Après des années à la traîne, l'aquaculture au Maroc a marqué des points, en faisant une rentrée en fanfare. Le jour où le Conseil de gouvernement se penche sur le décret d'application de la loi portant sur la création de l'Agence nationale pour le développement de l'aquaculture (ANDA), celle-ci est d'ores et déjà passée à l'action. Elle a lancé, mercredi à Casablanca, son premier appel à manifestation d'intérêt. L'objectif est de sélectionner les meilleurs projets aquacoles qui peuvent bénéficier de l'attribution de concessions pour le développement de l'aquaculture marine dans la zone méditerranéenne de Cap Mazari et Cap Targha. Il s'agit principalement d'un projet qui concerne 260 ha réparties en neuf concessions. Intervenant lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à l'occasion, le ministre de l'Agriculture et de la pêche maritime, Aziz Akhannouch, a rappelé que cette activité occupe une place privilégiée dans la stratégie «Halieutis». Le département de tutelle prévoit de faire de l'aquaculture un moteur de croissance majeur à travers une stratégie cohérente, pour assurer une gestion durable de la ressource halieutique pour les générations futures. Il n'a pas raté l'occasion, pour signaler que d'autres appels à manifestation d'intérêt seront lancés prochainement et concerneront les deux côtes méditerranéenne et atlantique, notamment sur les axes de Sidi El Abed-Oualidia, de la baie d'Agadir et des baies de Dakhla et Cintra. Toutefois, le ministre a reconnu que «l'activité se trouve encore à un stade embryonnaire». Pour sa part, Majda Maârouf, directrice de l'ANDA a affirmé que ce premier appel à manifestation d'intérêt «est destiné à toutes les personnes morales, aussi bien au Maroc qu'à l'étranger, qui sont intéressées par le développement de cette activité sur la côte marocaine». Il s'agit, selon le top management de l'agence, d'un projet qui découle de la planification du département de la pêche. Les neuf fermes sont réparties en cinq concessions, de 20 ha chacune en conchyliculture, et intéressent les moules, les huîtres ainsi que d'autres coquillage dans la zone A (Cap Mazari) avec une production estimée à 1.500 tonnes. La production annuelle attendue de chaque concession sera de l'ordre 300 t pour un investissement total de 35MDH. Elles vont, par ailleurs, générer un chiffre annuel de 18MDH et employer 30 personnes. Tandis que les quatre autres, de 40 ha chacune en pisciculture, ont comme espèces cibles le loup, la dorade et le maigre dans la zone B (Cap Targha) avec une production de 4.000 tonnes. Le ministère de tutelle vise à multiplier par dix la production actuelle. La production totale annuelle de ces projets de pisciculture sera à hauteur de 4.320 tonnes de poisson d'élevage, soit 1.080 tonnes par concession et un investissement total de 260MDH. Le chiffre d'affaires annuel sera de 240MDH et le nombre d'emplois attendu est de l'ordre de 140 personnes. Cela reflète l'importance des retombées économiques de ce plan d'aménagement dans la région. Au total, ces projets devraient drainer un investissement total d'environ 300 MDH, qui permettra une production annuelle globale de 5.720 t et un chiffre d'affaires annuel total de 258 MDH. Pour ce qui est du calendrier de l'appel à manifestation d'intérêt lancé début d'octobre, la date limite pour le dépôt des dossiers est fixée au 22 décembre, alors que l'annonce du résultat est prévue pour mars 2013. Il reste a préciser que l'ANDA, à travers cet appel , tend à renforcer le développement de l'activité, en retenant les projets qui présentent un intérêt en matière de performance, d'innovation et d'impact socio-économique sur la région. Pour assurer le bon déroulement de l'activité, les professionnels se sont mobilisés pour mettre en place un dispositif juridique qui sera en mesure de combler les insuffisances en la matière. Pour l'histoire, le secteur de l'aquaculture au Maroc est réglementé par des textes de lois datant de 1913. Décret d'application L'aquaculture marocaine ne date pas d'aujourd'hui. Son apparition remonte aux années 50 du vingtième siècle. En 2010, l'activité a pris un nouvel élan en donnant naissance à une agence dédiée au secteur. Au moment de la rédaction de cet article, le Conseil de gouvernement se penche sur le décret d'application de la loi portant création de l'Agence nationale pour le développement de l'aquaculture (ANDA). En 2010, la valeur de la production aquacole au Maroc s'élevait à 7 MMDH correspondant à un volume de production de 333 tonnes. La particularité de l'aquaculture marocaine réside dans la forte production d'huîtres, représentant 85% du total de la production nationale. La baie de Dakhla a enregistré un volume de production de 279 tonnes, soit 84% de la production nationale. La deuxième espèce produite est la daurade, avec un volume de production de 35 tonnes, soit 11% de la production nationale, ce qui équivaut à une production en valeur de l'ordre de 2,3 MDH, selon les chiffres émanant de la ANDA. Il reste à préciser que le Maroc a produit, durant les 10 dernières années, environ 900 tonnes par an, une production constituée principalement, jusqu'à 2005, de daurades et de loups. Les perspectives du secteur L'ANDA a pour objectif de faire de l'aquaculture un moteur de croissance. En termes de perspectives, les professionnels du secteur veulent porter la production aquacole à 200.000 tonnes soit 1.000 fois le niveau de la production actuelle. Il ressort des statistiques de l'ANDA que cette activité constituera 11% du volume global de la production halieutique marocaine. La production aquacole sera de l'ordre 1,75 million de tonnes à l'horizon 2020. Le chiffre d'affaires du secteur devrait atteindre 5 MMDH, dont la majeure partie sera destinée à l'export. Pour atteindre cet objectif, le ministre de tutelle a identifié les sites de production, ainsi que les espèces à élever. Ces dernières vont porter sur les crustacés comme la crevette et les poissons, notamment le bar. La zone d'élevage a été également réservée et elle est de l'ordre 10.000 ha en offshore. Dans le même ordre idée, la directrice de l'ANDA, avait conclu dans un entretien accordé aux Echos quotidien que «l'enjeu était de taille, d'autant plus que le secteur de la pêche joue un rôle central dans le développement socio-économique du pays». Un flot d'obstacles Les obstacles du secteur de l'aquaculture sont multiples. En effet, depuis le début de la mise en œuvre du plan Halieutis, le secteur de l'aquaculture marocaine est confronté à plusieurs contraintes. Elles sont liées notamment à la rareté du foncier, à la lourdeur des investissements et à l'insuffisance juridique. Cela influe sur la production du secteur, qui reste en dessous de son potentiel. Celle-ci ne dépasse guère la fraction d'un pour mille de la production halieutique totale. Les principales contraintes qui freinent le développement de cette production sont liées principalement à la rareté du foncier et au renchérissement de son prix. Cela réduit de plus en plus la superficie dédiée à la production, alors que la multiplication de ce type de fermes nécessite de grandes disponibilités foncières et des sommes d'investissement colossales. Outre ces contraintes, le secteur se démarque aussi par l'insuffisance du cadre légal et l'absence d'une législation spécifique. Les textes régissant le secteur ne sont pas encore adaptés et remontent à 1913. De ce fait, il est donc temps de mettre en place une réglementation spécifique, en conformité avec les normes appliquées sur le plan international en matière d'aquaculture et sur le potentiel humain, à travers l'organisation de sessions et de programmes de formation en fonction des besoins de l'activité. Plusieurs autres défis restent encore à relever pour améliorer la compétitivité du secteur, dont la production sera destinée à l'international. Dans ce cadre, il est temps de signaler les «barrières douanières érigées par les pays importateurs et qui faussent significativement le jeu de la concurrence». «Nous travaillons pour mettre en place un dispositif juridique capable d'assurer l'équilibre de l'activité au Maroc», a déjà répondu Majda Maârouf, directrice de l'ANDA dans un entretien accordé aux Echos quotidien. S'agissant des incitations fiscales, le chemin à parcourir est encore long et un travail de longue haleine est nécessaire afin de faire un geste incitatif en faveur des investisseurs. Conscient d'être sur le fil du rasoir, et de la nécessité d'avoir un ancrage fort pour réussir la tâche, le département de tutelle s'est mobilisé, en lançant une stratégie pour le développement de l'activité et un appel à manifestation d'intérêt. Il en ressort principalement que le développement du secteur aquacole dans notre pays, ne pourrait être assuré qu'à travers la mise en place de stratégies claires, avec des objectifs précis, des moyens suffisants et un cadre légal et règlementaire adéquat. Il faut juste accélérer la cadence des actions à entreprendre pour permettre à ce secteur de croître.