Qu'est ce qui a changé dans les «nouveaux» cahiers des charges du pôle audiovisuel public ? Voilà une semaine que le Conseil de gouvernement a donné son feu vert aux amendements apportés aux cahiers des charges de la Société nationale de radiodiffusion et télévision (SNRT) et de 2M (re)vus par Mustapha El Khalfi au début de son mandat. Qualifiant les modifications apportées par la commission ministérielle - chapeautée par Nabil Benabdellah - de «pertinentes», le ministre de la Communication est resté très vague quant à la nature précise de ces changements. Ces amendements «consolident les dispositions de la gouvernance, de la transparence, de la compétitivité et du service public». Voilà tout ce que le porte-parole du gouvernement laissera filtrer lors de sa rencontre avec les médias, maintenant ainsi le suspense en attendant que la dernière version des cahiers des charges soit validée par la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) et «officiellement» publiée. Seulement voilà, rien n'échappe à la Toile. Pas plus tard que mercredi 21 août, le cahier des charges de 2M et celui de la SNRT filtrent sur le Net. Alors quel est le verdict ? Les mots/maux de la télé Beaucoup de modifications, essentiellement de formulation et de tournures de phrases. Voilà ce que l'on retiendra à la première lecture de cette «dernière» version des cahiers des charges audiovisuels. En effet, il s'agit globalement plus de précisions que de modifications d'articles à proprement dit. Une observation qui tend à confirmer au passage la rapidité avec laquelle le premier travail de refonte avait été réalisé. C'est d'ailleurs là l'un des principaux reproches pointés du doigt par bon nombre de détracteurs de l'actuel ministre. Néanmoins, il est clair que les changements opérés au niveau de la formulation devraient avoir une répercussion sur les nouvelles «règles du jeu» des chaînes publiques de télévision. Fini la contrainte de «première diffusion» sur les programmes réguliers, par exemple. En effet, bien qu'elles soient toujours contraintes à respecter les consignes de programmation prévues dans les nouvelles feuilles de route, cette version est plus «laxiste» dans la mesure où elle permet à la chaîne de rediffuser certains de ses programmes pour respecter les consignes. Autre reformulation qui apporte tout son sens, les chaînes auront dès le 1er octobre 2012 – date de mise en application - «la possibilité» de faire appel à des moyens de communication plus modernes». Ceci en ce qui concerne les programmes de débats religieux ou éducatifs. Là où la précédente version «obligeait» les chaînes à faire intervenir des spécialistes de (pratiquement) tous les domaines à ces émissions de débats, la commission a également veillé à ce que la formulation soit moins contraignante et plus adaptée à la contrainte technique des chaînes. Voilà donc pour la forme, mais dans le fond, quels sont les changements apportés par la commission ? Une histoire de langue Si l'on comprendra que la commission ait décidé de retenir le nom de «chaîne éducative» pour désigner l'actuelle «Arrabia», on comprendra moins pourquoi la chaîne régionale «Laâyoune-Dakhla» a été rebaptisée «Chaîne régionale Laâyoune»... uniquement. Côté contenu, la commission a par ailleurs agrémenté la liste des programmes prévus sur les chaînes publiques d'émissions économiques, environnementales, jeunes, de divertissement et sociétales, ce qui n'était pas le cas précédemment. Qu'en est-il de la répartition linguistique, de la publicité des jeux de hasard, de l'appel à la prière, des horaires des journaux télévisés (JT), ou encore des interventions «ponctuelles» du chef de gouvernement ? Autant de points qui étaient au cœur de la polémique à la publication des cahiers des charges et constituaient des arguments pour l'opposition propres à démonter le ministre PJDiste, et bien la publicité des jeux de hasard est toujours aussi «prohibée» sur les canaux nationaux, néanmoins les horaires des JT «peuvent» subir quelques modifications, précisent les nouveaux cahiers des charges, «si cela s'avère nécessaire et à condition qu'ils soient diffusés en prime-time» ajoute-t-on. Côté langue, l'arabe, le Hassani et les autres dialectes nationaux sont réduits sur Al Oula à 70% des programmes contre 80% précédemment, tandis que l'amazigh se maintient à 20% contre 30% précédemment. Pas de précision concernant les langues étrangères dont la programmation est cédée au bon jugement de la chaîne. Celles-ci disposent également d'une marge de 5% du quota par langue. Chez 2M, le français représente désormais 20% de la programmation, tandis que l'autre bloc linguistique réunit l'arabe, le Hassani, les dialectes et l'amazigh, à hauteur de 80% des programmes. Pour ce qui est des interventions médiatiques du chef de gouvernement, normalement inclues dans le chapitre de la couverture des activités parlementaires et gouvernementales, la commission a précisé les choses. Les chaînes ont l'obligation de relater les «communiqués de presse» (et non les conférences de presse) «des activités et annonces les plus importantes du gouvernement et ceci à tout moment». La nouvelle chaîne «Familles et Enfants» n'a pas non plus échappé à l'œil de la commission. Prévu à l'origine pour «début 2013», la diffusion de la chaîne (6h par jour d'abord) a été reportée à «mi 2013 . Plus indulgente, la commission préconise également qu'à son démarrage, la chaîne diffusera les programmes majeurs du groupe en matière de sujets «familles et enfants» et quelques productions propres. Budgets croisés à la SNRT «Les émissions éducatives diffusées notamment sur Al Oula seront financées par la chaîne éducative», en l'occurrence Arrabia. «Une production nationale par semaine sera financée par Tamazight après traduction». «La chaîne thématique Tamazight investira dans le budget de la chaîne éducative pour les programmes d'enseignement». «Le budget d'Al Oula financera les programmes de débat économique et social prévus pour Tamazight». En somme, il s'agit bien là d'une optimisation financière des ressources du holding audiovisuel national. S'il y a bien quelque chose que la commission ministérielle a apporté à ces nouveaux cahiers des charges, c'est bien le croisement des budgets. En effet, à la lecture des consignes par chaîne, il apparaît que les budgets des différentes stations seront plutôt répartis par «type de production» que par «grille des programmes». En outre, une émission produite par Al Oula pourra agrémenter la grille de Tamazight de la même manière qu'une fiction prévue en Amazigh et co-produite par la chaîne thématique, pourra être programmée sur une autre chaîne de la holding. Un chassé croisé budgétaire qui s'annonce financièrement acrobatique mais économiquement viable, puisqu'il est désormais question de tabler sur les ressources des chaînes pour alimenter le groupe. Et 2M dans tout cela ?