Hassan, 34 ans, vit dans l'expectative depuis un mois. Sa carte de résidence a expiré, il a déposé une demande de renouvellement. Sauf que les autorités tardent à lui communiquer une réponse. «Cela fait un mois que j'attends une réponse mais aucune ne m'a été livrée. Une fois on me dit qu'il faut payer les taxes, une autre qu'il faut attendre jusqu'à la délivrance de la carte...», raconte, désespéré, cet originaire de Oujda. Hassan a perdu son poste de travail, conséquence de la crise économique. «L'entreprise a licencié les quatre immigrés qui travaillaient, pour les remplacer par des Espagnols», dit-il. Ses trois ans de loyaux services sont partis en fumée. Aujourd'hui, sans contrat de travail, sa résidence en Espagne est menacée. Son histoire n'est pas différente de celle de plusieurs travailleurs marocains en Espagne. Hassan y a débarqué en 2003 après avoir payé une inscription dans une université espagnole. Titulaire d'un Deug en économie, il a voulu tenter sa chance au-delà du Détroit de Gibraltar. Direction la province de Jaén (sud), connue pour sa vocation agricole. C'est dans ses champs que Hassan a démarré son parcours professionnel espagnol. Mais le travail agricole est éphémère, au gré des campagnes et de l'humeur de ses patrons. Après un an, il se retrouve sans emploi. «Malgré cela j'ai continué à payer mes cotisations à la sécurité sociale», souligne-t-il. En 2005, il a bénéficié de la campagne de régularisation des sans-papiers que le gouvernement socialiste a initiée une fois au pouvoir. Lors de son dernier emploi, Hassan percevait un salaire de 900 euros par mois. «Plus les heures supplémentaires», précise-t-il. Quand la crise a frappé, les premiers à trinquer furent les immigrés. «J'étais le seul Marocain mais j'avais des collègues du Nigeria et du Pérou». Comme il a cotisé pendant 5 ans à la sécurité sociale, Hassan a pu bénéficier des allocations du chômage, lesquelles avoisinent les 900 euros les trois premières années et 700 après. Hassan ne baisse pas les bras et effectue une quête acharnée d'un travail par le biais de l'Institut de l'emploi espagnol, un département gouvernemental qui regroupe toutes les personnes au chômage. «Je me suis inscrit à l'ensemble des cours de formation, hélas! Je n'ai jamais réussi à décrocher une place. Les offres profitent aux Espagnols. J'ai beau chercher une admission dans un cours d'informatique ou un permis de conduire de poids lourd, sans succès», se lamente-t-il. Hassan est persuadé que le racisme y est pour quelque chose. «Pour les immigrés comme nous, c'est la traversée du désert. C'est comme s'ils voulaient que nous désespérions et abandonnions l'Espagne». À présent, Hassan redoute le pire : que les autorités rejettent sa demande vu qu'il est au chômage. Malheureusement, il n'est pas le seul à être confronté à cette situation. Ce sont plusieurs Marocains résidant en Espagne qui vivent avec cette peur au ventre. Une situation difficile à vivre La crise menace maintenant de laisser bon nombre d'entre eux dans une situation de clandestinité. Selon les dernières statistiques publiées il y a trois mois, les chômeurs marocains avoisinent les 140.000. Les pronostics parlent de 160.000 actuellement. «25.000 ont essuyé un refus lors du renouvellement de leur carte de séjour, car ils ne disposent pas d'un contrat de travail», nous apprend Kamal Rahmouni, président d'ATIME, l'association des travailleurs marocains en Espagne. Conscient de la gravité de l'affaire, Kamal Rahmouni affirme avoir contacté les autorités espagnoles pour trouver une issue. «ATIME a saisi le ministre de l'Intérieur Alfredo Rubalcaba afin que son département gère les dossiers d'octroi de la carte de résidence avec plus de flexibilité. Les autorités espagnoles doivent comprendre que travailler ne dépend pas d'eux mais de la conjoncture économique. Les immigrés ne peuvent pas être sanctionnés deux fois», défend Kamal Rahmouni. ATIME a exhorté le département de l'Intérieur à se montrer plus souple et inclure certains critères pour renouveler la carte d'un immigré sans-emploi. «Nous avons demandé aux autorités de prendre en considération la volonté de la personne de trouver un travail, à travers les entretiens réalisés ou les cours de formation auxquels il est inscrit, comme preuve de sa bonne volonté de sortir de cette situation», souligne Rahmouni. L'ignorance joue en défaveur des Marocains. Certains titulaires de la carte de séjour permanente (de 5 ans) pensent être à l'abri de ces désagréments. Faux, rétorque Kamal Rahmouni. «Si le titulaire de la carte vit une période supérieure à six mois hors du territoire espagnol, le titulaire perd ce droit, car il s'agit d'un permis de résidence où son porteur est appelé à séjourner sur le sol espagnol et non ailleurs», explique le responsable associatif et membre du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger. À cette situation sont confrontés ceux qui ont décidé de rentrer au Maroc pour vivre des allocations de chômage en attendant que la crise tourne les talons. Toutefois, les cas varient d'une province à une autre, selon le parti qui gouverne le territoire et la lecture que fait chaque département des législations. Le problème se pose avec acuité dans les provinces agricoles où réside une grande partie des travailleurs agricoles, réputés pour méconnaître leurs droits. Cependant, Hassan ne désespère pas. Il a plus d'un tour dans son sac. «Si les autorités me réclament un contrat de travail je me saignerais pour le décrocher». Comment ? «À travers des connaissances de confiance qui peuvent me le fournir», admet-il. Si Hassan dispose d'un réseau relationnel qui peut lui permettre cette sortie de secours, d'autres doivent décaisser pour obtenir le sésame. Entre 1.000 et 1.700 euros, assure Noureddine, résidant en Espagne. Un business juteux qui profite à des marchands du désespoir, tirant profit de la détresse des immigrés.