L'Espagne recourt à des méthodes draconiennes pour renflouer ses caisses et contrer le déficit public. Pour cela, le voisin ibérique du Maroc n'est pas à court d'idées pour atteindre son objectif. Le service public de l'emploi a entamé une opération de récupération des allocations chômage versées aux immigrés. Si l'opération a timidement démarré il y a 6 mois, aujourd'hui elle passe à la vitesse supérieure. Pour cela, le service de l'emploi, connu sous le nom de l'INEM, effectue des appels aux concernés pour les inviter à se présenter aux bureaux munis de leurs passeports. L'objectif est de vérifier si le bénéficiaire a quitté le territoire espagnol durant la période du versement des prestations. Selon la loi des sanctions des prestations du chômage, les personnes qui touchent les indemnités de perte d'emploi en Espagne sont interdites de se rendre à un quelconque pays étranger pour une durée supérieure à 15 jours. De plus, le bénéficiaire est dans l'obligation de porter ce déplacement à la connaissance des services de l'INEM pour continuer à recevoir ces prestations. Seulement, la majorité des immigrés ignorent l'existence de ce dispositif de loi. Dans le cas des Marocains, par exemple, nombreux sont ceux qui ont préféré dépenser les prestations du chômage au Maroc au lieu de rester en Espagne où les dépenses en loyer et en nourriture engloutissent la totalité de cette somme. D'où ce déplacement temporaire au Maroc afin de limiter les dégâts matériels. Ignorant l'existence de cette restriction, nombreux ceux qui ont dépassé la période d'absence de 15 jours tolérée par la loi. Et les sanctions sont lourdes. Une fois l'infraction confirmée à travers la vérification des dates de sorties et d'entrées au pays via le passeport, le bénéficiaire se voit privé des allocations. Pire encore, il n'aura droit à aucune autre forme d'aide puisque le règlement prévoit que pour continuer à toucher ces aides, le bénéficiaire ne devrait faire l'objet d'aucune semonce. De plus, il devrait rendre à l'Etat la totalité des versements touchés durant son absence du pays. Certaines associations de défense des immigrés voient dans cette mesure un artifice pour que les immigrés prennent la porte de sortie. «Les fonctionnaires de l'INEM réclament le passeport du concerné, font des copies et ce n'est qu'à ce moment qu'ils informent la personne en question de ses obligations envers le bureau du travail. Cette démarche devrait avoir lieu au tout début et non une fois le passeport est entre les mains du préposé», dénonce ATIMCA, l'association des travailleurs marocains en Espagne section Catalogne. Dans certains cas, la facture est trop salée. Comme l'explique un réseau pour la défense des droits des immigrés, Kaosenlared, un bénéficiaire ayant un enfant ou deux à charge touche environ 1.400 euros. En cas d'infraction au tout début de la prestation qui s'étend sur deux ans au grand maximum, il accumule une dette d'environ 33.500 euros. À cela s'ajoutent des intérêts pour le retard. Si en plus il reçoit des aides pour les charges familiales, environ 700 euros par mois, le total avoisinera les 48.500. Une dette qu'aucun immigré n'est en mesure d'honorer. «Dans notre association, nous avons eu affaire à des cas similaires. L'un des concernés a dû rendre environ 3.000 euros», explique Kamal Benbrahim d'ATIMCA. Certains Marocains ont voulu contrecarrer cette mesure en renouvelant leur document de voyage. Or, le nouveau passeport biométrique ne facilite pas la tâche. La durée de son obtention dans les consulats peut atteindre jusqu'à 3 mois. Si au début la campagne était destinée exclusivement aux immigrés, devant le succès de cette opération, il est question de l'appliquer aux Espagnols. Mais que l'on se détrompe, le gouvernement espagnol n'exercera pas le même zèle pratiqué sur les immigrés, car aucune loi n'oblige les Espagnols à avoir un passeport, contrairement aux immigrés qui sont supposés en disposer. De surcroît, la loi de protection des informations personnelles remet en cause la légalité de cette campagne puisqu'il est interdit de faire usage des données figurant sur un document personnel. Or, si les Espagnols sont bien informés sur ce sujet, les immigrés sont toujours la classe la plus vulnérable. D'autant plus que plusieurs associations qui jadis offraient du conseil juridique aux immigrés se sont vues obliger de se restructurer, à défaut de fonds. De la sorte, plusieurs ONG ne sont plus en mesure d'offrir des conseils juridiques, au grand dam des immigrés. Il est clair que les immigrés sont dans la ligne de mire de ces coupes sociales.