La CGEM est ambitieuse et prend les dossiers à bras le corps pour ces 3 prochaines années. Dans le cadre de la nouvelle présidence, assurée depuis mai dernier par Miriem Bensalah Chaqroun, les dossiers concernant l'emploi et la formation revêtent une ampleur particulière. Alors même que le dialogue social a repris ses quartiers hier, la CGEM compte bien en profiter pour mener à bien ses chantiers stratégiques. Présidée par Jamal Belahrach, lui-même secondé par Hicham Zouanat, la Commission «Emploi et relations sociales» aura comme à son habitude fort à faire. Ambitions compliquées Parmi les priorités fixées par l'équipe figure ainsi la volonté de «faire voter le droit de grève». Rappelons à ce sujet que la nouvelle Constitution garantit dans son préambule le droit à la grève et l'égalité des salariés. Depuis son arrivée à la tête du gouvernement, Abdelilah Benkirane a déjà exprimé sa volonté de faire voter une loi organique sur la réglementation du droit de grève. Modalités, préavis, droits et devoirs de chacun, service minimum en temps de grève, notamment dans le secteur public, droit au travail des non grévistes, sont autant de problématiques qui composent les 51 articles de l'actuel projet de loi organique. Toujours bloqué, ce dernier reste un projet sans cesse renvoyé d'une partie à l'autre. Alors que tout le monde, et en premier chef le gouvernement, souhaitait voir ce projet aboutir d'ici la fin de l'année, il y a désormais fort à parier que les partenaires sociaux et surtout le patronat devront encore patienter au moins jusqu'au premier trimestre 2013. En attendant, le vide juridique continue à mettre en danger la vie des entreprises et la compétitivité du Maroc. En marge de son combat pour une loi organique sur le droit de grève, la Commission «Emploi et relations sociales» espère également progresser sur le volet de l'adaptation du Code du travail à la réalité économique du pays. Autant dire que la tâche s'annonce encore plus compliquée que celle du vote de la loi sur le droit de grève. Retards à rattraper L'autre grand chantier à l'ordre du jour du nouveau mandat de la Commission «Emploi et relations sociales» est l'organisation d'un sommet social auquel tient plus que tout Jamal Belahrach. Maintes fois repoussée, l'organisation de cette initiative, portée par le président de ladite Commission depuis 2011, devrait donc finalement voir le jour pendant ce nouveau mandat. Cette rencontre permettrait ainsi d'ouvrir un débat général et institutionnalisé sur la compétitivité, la lutte contre l'informel, le droit de grève, l'emploi des jeunes ou encore les conventions collectives. L'objectif, à l'issue de ce sommet social, serait ainsi d'aboutir à une convention institutionnelle entre l'Etat, les syndicats et la CGEM, qui fixeraient les chantiers à réaliser, et serait accompagnée d'un agenda précis. De la même façon, le projet de Pacte national pour l'emploi, hérité de la présidence de Mohamed Horani est ressuscité par le nouveau mandat de Jamal Belahrach à la tête de la Commission «Emploi et relations sociales». Rappelons à ce titre qu'en février 2011 (www.lesechos.ma), en plein mouvement populaire, la Confédération patronale avait émis 20 propositions phare pour le développement de l'emploi des jeunes et de l'entrepreneuriat. À l'époque, Jamal Belahrach et son équipe espéraient faire de ces mesures un pacte formel auquel aurait pris part le gouvernement. Néanmoins, depuis lors le projet est resté lettre morte. Si cette année encore le sujet figure parmi les priorités stratégiques de la Commission de la CGEM, l'initiative pourrait néanmoins encore une fois tomber dans les oubliettes. N'oublions pas que l'équipe de Jamal Belahrach doit également faire le suivi du lancement de l'Observatoire de l'emploi et de l'employabilité, annoncé par Abdelouahed Souhail, ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle. Voulu comme un outil scientifique, cet observatoire délivrera à qui de droit, et notamment au gouvernement, les informations permettant d'avoir une meilleure connaissance des potentialités d'emploi. De cette manière, l'institution pourra favoriser l'ajustement de la formation aux besoins du marché de l'emploi et contribuera à l'amélioration, mais surtout à l'accroissement de la capacité nationale dans la conception et la mise en œuvre d'une politique de l'emploi. C'est en collaboration avec le Bureau international du travail (BIT), la CGEM, les syndicats et le Haut-commissariat au Plan (HCP) que doit voir le jour cette nouvelle structure. Si la Commission «Emploi et relations sociales» récupère certains des chantiers non réalisés lors des précédents mandats, il n'empêche qu'elle mise également sur de nouveaux débats, notamment celui de la flexibilisation du travail, et là encore, l'équipe de Jamal Belahrach sera bien occupée lors de son mandat. La liste des priorités de la nouvelle «Commission Emploi et relations sociales» couvre bon nombre de problématiques et promet des négociations à la fois riches en rebondissements et espérons-le en avancées. Les CSF remis sur le tapis En ce qui concerne la Commission «Formation professionnelle», les troupes du patronat sont également en ordre de bataille pour mener à bien leur plan d'actions. Bien entendu, la priorité des priorités reste la refonte des mécanismes des Contrats spéciaux de formation (CSF). «Le sujet figure en tête de nos priorités. Nous avons d'ores et déjà déposé une proposition de simplification des procédures devant le secrétariat général du département de la formation qui coordonne la commission tripartite chargée d'améliorer le système. Nous souhaitons ainsi mettre en place un guichet électronique qui permettra à la fois aux entreprises de consulter leurs droits sur leurs remboursements et au trésorier-payeur d'identifier rapidement les entreprises éligibles» explique ainsi Mohamed Slassi Sennou, président de la Commission «Formation professionnelle» à la CGEM. Une telle dématérialisation entre l'entreprise et l'OFPPT devrait ainsi permettre le diagnostic, sans toucher au cadre juridique en vigueur. Validé en interne et déposé le 16 août au département de tutelle, le projet n'attend plus que la validation des pouvoirs publics. «En parallèle, nous avons initié une réflexion à plus longue portée en faveur d'une nouvelle loi sur la formation continue. Nous souhaitons ainsi travailler dans un cadre juridique simplifié» conclut Mohamed Slassi Sennou. Ce dernier aura également fort à faire dans la reformulation du système national des certifications (diplômes) et dans l'élaboration de mécanismes d'amélioration continue de l'employabilité des salariés «par la formation formelle et non formelle dans une perspective de formation tout au long de la vie». Jamal Belahrach, Président de la Commission «Emploi et Relations sociales». « Notre réflexion va au-delà du Pacte national pour l'emploi» Les Echos quotidien : De quelle façon comptez-vous plancher sur l'adaptation du Code du travail ? Jamal Belahrach : De manière globale, la méthode que nous comptons utiliser fait appel au travail de proximité avec les partenaires sociaux. La première étape consistera ainsi à réunir les syndicats dans le cadre d'un dialogue social direct. Il faudra leur expliquer qu'aujourd'hui il y a un enjeu majeur pour la compétitivité de l'entreprise. Soit nous nous mettons d'accord sur la révision du Code du travail, soit le gouvernement prend ses responsabilités et joue le rôle d'arbitre. Où en est le projet de loi organique sur le droit de grève ? Notre texte a été remis aux syndicats et au gouvernement depuis février. Aujourd'hui, il est important de dire que le projet de loi organique doit arriver le plus vite possible. Il faut que chacun assume ses responsabilités. Il en va de l'investissement. Le projet de loi organique est désormais entre les mains du ministère de tutelle. Il s'agit maintenant de travailler tous ensemble. Ce texte doit voir le jour. C'est une question de vie ou de mort pour l'entreprise marocaine. Nous n'avons plus le temps d'avoir le temps. Nous pourrions rêver que le texte soit finalisé et validé avant la fin de l'année, mais je pense qu'il faudra patienter jusqu'à mars 2013. Un tel texte est un message pour les communautés nationale et internationale. Le Pacte national pour l'emploi que vous espérez tant verra-t-il enfin le jour ? Aujourd'hui, notre réflexion va au-delà du Pacte national pour l'emploi. Ce dernier se verra concrétisé par l'organisation du sommet social. Encore une fois, il faut absolument que ce sommet soit mis en place le plus rapidement possible. Aujourd'hui, ce qui bloque, c'est l'acceptation du principe même de ce sommet par les pouvoirs publics. Néanmoins, il nous faut absolument mettre sur table les vrais problèmes. Nous devons à ce propos concevoir une véritable méthodologie de travail pour aboutir à une feuille de route. De la même manière, nous avons déposé en juin au ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle un dossier au sujet du lancement de l'Observatoire de l'emploi et de l'employabilité. Il ne reste plus aux pouvoirs publics que de faire leur part du travail. Quelles sont vos propositions quant à une flexibilité du marché du travail responsable ? Désormais, la question de la flexibilité de l'emploi ne doit plus être un débat, mais une exigence pour la compétitivité de l'entreprise. Il faut absolument revoir le concept des contrats. Moi-même, je planche sur un projet de contrat unique. Toutefois, il faudrait également élaborer un modèle de contrat à temps partiel, inclure la rupture conventionnelle ou encore la formation des chômeurs. Nous allons justement annoncer une feuille de route à ce sujet prochainement. Point de vue Abdelouahed Souhaïl, Ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle. En ce qui concerne les contrats spéciaux de formation, nous avons décidé lors du Conseil de l'OFPPT de mettre en place un petit groupe de travail qui va essayer, en attendant la réforme qui va se faire dans le cadre de la nouvelle stratégie de la formation, d'assouplir le mode opératoire actuel. Je pense que nous pouvons mener les deux choses de manière permanente: essayer d'accélérer le traitement qui se fait de ces contrats, et, dans le cadre cette nouvelle stratégie, nous allons probablement devoir mettre en place un mécanisme qui puisse nous permettre de pousser la formation continue, qui est très importante pour nous. Cette commission interministérielle a déjà commencé à réfléchir sur le sujet.