Les Echos quotidien : Vous êtes aujourd'hui correspondant de CNN en Afrique. Comment avez-vous croisé le chemin du journalisme ? Vladimir Duthiers : Je dois avouer que j'ai toujours voulu être journaliste. J'écrivais pour le journal de l'université, mais je n'avais pas eu l'opportunité de le devenir au départ. Mes parents avaient émigré aux Etats-Unis et rêvaient de nous voir exercer des métiers comme avocats, médecins ou encore ingénieurs. C'est dans ce sens, qu'ils refusaient que je fasse autre chose que cela et notamment ne me voyaient pas devenir journaliste. J'ai alors décidé de travailler dans la finance, un domaine dans lequel j'ai exercé pendant près de 18 ans. Après ce chemin parcouru et en approchant la quarantaine, je me suis rendu compte que je n'avais jusque là pas fait quelque chose qui puisse être mémorable dans ma vie. La majeure partie de ce que j'avais accompli auparavant ne profitait pas à d'autres personnes qu'à moi-même. J'ai donc décidé de revenir sur les bancs de l'école et présenté ma candidature pour intégrer une école de journalisme, notamment celle de Columbia University. Après quelques années d'études, j'ai eu l'opportunité d'intégrer CNN, notamment dans le Christian Amerpool Show. J'ai dans un premier temps commencé en tant qu'interne puis j'ai été recruté en tant que producteur freelance. Pourquoi avoir fait le choix d'être journaliste ? J'étais un grand fan de Hemingway et j'admirais de nombreux journalistes télé. J'étais d'ailleurs un téléspectateur assidu du «16 minutes started». De plus, aux Etats-Unis, nous avons l'habitude de discuter de ce qui se passe dans le monde, ce qui a contribué à alimenter ma passion pour le journalisme et pour l'information. Dans le fond, je pense que le fait de lire mes auteurs préférés et de regarder des émissions télé m'a beaucoup aidé à définir le journaliste que je voulais vraiment être. À ce moment là, avant de le devenir, je rêvais d'avoir un impact dans les medias, sans savoir que j'allais un jour intégrer CNN. Quel rôle le journaliste a-t-il à jouer dans un contexte de révolutions et de printemps arabe ? En tant que journalistes, notre devoir n'est pas d'analyser des faits, mais de relayer des informations telles que récoltées sur le terrain. Nous ne faisons que retranscrire des faits via des chaînes de télévision ou encore des journaux comme le vôtre, afin de permettre au téléspectateur et au lecteur de se forger sa propre opinion sur le sujet. Le pouvoir des médias est devenu aujourd'hui presque une évidence. Pour l'anecdote, dans un voyage récent au Sierra Leone, au cours duquel je devais interviewer le président de la république, le conseiller du chef de l'Etat m'avait approché, me rappelant à quel point les médias pouvaient avoir un réel impact dans le monde et m'énonçant le célèbre dicton qui dit que la plume est plus forte que le glaive. Il traduisait ça à sa manière par «votre plume est en réalité votre AK47». C'est dire comment les médias sont perçus aujourd'hui et à quel point leur traitement pourrait créer des troubles dans un pays s'ils décidaient de divulguer des informations jusque là tenues secrètes pendant des années. Cependant, au-delà de l'influence que son travail peut avoir, la responsabilité doit, elle, toujours rester présente dans l'esprit du journaliste. En parlant de responsabilité et de déontologie, comment évaluez vous la liberté d'expression et l'exercice du métier au Maroc ? Pour le Maroc, je ne peux pas vraiement fournir une analyse concrète. Cependant, dans le cas des Etats-Unis, nous avons aujourd'hui des médias très puissants, dans le sens où ils ne sont pas vraiement censurés. À mon sens, le meilleur indicateur d'une bonne démocratie reste une presse libre. Jamais la révolution américaine n'aurait d'ailleurs pu avoir lieu sans le rôle déterminant de la presse libre. Chaque pays qui s'assure une presse libre s'assure par là une réelle liberté. Tel que vous l'exposez, les médias américains seraient un modèle à suivre. Qelle serait la recette pour ce faire ? Il n'y a pas vraiment de recette, si ce n'est un cadre juridique bien défini. La question de la liberté de la presse est définie dans la Constitution américaine comme étant une priorité. Aujourd'hui, de nombreuses personnes s'interrogent sur la manière dont plusieurs choses se passent aux Etats-Unis et comment les Américains y parviennent. Dans ce sens, ce qu'il faut souligner, c'est que de nombreuses attitudes inscrites dans notre ADN nous permettent de mettre en place certains modes de fonctionnement. C'est un travail qui s'est fait depuis le début de notre histoire et plus précisément dans l'émergence de l'Etat américain et sur lesquels se sont basés nos principes. Entendez vous par là que tout est basé sur la société ? Tout à fait. Le fondement même d'une démocratie qui est comme je viens de l'expliquer une presse libre assurée par une liberté d'expression, garantit à une population dans un pays donné la liberté de penser, quelle que soit son opinion.