L'heure est assez grave et truffée de défis pour le chef de gouvernement. Après six mois d'exercice du pouvoir qui a plus consisté en une phase de gestion transitoire, l'heure est venue pour le PJD et le gouvernement de passer aux choses sérieuses. L'euphorie de la victoire étant loin derrière et les prochaines élections locales dans le viseur, le chef de gouvernement n'a plus droit à l'erreur. Fini le temps des promesses et les annonces d'intentions surmédiatisées, les Marocains attendent du changement alors que la situation économique du pays ne s'y prête pas favorablement. En dépit des négations répétitives, le gouvernement a fini par admettre que la situation est assez critique et que si rien n'est fait, le pire des scénarios n'est pas à écarter. Pour le PJD et ses alliés, le défi est d'arriver à mettre en œuvre quelques mesures, les plus lumineuses annoncées parmi celles du début de mandat. Le chef de gouvernement a beau réaffirmer qu'il est élu pour un mandat de cinq ans, il n'ignore pas que les citoyens n'attendront pas les prochaines élections législatives pour se prononcer et sanctionner si nécessité il y a. Surtout que les occasions ne manquent pas. Pour le moment, le nouvel exécutif a pu surfer sur la vague d'un délai de grâce prolongé, au cours duquel l'actif du gouvernement a été somme toute assez maigre, s'il est comparé à l'espoir suscité au lendemain de sa prise de fonction. C'est principalement au niveau des réformes politiques que le gouvernement a accusé le plus grand retard. La preuve, a-peu-près 5 lois organiques sur la vingtaine prévue par la Constitution ont été à ce jour adoptées comme l'a souligné le président de la Chambre des représentants, Karim Ghellab, à l'occasion de la présentation du bilan de la session parlementaire du printemps, qui vient de tirer son rideau en début de semaine. Tant sur le plan économique que politique, les résultats semblent bien assez maigres même si le gouvernement Benkirane a su préserver, en tout cas jusqu'à l'heure actuelle, le capital confiance de la destination Maroc. Le prochain défi sera donc de capitaliser sur ces acquis pour rétablir l'économie nationale et s'attaquer au lourd défi du développement et de la croissance durable et productive, c'est-à-dire créatrice d'emplois et de valeur ajoutée. Mission possible Le mois sacré du ramadan a été un véritable test assez riche en événements politiques et économiques. Les partis politiques, les cercles économiques et la société civile se sont, chacun de leur côté, tenus au chevet du navire «Maroc». S'il y a un consensus qui s'est largement dégagé des différentes rencontres organisées çà et là sur l'économie nationale et les réformes politiques, c'est évidemment l'état de la situation économique du pays, qui préoccupe. Alors que s'annonce une rentrée chargée de lourds enjeux, les conclusions des analystes, confirmées par les indicateurs macro-économiques obligent le gouvernement à sortir d'une gestion quotidienne et à engager de véritables réformes. «La mission est tout à fait possible», a reconnu le gouvernement, ce qui constitue un sérieux avantage pour le Maroc, surtout que les opportunités de croissance subsistent. Il va falloir à présent activer les principaux leviers sur lesquels toutes les analyses se rejoignent. Ce qui suppose, évidemment, la prise de certaines décisions qui risquent de s'avérer impopulaires mais qui détermineront l'issue du mandat de Benkirane. Le gouvernement a jusque-là fait preuve d'écoute et de concertations avec les opérateurs privés, même si l'opposition politique s'indigne de sa non-implication dans la gestion des affaires de l'Etat, comme le prévoit la Constitution. Avec la série de concertations que le gouvernement a annoncée et les prémisses du recadrage de plusieurs politiques publiques mises en œuvre par les précédents gouvernements, le temps des véritables réformes est arrivé. Certaines mesures lancées comme des ballons d'essai ont donné au gouvernement l'occasion de juger de la situation qui prévaut sur le plan social et pour laquelle les Marocains sont encore capables de sacrifices pour le bien du pays. Les réformes attendues sur lesquelles la coalition a largement fait preuve d'adhésion se doivent d'aller jusqu'au bout de leur objectif afin qu'on puisse juger efficacement des retombées des choix stratégiques effectués et envisager des alternatives crédibles. Le Chef de gouvernement et la coalition doivent se rendre à l'évidence, ils ne sont nullement responsables de la situation actuelle dans laquelle végète l'économie du pays et tout n'est pas si noir que ça. «Ils en sont plutôt à imaginer la solution et c'est pour cela que le peuple les a élus», dixit un député de l'opposition. À eux de montrer de quoi ils sont capables ! Lire aussi : Les VERITABLES ennemis de Benkirane Interview de Hicham El Moussaoui, Professeur universitaire et expert économique Dossiers en instance La prochaine rentrée politique s'annonce très surchargée, tant pour le gouvernement que pour le Parlement et la classe politique. Abdelilah Benkirane et son gouvernement sont en train de peaufiner leur agenda législatif, qui servira de base de travail à la poursuite du chantier des réformes politiques. Selon le chef de gouvernement, toute une batterie de textes législatifs prévus par la Constitution, comme la loi organique sur la régionalisation et sur les prochaines élections. À cela s'ajoute la session budgétaire qui débutera en octobre et qui mettra aux prises le gouvernement et le patronat. Outre la loi de Finances 2013 et les mesures de soutien à la relance attendues du gouvernement, les premiers axes de la réforme de la loi organique des Finances, la réforme du secteur bancaire et des marchés financiers sont en instance de validation. Ce qui est sûr, c'est que la rentrée risquera d'être des plus animées et rythmées par les Conseils des ministres et de gouvernement. L'Exécutif a, de toute évidence, pris l'ampleur de la tâche comme en témoigne sa rencontre avec la CGEM et plusieurs partenaires, ce qui convergera à baliser le terrain des concertations. Seule fausse note, les résultats des évaluations et négociations que le gouvernement a annoncé avoir lancées depuis sa prise de fonction, ne sont pas encore rendus publics et rien ne filtre de ce côté. Les résultats de la commission du dialogue social et ceux des deux commissions ad' hoc créées sur l'initiative du chef de gouvernement, l'une sur l'amélioration du climat des affaires et l'autre sur l'équation complexe du chômage des jeunes, sont très attendus. Mehdi Bensaid, Député PAM Les Echos quotidien : La session parlementaire vient de s'achever sur fond de polémiques sur la situation économique du pays après six mois d'exercice pour le nouveau gouvernement. Quel bilan tirez-vous concrètement de cette période ? Mehdi Bensaïd : Le bilan que je tire de mon expérience de jeune et nouveau député et depuis l'installation de ce Parlement et du nouveau gouvernement, c'est que nous avons plus assisté à un débat de personne qu'à un véritable débat d'idées et de projet de société. Ceci est regrettable au vu de l'esprit de la Constitution que le peuple marocain a adoptée, particulièrement sur les questions économiques, le gouvernement a fait preuve d'un véritable manque de stratégie. C'est ce qui apparaît à travers la dernière sortie du chef de gouvernement au niveau de la Chambre des représentants, où il n'a fait que reprendre l'exposé déjà fait par le ministre de l'Economie et des finances devant la Commission des finances. Or le but de ces séances prévues par la Constitution est de débattre des politiques publiques du gouvernement, pas seulement de la vision d'un seul ministère. Pourtant même s'il a reconnu les difficultés du moment et les effets de la crise, le chef de gouvernement s'est voulu plus rassurant que ses ministres. Quelles interprétations faites-vous de cette situation ? C'est justement là le problème. Au lieu de reconnaître l'état critique de la situation et de proposer des solutions dont nous allons débattre, le chef de gouvernement initie un débat de personnes. Le gouvernement se trompe d'ennemi et pense pouvoir se passer de l'opposition, parce que pour lui quand vous n'êtes pas avec lui c'est que vous êtes contre le gouvernement. C'est pourtant notre rôle de critiquer et de débattre des propositions du gouvernement pour sortir le Maroc de cette situation, à travers une vision à long terme au lieu de cette gestion au quotidien à laquelle nous assistons. Justement le gouvernement se défend d'être le responsable de cette situation. Est-ce que l'opposition dispose de propositions alternatives au cas où le gouvernement n'arrive pas à relever le défi de rétablir l'économie nationale ? Il nous faut pour cela prendre connaissance des propositions du gouvernement. Pour l'heure, il serait prématuré de faire des propositions puisque nous ne disposons d'aucune référence sur le programme du gouvernement. Ce qui est sûr, c'est que nous allons proposer les amendements que nous jugerons nécessaires, comme nous l'avions fait avec l'actuelle loi de Finances. Cependant, il faut souligner que nous ne sommes pas en train de soutenir que le gouvernement est responsable de la situation actuelle. Le problème ne vient pas d'eux, mais plutôt du gouvernement qui est aujourd'hui la solution. C'est pour cela que le gouvernement a été élu, comme ce qui se passe un peu partout dans le monde actuellement, avec des gouvernements que l'on change pour apporter des solutions de sortie de crise.