«Opérer un changement au niveau du dispositif de formation et des objectifs qui lui sont assignés». Tel a été le message adressé par le roi à l'occasion du dernier discours du trône où il avait insisté sur la nécessité de réformer le système éducatif, ainsi que celui de la formation. Quelques mois après, le ministre de l'Enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres lève le voile sur la feuille de route de son département pour répondre à cet appel à la réforme. Un projet de plan d'action pour la période 2013-2016 a en effet été finalisé et devrait, une fois validé par l'Exécutif, nécessiter la mobilisation de 9,86 MMDH, soit plus de 2,46 MMDH par an. Personne ne nie aujourd'hui que les questions liées à la problématique du chômage des jeunes imposent en effet une refonte du système de formation. Ce volet, qui a pris encore plus d'ampleur ces deux dernières années, devra en effet constituer l'une des principales priorités de l'Exécutif durant son mandat. Le travail semble avoir déjà été entamé par le département de Lahcen Daoudi, qui vient de décliner un projet de plan d'action, dont la mise en œuvre requiert la création d'environ 9.270 postes budgétaires, soit l'équivalent de 2.320 postes annuellement. Concrètement, avec la fin du plan d'urgence 2009-2012 dont la réussite ne fait pas vraiment l'unanimité, Lahcen Daoudi devait mettre en place une nouvelle stratégie puisant dans les constats relevés au niveau du plan d'urgence. Le plan concocté repose sur 39 projets répartis en six axes. Ces derniers visent, selon le département de tutelle, «la bonne gestion du secteur, la promotion de la recherche scientifique, l'amélioration de l'offre de l'enseignement, l'amélioration des prestations sociales aux étudiants, la révision des textes régissant le secteur et le développement d'une stratégie de coopération internationale». Cette stratégie ambitionne donc de relever les défis liés à la formation, à la recherche scientifique, à la gouvernance, à la qualité de l'enseignement, à la coopération, outre la satisfaction des besoins sociaux induits par l'évolution du système éducatif. Tout y passe ! Ceci dit, c'est bien l'axe consacré à l'adéquation du système de formation avec les exigences du monde du travail, qui retient principalement l'attention vu que c'est là l'une des principales explications données par les opérateurs économiques au chômage, ces derniers jugeant que le manque de qualification des diplômés contribue à la prédominance du chômage des jeunes. Aujourd'hui, il est question d'inscrire comme objectif au plan d'action de la tutelle «le renforcement des capacités des lauréats à s'intégrer dans le marché du travail», en s'attelant à l'amélioration de la qualité de l'enseignement, le renforcement de la capacité d'accueil des établissements, ainsi que la révision de la carte universitaire en reconsidérant les critères relatifs à la création et à l'accès aux universités. Il faut dire que le ministère souhaite faire d'une pierre deux coups. D'un côté, il tente de répondre à la problématique de la qualification des lauréats. D'un autre, il est question d'apporter sa contribution à la mise en œuvre des différentes stratégies sectorielles nationales, en misant dans sa réforme sur la diversification des programmes de formation, pour répondre à la demande des grands chantiers structurants de l'économie. C'est du moins ce qu'inscrivent les équipes de Daoudi dans leur nouvelle feuille de route. Soutien et développement de la formation dans le cycle du doctorat, promotion de l'enseignement électronique, ainsi que la mise au point d'un système à même d'assurer l'amélioration de la qualité de l'enseignement supérieur et la visibilité dans la gestion du secteur, sont autant de points à l'ordre du jour au sein du ministère. Notons sur ce volet, que le Conseil économique et social avait déjà émis ses recommandations quant aux critères à prendre en compte pour réformer le système. Le Conseil présidé par Chakib Benmoussa considère dans ce sens que l'ajustement entre les besoins de l'économie et les offres disponibles, passe par la remise à niveau des filières existantes et par la création de filières nouvelles adaptées aux stratégies sectorielles en cours de mise en œuvre, ainsi que par l'orientation des étudiants vers celles-ci. «Il s'agit également d'accélérer l'aboutissement de la réorganisation pédagogique profonde de notre modèle universitaire : l'université marocaine, davantage ouverte sur son environnement et accessible au plus grand nombre, doit pouvoir dans un premier temps adapter ses filières et en réguler l'accès pour rattraper son retard, puis dans un deuxième temps, s'inscrire dans une démarche d'anticipation des besoins futurs de l'économie», note le CES. Celui-ci considère en outre que, tout en valorisant la formation professionnelle comme choix de qualité et non de seconde option, et en resserrant les liens entre le monde de la formation et du travail, il est nécessaire de privilégier les filières universitaires professionnalisantes de courte durée, ainsi que l'augmentation en termes de diversification et de capacité de l'offre de formation professionnelle initiale, à travers une planification prospective des besoins futurs de l'économie et la mise en place de contrats-programmes avec les opérateurs concernés. De même, le système d'apprentissage des jeunes en formation alternée mérite d'être consolidé et étendu, avec une attention particulière au cas des jeunes ruraux. En d'autres termes, si l'on se fie aux recommandations du CES, la problématique de l'adéquation entre la formation et les besoins du marchés du travail relève à la fois des instances de formation universitaires, mais aussi de celles de la formation professionnelle. Le département de Lahcen Daoudi donne le ton, encore faut-il désormais que son action s'inscrive en complémentarité avec celle de l'OFPPT et du ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle. En attendant de voir ce que devraient préconiser ces dernières pour la période à venir, il est clair que la mise en place d'une quelconque stratégie ne peut réussir sans s'intéresser à sa gouvernance. C'est là l'autre point clé dans la stratégie des équipes de Lahcen Daoudi. Parmi les priorités du plan d'action 2013-2016 figure en effet l'instauration d'une bonne gouvernance dans le secteur. «L'objectif est d'améliorer la gestion des ressources humaines, favoriser l'utilisation des nouvelles technologies, renforcer l'indépendance de l'université et assurer la bonne gouvernance de l'enseignement supérieur privé et des cités universitaires». Recherche scientifique : le privé en soutien Inscrire le Maroc dans une économie du savoir. Tel est le souhait exprimé en fin de semaine écoulée par le ministère de l'Industrie et du commerce et le vice-président du patronat à l'occasion de la présentation du bilan d'étape de la stratégie Maroc innovation. Cependant, est-il possible de faire dans l'économie du savoir sans s'intéresser à la recherche scientifique et technologique ? Certainement pas, et c'est l'une des réponses que tente d'apporter Lahcen Daoudi dans son plan d'action 2013-2016. Tout un axe a été consacré à ce sujet, en concrétisation des déclarations faites lors de sa nomination à la tête du département et qui ont souvent placé la recherche comme une priorité majeure. Dès 2013 donc, la tutelle prévoit de mettre l'accent sur la recherche scientifique et technologique en l'accompagnant de la mise en œuvre d'une stratégie de renforcement des infrastructures. Le but est de valoriser la recherche et l'innovation, la mobilisation des ressources humaines, la motivation des enseignants chercheurs, le financement de la recherche scientifique et la promotion de la coopération internationale. Sept projets seront menés dans ce sens dont certains, répondent aux dernières recommandations du CES. Ce dernier avait jugé que l'encouragement de la recherche et de l'innovation et le développement de passerelles entre l'université et l'entreprise est une priorité à inscrire à l'ordre du jour de la mise à niveau du système de formation au Maroc. «Innover est un acte nécessaire sinon vital pour les entreprises qui veulent s'assurer une meilleure compétitivité, répondre aux nouveaux besoins exprimés par des consommateurs de plus en plus exigeants et élargir et diversifier l'offre pour conquérir de nouveaux marchés», peut-on lire dans le rapport du CES. Des passerelles pourraient, selon le Conseil, être développées dans le cadre de contrats structurants que les pouvoirs publics appuieraient par des dispositifs incitatifs appropriés, par l'augmentation des ressources humaines et matérielles allouées à la recherche et par la consolidation de l'autonomie de l'université, d'une part, et par la résolution du problème d'absence du statut de «chercheur» qui freine l'essor d'une réelle économie du savoir, d'autre part. L'implication du secteur privé dans la réalisation de cette ambition fait également partie des orientations principales du ministère de tutelle. D'ailleurs, l'implication du secteur privé est recommandée pour le volet de la recherche scientifique, mais pour l'ensemble des actions que compte mener la tutelle.