Mais où sont passés les Marocains d'Espagne ? Pour la première fois, le nombre des immigrés communautaires dépasse celui des immigrés en dehors de l'Union européenne, selon les statistiques du secrétariat d'Etat chargé de l'immigration. Ce poste était occupé pendant toute l'histoire, toute récente, de l'immigration espagnole par nos compatriotes. Ils sont désormais 757.809 Marocains établis en Espagne. Certes, le chiffre n'a pas décru, mais c'est la première fois que les immigrés appartenant à l'UE, en l'occurrence les Roumains, arrivent en tête. Cette situation est révélatrice, à plus d'un titre, de la situation de nos compatriotes sous le ciel ibère. Selon Kamal Benbrahim, président d'Atime Barcelone, la situation catastrophique des immigrés marocains n'a pas changé d'un iota. «Les statistiques nous font défaut, mais je peux vous assurer, d'après le travail quotidien que nous menons auprès des immigrés marocains, que le décor est tout, sauf luisant». Tous les acteurs associatifs parlent d'un retour massif de Marocains au bercail, mais personne n'est capable d'avancer un chiffre précis sur le nombre des «damnés» de la crise. «Nous ne pouvons pas nous aventurer à faire un décompte, car les Marocains ne renoncent jamais à leur carte de résidence, d'où la difficulté d'établir le nombre exact des réfugiés de la crise espagnole au Maroc», ajoute Benbrahim. Déjà, le retour volontaire n'a pas donné les résultats espérés par l'administration espagnole, laquelle tablait sur ce projet pour se délester des immigrés en situation de chômage. Hormis les résidents latino-américains, rares sont les immigrés ayant accepté de souscrire à ce programme de délestage massif des immigrés. «Les Marocains ont opté pour un retour individuel et surtout discret, afin de pouvoir disposer d'une marge de manœuvre si une occasion se présentait dans le futur», explique cet acteur associatif. Cette situation s'explique par le fait que le retour volontaire était conditionné par l'abandon volontaire du statut de résident légal. «Nous évaluons les pertes à travers des moyens pas du tout scientifiques. Si par exemple avant la crise nous recevions 200.000 consultations par an, et là je présente un chiffre aléatoire, durant ces temps de crise, le nombre ne dépasse guère 50.000 consultations». Les responsables des associations dédiées aux immigrés se basent aussi sur les enregistrements au sein des municipalités, lesquels ont dégringolé. «Nous en avons déduit que de nombreux Marocains ont cessé de payer des loyers dans les municipalités où ils sont recensés, car ils peinent à faire face à la charge du loyer. Ils ont opté pour l'abandon de leur domiciliation et par conséquent ils ont pris refuge au Maroc». Selon Atime, toutes les prestations que cette association prodiguait aux immigrés tournent, à présent, autour de la recherche d'emploi. Les prestations d'aide au logement et d'autres programmes d'insertion pour les femmes immigrées par exemple ne trouvent plus preneur. Depuis que la crise a éclaté, toutes les requêtes tendent vers un seul objectif : se faire embaucher pour ne pas tomber dans la clandestinité. «Les autres programmes ne sont plus de grande utilité», ajoute Kamal Benbrahim. «Nous accentuons notre mission sur les cas de perte de statut de résident. Cependant, dans le cas de la Catalogne, l'administration se veut très souple. Il suffit que le prétendant au renouvellement présente un certificat d'inscription à l'INEM, le bureau de travail espagnol où sont inscrites les personnes sans emploi, pour que son dossier soit étudié. D'autres justificatifs sont aussi pris en considération, comme le certificat d'intégration, prouvant que la personne suit des cours de formation», étaye Benbrahim. Seulement, les choses se compliquent pour les nouveaux arrivants. Ces derniers sont les plus affectés, car leurs employeurs n'arrivent plus à leur assurer du travail en ce temps de marasme économique et ils n'ont pas cotisé suffisamment à la sécurité sociale pour prétendre aux allocations de chômage. Fort heureusement pour les anciens immigrés, le gouvernement maintient ouvert, pour le moment, le robinet des subsides, malgré les menaces brandies par l'exécutif espagnol de mettre fin à toute aide étatique, dans le cadre des coupes budgétaires décidées par Zapatero. «Lundi dernier, nous avons pu venir en aide à une famille marocaine, afin qu'elle puisse continuer à bénéficier des aides de l'Etat, une somme de l'ordre de 420 euros. De telles personnes peuvent toujours continuer à recevoir des aides, si elles parviennent à prouver qu'elles sont toujours dans le besoin», assure Benbrahim. Quid des autorités consulaires ou du département ministériel marocain en charge du dossier ? Ils sont aux abonnés absents, comme à l'accoutumée. Amal Baba Ali Journaliste correspondante.