Nous le supposions il y a quelques mois (www.lesechos.ma) et le verdict sur ce dossier était même attendu du marché après la hausse appliquée aux prix du gasoil depuis quelques mois, c'est aujourd'hui un chantier concret. Le gaz butane est le prochain produit dont l'ajustement viendra alléger les caisses chétives de l'Etat. Une nouvelle organisation est en effet en cours de gestation pour la gestion du secteur GPL au sein des départements du gouvernement. L'objectif étant d'harmoniser les activités exercées dans le secteur. «La volonté aujourd'hui affichée au sein du gouvernement est celle de faire transiter ce secteur vers une économie de marché», commente cette source proche du dossier. Première contrainte dans ce dossier : la sécurité d'approvisionnement. On a assisté en effet, récemment, à la levée des boucliers parmi les rangs des dépositaires de gaz, qui ont brandi moult menaces devant le gouvernement dès lors que leurs cahiers des charges n'étaient pas revus. Une tension dont les retombées sont lourdes et qui a d'ailleurs poussé le ministre des Affaires économiques et générales à tendre l'oreille à ces professionnels, leur promettant de tenir une sorte de réunion de crise, en fin de semaine dernière. Cette réunion, à l'heure où nous mettions sous presse, avait été déjà reportée une fois et les professionnels attendaient encore la fixation d'un nouveau rendez-vous, qui devrait selon nos sources, être confirmée pour la semaine prochaine. Par ailleurs, le schéma complexe de la filière et ses différentes contraintes, supposent que l'organisation-cible serve davantage un besoin d'«optimisation» pour atteindre, in fine, le deuxième volet d'un chantier entamé au sein du département de l'Energie et des mines - plus crucial, cette fois - et qui a trait à la tarification et à la libéralisation du secteur. Bases d'une réforme S'il s'agit aujourd'hui de réorganiser le secteur, le doigté sera de mise eu égard à la sensibilité de la filière et à l'importance du gaz butane dans le panier de la ménagère, mais aussi dans un certain nombre d'activités industrielles, agricoles... Le ministère de l'Energie et des mines planche en effet, à ce titre, sur une nouvelle organisation du secteur des GPL. Amélioration des structures, du schéma d'approvisionnement du pays, des conditions d'exercice, et modernisation des modes de gestion... autant d'aspects qui seront donc remis à plat, selon nos sources. Dans un deuxième temps, c'est toute la politique de stockage qui devrait suivre dans la refonte du secteur. «Le volet du stockage a besoin de nouvelles règles. L'enjeu national consiste à faire face aux crises d'approvisionnement, mais aussi de faire face aux défaillances des circuits d'approvisionnement classiques», commente cet expert. Plus encore, la répartition aujourd'hui déséquilibrée des stocks au niveau national pourrait être corrigée, afin d'atteindre un seuil de sécurisation normal et de permettre l'utilisation efficace des stocks. Parallèlement, il est aussi question de dépasser toutes les contraintes d'approvisionnement que subit chaque année le Maroc, avec tous les coûts que cela engendre, et dues essentiellement au mauvais temps (de décembre à février), qui sévit dans les ports de chargement (Algérie, France, etc...), ainsi que dans les ports de déchargement marocains, ce qui occasionne des retards dans la réception des butaniers, mais aussi dans les divers travaux d'entretien et de maintenance... La piste creusée actuellement est ainsi celle de la diversification des sources d'approvisionnement et de la multiplication des points d'entrée. En termes d'infrastructures, la balle atterrit dans le camp du ministère de l'Equipement et des transports, puisque le développement de la logistique du transport primaire (notamment le piping et le transport ferroviaire) est pensé comme une passerelle pour réussir le volet du développement à l'intérieur du pays, de nouveaux pôles de capacités de stockage. La réflexion des équipes du département de l'Energie propose aussi le développement d'un réseau de dépositaires grossistes et la mise en place d'une tarification optimale et cohérente pour accompagner les opérateurs gaziers, dans l'exploitation et le développement de leurs installations et infrastructures. Délicate équation Qui dit organisation, dit aussi tarification. Un chantier inévitable de la réorganisation du secteur et qui s'impose - dangereusement - depuis quelques années et avec encore plus d'acuité depuis la décision prise d'entamer sérieusement la réflexion sur la réforme de la Caisse de compensation. Ce qu'il faut savoir, c'est que la tarification appliquée aujourd'hui est une somme de différents coûts, de marges et de frais à même de faire bondir le prix du produit «butane», en cas de libéralisation. Ce même produit, ne pouvant être commercialisé que conditionné en bouteilles ou livré en vrac aux professionnels, étant donné les contraintes de sécurité, est donc acheminé suivant un modèle d'approvisionnement marqué par la multiplicité des intervenants. Il en ressort que chacun des professionnels applique ses propres marges (marge d'emplissage, marge de distribution, marge dépositaire et marge détaillant), auxquelles s'ajoutent les frais de transport et de passage par les terminaux. Ces variables viennent justifier, dans la réflexion de l'Exécutif, le réajustement de la structure des prix. «Un équilibre doit être établi entre la situation budgétaire de l'Etat, les marges des opérateurs et le prix de vente au consommateur. Un lourd manque à gagner peut être relevé dans ce secteur. Néanmoins, des garde-fous devront être instaurés vis-à-vis de la sensibilité du produit final qui est le gaz butane», recommande notre expert. Dans la perspective de la libéralisation du gaz butane, la structure du prix sera donc décortiquée. Cela, sachant que le prix est fixé en amont (prix de reprise) et en aval (prix de vente), et que le prix de reprise est basé sur une formule de calcul indexée sur le marché international. Le chantier aujourd'hui en cours au sein du département de l'Energie, ratissera aussi les différents niveaux d'intervention sur le marché du gaz butane. La première dimension se situe au niveau central, où s'opère la supervision de l'approvisionnement et l'opérationnalisation du marché en butane, au niveau de la direction des combustibles et carburant chargée de réguler, d'éviter les situations de monopole ou même de prévenir les interruptions d'exploitation ou de distribution. De même, une commission interministérielle des prix agit, quant à elle, sur le système de tarification pour la fixation des marges et les autres frais de stockage. Par ailleurs, la seconde strate d'intervention sur le marché du butane a surtout trait aux importations du gaz butane, des conditions de réception et d'acheminement du butane, mais aussi à la gestion des stocks dans les terminaux, pour la majorité auprès de la SOMAS (110.000 tonnes) à elle seule. Enfin, sur le marché, se multiplient les acteurs, qui ne sont non seulement pas intégrés au même degré sur le marché, mais qui, pour des raisons lucratives, ont davantage tendance à privilégier les réalisations financières au détriment des investissements.