique. Selon le décret détaillant l'allocation des fonds, publié le 22 février 2011, ATIME a reçu des aides en trois tranches. Contacté par nos soins, le département de l'Emploi a expliqué aux Echos quotidien que ce recours à la publication dans le BOE a eu lieu après l'épuisement de l'ensemble des moyens conventionnels de communication. «Téléphone, mails, visite au siège, nous avons exploré toutes les voies pour entrer en contact avec ladite association, mais toutes nos tentatives sont restées vaines. Il n'existe plus aucune trace d'elle», nous explique cette source autorisée au sein du ministère de l'Emploi. Portée disparue Selon notre source, ATIME s'est évaporée dans la nature sans laisser de traces. Son siège principal à Madrid est déserté et le domaine internet atime.es est en vente. De surcroît, même les antennes régionales de l'association ne sont plus joignables ni d'ailleurs leurs responsables, comme nous avons pu le constater. Si l'on se fie à la version de ce militant associatif marocain basé à Madrid, des ex-employés de l'association ont entamé des actions en justice pour réclamer leurs salaires puisque l'association a plié bagages, laissant derrière elle une lourde ardoise d'arriérés de salaires. À présent, et vu que le délai de 15 jours a expiré, sans aucun signe de vie des concernés, comme nous le confirme le ministère de l'Emploi, une nouvelle procédure sera enclenchée. Selon la loi générale sur les subventions, la non présentation des justifications requises déclenche la procédure de rétablissement, où l'association est appelée à rembourser la totalité des fonds perçus. Des astreintes, couplés à des sanctions pécuniaires et d'autres d'ordre administratives, comme le stipule l'article 40 de ladite loi, sont prévues. Reste que les peines administratives restent les plus lourdes et peuvent condamner à la disparition de l'association, si ce n'est pas le cas déjà. De fait, l'association se voit prohibée, durant au moins cinq ans, de toutes sortes d'aides ou subventions publiques, en plus de l'interdiction d'avoir affaire avec une entité publique ibérique. En d'autres termes, cette sentence signe l'arrêt de mort de l'organisme, étant donné que ces subsides sont les seules sources de revenus des entités du genre d'ATIME. Si le département ministériel déclenche cette procédure, et tout montre qu'il n'hésitera pas à le faire, la communauté marocaine résidente va perdre l'une des associations pionnières en matière de défense des droits des travailleurs marocains en Espagne et ce n'est pas tout. L'affaire lève le voile sur un constat qui fait grincer des dents plusieurs acteurs associatifs d'Espagne. Le président d'ATIME n'est autre que Kamal Rahmouni, membre du Conseil de la communauté marocaine à l'Etranger, représentant l'Espagne. Le Conseil est, depuis sa naissance, sous les feux de la critique de bon nombre d'associations et d'immigrés marocains ici en Espagne, le considérant comme une coquille vide. Le fait que l'un de ses membres soit aux commandes d'une association, à qui les autorités espagnoles exigent de rendre des comptes sur des subventions destinées, a priori, aux migrants marocains en détresse, écorne davantage son image auprès de sa cible. Nous avons contacté le CCME pour avoir sa version sur cette question, mais fort malheureusement, nous n'avons pas pu obtenir une réponse, malgré la promesse d'en obtenir une avant la publication de cet article. Cependant, Les Echos quotidien a pu joindre l'un des membres du CCME représentant l'Espagne, lequel nous a confirmé la présence de Kamal Rahmouni à la dernière réunion du Conseil, celle-ci a eu lieu en juillet dernier.