Le dernier discours royal aura-t-il servi de coup de boost ? En tout état de cause, la situation alarmante des jeunes au Maroc n'a eu de cesse d'être soulignée. Rapports d'instances internationales, recommandations du Conseil économique et social, programme gouvernemental et orientations royales... tous ces éléments convergent vers une seule et même idée, à savoir accorder la priorité à l'élaboration d'un plan stratégique assurant une meilleure insertion des jeunes. Le ministre de la Jeunesse et des sports, Mohamed Ouzzine, est donc plus qu'attendu sur ce volet. Après huit mois d'exercice à la tête de ce département aucune mesure concrète n'a été annoncée, alors que la feuille de route de ce chantier était attendue pour mai 2012. Le lancement du débat national de la jeunesse qui se tient aujourd'hui même, serait-il enfin un prélude à la mise en place d'une réelle stratégie ? Les enjeux sont importants au regard du rôle prépondérant que 30% de la population marocaine est amenée à jouer dans le développement économique et social du pays. Selon un récent rapport de la Banque mondiale, «la jeunesse favorise généralement la croissance en stimulant l'innovation et la productivité». Trois mots clés sur lesquels toutes les stratégies économiques du pays reposent. Toutefois, et c'est là que le bât blesse, cette réalité ne semble toujours pas être prise en compte, puisqu'à ce jour, plus de 49% des jeunes marocains ne sont ni à l'école ni au travail. Toujours d'après les conclusions des experts de la Banque mondiale, «seule une économie ouverte et dynamique peut créer les conditions nécessaires à l'expression du potentiel des jeunes». Autant d'éléments donc, qui devraient constituer un point de départ à la réflexion stratégique du débat national, sur le point d'être lancée. «Contourner les blocages» Une insertion efficace passe essentiellement par un processus de formation et d'éducation performant, qui prépare la jeunesse à son entrée sur le marché du travail. Le secteur privé est demandeur et le public n'en attend pas moins. Cependant, comment transmettre des outils de compétences avec un mécanisme défaillant à la base ? La question a fait l'objet des analyses sans jamais trouver autre réponse que la nécessité de réformer le système éducatif. Sur ce point, la machine a eu du mal à être huilée et c'est à juste titre sur ce volet, que toute l'attention du dernier discours royal a convergé (lesechos.ma). Une feuille de route claire et établie somme l'Exécutif d'accélérer la machine des réformes avec des mesures concrètes et rapidement applicables sur le terrain. Le manque à gagner en matière d'éducation reste en effet trop important au regard des enjeux et des différents défis, qui attendent l'économie nationale. «La réforme de l'enseignement public prendra du temps au Maroc, cette contrainte devra plus que jamais être prise en compte», explique Gloria La Cava, spécialiste des sciences sociales à la Banque mondiale. D'où la nécessité de dégager dès aujourd'hui, d'autres moyens de faciliter la transition du monde scolaire vers le monde du travail. Une solution, entreprendre «Se créer des opportunités». En somme, c'est le message que les récentes analyses sur l'avenir des jeunes au Maroc tentent de faire passer. Le marché de la micro-entreprise reste selon de nombreux économistes un marché prometteur et encore largement inexploité. Cette solution qui romp définitivement avec l'urgence de la réforme du système scolaire, semble de prime abord susceptible d'exercer un effet rapide sur les compétences et le recrutement des jeunes. Plus concrètement, il serait tout à fait possible d'agir à travers des interventions qui ne passent pas essentiellement par l'obtention d'un diplôme supplémentaire et ce, en développant de nouveaux dispositifs d'apprentissage ou en investissant dans le micro-entrepreneuriat ou le travail indépendant. Une manière concrète de contourner la problématique de l'éduction sur laquelle de nombreuses politiques ont connu des blocages majeurs. Plus concrètement, les directives du Conseil économique et social sur l'emploi des jeunes convergent sur ce point. Dans ce sens, un axe de réflexion sur une stratégie de l'employabilité de la jeunesse avait été dégagé. Ce dernier insiste, comme expliqué plus haut, sur la création d'entreprise en s'appuyant sur l'initiative privée locale. Pour assurer la viabilité de ce projet, un dispositif spécifique de promotion et d'accompagnement des jeunes porteurs de projets et de la TPE devra être mis en place. «Au-delà du potentiel direct de création d'emplois que cette piste recèle, cette voie permet de favoriser la sortie d'une partie des acteurs économiques de l'informel et leur insertion dans des processus structurés, pouvant avoir un effet multiplicateur sur l'emploi», note le rapport. La question qui se poserait alors serait de savoir comment les différents rapports et les nombreuses réflexions sur les jeunes s'orientent, essentiellement sur la problématique du chômage et de l'employabilité ? Les récentes révolutions arabes dans la région, les revendications plus pacifiques des Marocains dans la série de manifestations qu'a connu le pays ont mis en évidence le besoin urgent de cette catégorie de la population, de participer activement à la vie politique, économique et sociale du pays. Pour ce faire, un modèle de jeunesse impliquée dans la vie active, éduquée et motivée reste nécessaire. Aussi, intégrer les jeunes dans les faits économiques reste un des premiers paliers à envisager dans la stratégie de la jeunesse en cours d'élaboration. «De nouveaux jeunes ?» La jeunesse reste indéniablement le moteur de toute croissance et de tout développement d'un pays, que ce soit sur le plan économique, politique ou social. Cette réalité désormais admise dans la région et qui plus est, soulignée plus spécifiquement dans les dernières orientations du discours royal, laisse entendre un renouvellement du modèle de jeunesse à l'instar des nouvelles aspirations que celui-ci présente désormais. Une meilleure insertion dans le processus de réformes démocratiques, une place plus prépondérante dans un modèle de démocratie participative, voilà concrètement ce qui fait émerger un nouveau modèle de jeunes plus avertis. Pour ce faire, les deux principales actions, à savoir l'éducation et l'insertion sur le marché du travail restent un préalable. Ce sont à juste titre ces éléments qui pourraient constituer une base au débat national, qui devrait tracer l'avenir des jeunes au Maroc. Le discours royal, combiné aux différents rapports nationaux et internationaux, n'en est pas moins clair. La nécessité de permettre aux jeunes de faire preuve de talent et de compétences, de valoriser leur créativité et de s'épanouir pleinement afin qu'ils puissent remplir les obligations de citoyenneté qui sont les leurs, dans un climat de dignité et d'égalité des chances, témoignent de l'urgence d'une stratégie restée en mode «pause» trop longtemps. Le chantier inachevé de Belkhayat Si l'ancien ministre de la Jeunesse et des sports avait mis le turbo sur la mise à niveau des activités et infrastructures sportives du pays, la problématique de la jeunesse à proprement parler n'avait à la fin de son mandat fait l'objet que de projections. Sur ce volet précis Moncef Belkhayat avait annoncé la mise à niveau des contenus et des programmes destinés aux jeunes, ainsi que l'infrastructure nécessaire, avec des concepts nouveaux, dix conventions au profit des jeunes, budgétisées à 7 milliards de dirhams sur cinq ans et les grandes lignes de la stratégie nationale intégrée de la jeunesse, en concertation avec l'ensemble des membres du gouvernement, du secteur privé, des partis politiques et de la société civile. Sur ces points, l'ancien ministre concédait juste avant son départ que «malgré les différentes réalisations, un grand travail reste à faire pour atteindre les objectifs de la stratégie du département à l'horizon 2020, visant à faire du Maroc un pays de jeunesse citoyenne épanouie, terre de sport et creuset de champions».