Deux ans après le déclenchement de la crise en Espagne, Mohamed Ameur, le ministre chargé de la Communauté marocaine à l'étranger, et le Conseil consultatif des Marocains à l'étranger (CCME), ont organisé, mardi 19 octobre, une rencontre à Madrid sur l'impact de la crise économique sur les Marocains résidant en Espagne. Au menu, une analyse des séquelles de la crise et les moyens à mettre en place pour préserver les droits des immigrés. Objectif manqué ! La rencontre a soulevé l'ire de certains membres de la communauté associative en Espagne. Plusieurs acteurs dans le monde associatif n'ont eu vent de l'événement qu'à la veille de sa tenue. L'Association des immigrés marocains à Catalogne (Asociación de Trabajadores e inmigrantes en Cataluña ATICA) fait partie des exclus. Son président, Kamal Benbrahim, ne cache pas son mécontentement. «ATICA, en sa qualité de représentant des Marocains résidant en Espagne, n'a reçu aucune correspondance officielle dans ce sens. Aucune médiatisation ou communication ciblée n'a été faite pour garantir la présence de tous les intervenants dans ce domaine», se lamente ce responsable associatif. «Cette activité aurait dû être publique et destinée à l'ensemble des Marocains et pas seulement à une poignée de personnes choisies sur la base de critères que nous ignorons», ajoute-t-il. Pour revenir à la rencontre, rien de nouveau n'en ressort. Les intervenants ont insisté sur l'importance pour les travailleurs de recourir à la formation professionnelle et la formation continue pour s'orienter vers d'autres métiers moins touchés par l'hémorragie des pertes d'emploi, comme la construction. Une telle recommandation démontre une grande méconnaissance du terrain. Plusieurs Marocains au chômage sont déjà inscrits sur les listes de formations, mais vu la forte demande émanant des Espagnols ils n'ont aucune chance d'en bénéficier. La galère continue La seule certitude dans ce climat morose et incertain c'est que la galère des Marocains n'est pas près de finir. «Si auparavant les demandes d'aide provenaient d'immigrés ayant fraîchement débarqué en Espagne, la conjoncture actuelle a mis tout le monde dans le même panier. Nous traitons les requêtes de Marocains portant la nationalité espagnole et donc installés sur le sol espagnol depuis longtemps», souligne Kamal Benbrahim. La plupart d'entre eux ravalent leur fierté et viennent solliciter des subsides pour survivre. «Les problèmes des immigrés en Espagne sont plus importants qu'une rencontre regroupant des officiels venus nous dire ce que nous vivons au quotidien. Si ces derniers trouvent que nous manquons de crédibilité en tant qu'acteurs associatifs, ils n'ont qu'à investir le terrain et aller à la rencontre de nos concitoyens, à l'instar des élus et responsables espagnols», affirme Kamal Benbrahim. Un avis que partage El Hassane Jaffali, président de l'association Adib Biladi. Ce dernier trouve que le séminaire est davantage une réunion interne du CCME qu'une manifestation censée étudier la situation des immigrés marocains dans le contexte de la crise et la montée de la marginalisation sociale à leur égard. «Nous ne pouvons pas résoudre la situation actuelle dans laquelle vivent les immigrés marocains à coups de tables rondes et de débats. Ce sont des actes concrets dont nous avons besoin», suggère-t-il. Le CCME a réussi le pari de faire l'unanimité contre lui. En Espagne, son travail, s'il existe, est farouchement critiqué. «Nous nous demandons réellement quelle est la valeur ajoutée de cette entité. Lorsque nous sollicitons le CCME, ses membres nous disent que leur mission c'est la consultation. De son côté, le ministère en charge des Marocains à l'étranger nous renvoie au CCME. Personne ne veut assumer sa responsabilité. On ne sait plus à quel saint nous vouer», déplore Kamal. Cellules dormantes Si dans le cas des Marocains d'Espagne le mal est d'ores et déjà diagnostiqué, ce qui fait défaut ce sont les solutions. Le ministre en charge du dossier avait fait référence à des mécanismes mis en place par son département pour venir en aide aux Marocains dans une situation de détresse. «Un programme social global et intégré a été mis en œuvre à travers la généralisation du système d'assistance juridique et judiciaire», a-t-il déclaré à la MAP en octobre. Nous avons voulu en savoir plus. C'est ainsi que nous avons demandé à un ingénieur marocain en aéronautique au chômage de contacter l'ambassade de Madrid pour pouvoir bénéficier de ces «mesures». Sans grande surprise, la réponse a été négative. «Le monsieur que j'ai eu au bout du fil est resté perplexe quand j'ai sollicité une aide pour les immigrés touchés par le chômage comme l'a mentionné le ministre. Il m'a demandé d'où je tenais ces informations dont il ignorait l'existence», relate notre ingénieur. Peu efficace mais aimable, le responsable a pris le soin de noter le numéro de téléphone de son interlocuteur promettant de l'appeler si une nouveauté apparaissait. Changement de direction. Cap sur le consulat du Maroc à Catalogne. Après deux jours de tentatives téléphoniques, personne ne daigne décrocher le combiné. «Il existe un bureau social au consulat de Barcelone mais c'est une coquille vide. La dame en charge de cette section se veut inaccessible», assure ce Marocain de Catalogne. À Madrid, Said El Hindaz, le chargé des affaires sociales, confirme l'absence de ces «entités» dédiées aux immigrés en détresse. «Notre mission est de coordonner entre les associations œuvrant pour les immigrés, le suivi des conventions signées entre le Maroc et l'Espagne dans le domaine social et après le déclenchement de la crise nous délivrons des attestations aux Marocains où nous déclarons que la personne en question ne perçoit aucune aide de la part du gouvernement marocain. Ladite attestation est remise à l'intéressé pour bénéficier des aides fournies par l'Etat espagnol. Mais à ma connaissance il n'y a aucune entité de veille, malheureusement», nous déclare-t-il. Mystère et boule de gomme !