C'est un portrait sombre que les représentants de la pêche ont dépeint, le 10 octobre, lors de la conférence organisée par le Collectif pêche et développement durable. Les représentants des professionnels de la pêche ont montré leur grand mécontentement concernant le phénomène de la pêche illicite qui sévit au Maroc, connu sous l'abréviation INN (illicite, non déclarée et non réglementée). «En ce qui concerne la pêche illicite, la stratégie Halieutis évoque le pourcentage de 30% que représente les captures provenant de la pêche illicite. Cette stratégie vise à réduire ce pourcentage à 15% à l'horizon 2020», précise Adderrahmane Elyazidi, SG du syndicat des officiers et marins de la pêche hauturière et coordinateur du collectif. Il faut préciser que le segment des céphalopodes exporte plus de 600 millions de dollars annuellement. Cela implique une part de pêche illicite d'environ 180 millions de dollars par an. «Si cette manne intègre le formel, cela sera une grande bouffée d'oxygène pour le secteur, sans parler des autres segments», ajoute Elyazidi. À plusieurs niveaux, la pêche illicite représente un réel danger pour le secteur, surtout en ce qui concerne la raréfaction des ressources. En effet, au niveau de l'extraction, la taille et les quotas réglementaires ne sont pas respectés, ce qui représente une menace pour la faune maritime nationale. C'est ce qu'a expliqué Kamal Sabri, président de la Chambre des pêches maritimes de Casablanca. «Environ 180 barques artisanales pratiquent la pêche illicite à la sardine le long des côtes à Casablanca. Ces barques capturent les sardines dans des zones interdites, où ce poisson vient pour pondre. Le problème est que ces captures se retrouvent sur le marché comme s'il s'agissait de captures légales». De plus, la pêche illicite instaure une concurrence déloyale sur le marché, puisque les bateaux qui l'exercent ne sont pas soumis aux mêmes contraintes sociales et fiscales, ce qui conduit à la baisse des prix des exportations. Or, selon les professionnels, ces pratiques ne sont pas nouvelles. «Nous sommes face à une opportunité historique, que nous devons saisir. En adoptant plusieurs mesures, le ministère a montré sa volonté de saisir le taureau par les cornes et il faut l'appuyer», a déclaré Malainine Haibatou Al Abadila, président de la Fédération des chambres des pêches maritimes. Une batterie de mesures a effectivement été mise en place par le ministère de l'Agriculture et de la pêche maritime afin d'éradiquer la pêche illicite et d'étouffer ses produits. Il s'agit, en premier lieu, de généraliser l'arrêt biologique de la pêche au poulpe sur l'ensemble du littoral. Auparavant, l'arrêt concernait seulement la partie du littoral qui va de Boujdour aux frontières maritimes mauritaniennes. Cette décision, qui vise à protéger la ressource du poulpe, est d'une importance énorme, puisqu'elle ambitionne de faire réintégrer dans le circuit légal environ 180 millions de dollars perdus pour le compte de l'informel. Le ministère de la Pêche a aussi imposé la mise en place de systèmes de localisation par satellite, afin de permettre de contrôler la distance minimale parcourue par rapport aux côtes. C'est là une mesure perçue comme une grande avancée dans le secteur, car certaines unités «pêchent dans les zones interdites, sans être inquiétées. Avec ce système de localisation, le contrôle pourra se faire facilement», précise Elyazidi. En outre, plusieurs autres mesures ont fait l'unanimité des professionnels qui ont salué leur caractère courageux.