Décidément, Benkirane n'est pas encore au bout de ses peines. La constitution de son cabinet n'est que le préambule à une étape décisive pour la suite de son mandat, celle de la déclaration de politique générale du gouvernement (DPG). C'est en effet au sortir de la présentation de cette dernière au Parlement et de sa validation par ce dernier que le nouveau gouvernement sera officiellement investi et pourra vaquer à ses occupations. C'est une échéance très attendue, non seulement par l'opinion publique, mais également par l'opposition, qui se prépare déjà aux débats au sein de l'hémicycle, lesquels s'annoncent houleux. Il y a là de quoi accentuer la pression sur le gouvernement, qui bien que conforté par sa majorité au Parlement, aura des soucis à se faire lors des discussions au niveau de l'hémicycle. Plus qu'une simple déclaration sur les orientations stratégiques du mandat qui commence, la DPG sonne comme le rendez-vous par excellence de la confrontation entre la majorité et l'opposition. Un remix de la campagne électorale, au cours duquel le gouvernement devra défendre son programme, avec le soutien de sa majorité, et l'opposition se chargera d'en mettre à nu les failles. C'est là que les choses se compliqueront sérieusement pour le cabinet Benkirane. Une semaine pour affiner une feuille de route Encouragé par sa large victoire aux dernières élections, le PJD s'est engagé sur des promesses ambitieuses, voire utopiques, pour certaines. Il va cependant devoir composer avec les programmes des autres partis membres de la coalition gouvernementale, ce qui est de nature à diluer certaines de ses promesses électorales. La DPG sera-t-elle à la hauteur des attentes des citoyens marocains ? C'est une question à laquelle le PJD, en sa qualité de leader de la majorité, aura à cœur de répondre, lors de son passage devant les deux Chambres du Parlement, qui seront réunies pour la circonstance. C'est la raison pour laquelle, d'ailleurs, dès sa nomination et parallèlement aux négociations sur la composition du gouvernement, une commission composée de deux représentants par parti membre de la majorité a été mise en place, avec pour mission, de faire converger les programmes des 4 formations en vue de baliser les grandes lignes de la DPG. Il y a maintenant une semaine, la commission a rendu sa copie, laquelle a servi de base au premier Conseil de gouvernement, tenu jeudi dernier. Cette proposition sera certainement amendée par les nouveaux ministres, fraîchement installés. Ceux-ci ne disposeront donc que d'une semaine pour soumettre les grands axes de la politique qu'ils entendent mener au cours de leur mandat. La DPG, selon les déclarations du chef de gouvernement, sera en effet finalisée avant jeudi prochain, avant d'être soumise à la validation du Conseil des ministres, le premier du nouveau cabinet, ce qui ouvrira la voie à son dépôt auprès du Parlement. L'opposition attend au tournant Selon le chef de gouvernement, «une commission a été mise sur pied pour préparer la dernière mouture de la déclaration gouvernementale, dont la présidence a été confiée au ministre d'Etat, Abdallah Baha, sur proposition des membres du nouveau cabinet». «Aux grands défis, les grandes réponses !». C'est, en liminaire, le sens qu'entend donner le nouveau gouvernement à ses actions. Selon les dispositions de la première mouture de la DPG, les grands axes de la feuille de route du gouvernement tournent autour de trois points essentiels. «Il s'agit de la réconciliation des citoyens avec l'administration, du renforcement de la culture du dialogue entre les différentes composantes de la société et d'une attention particulière à apporter aux catégories sociales en situation de précarité», soutient-on au niveau de la direction du parti de la lampe. Ces concepts, plutôt vagues, restent à décliner en montants chiffrés et en planning de réalisation prévisionnels pour plus de visibilité et pour en permettre le suivi et le contrôle par les citoyens et leurs représentants au sein du Parlement. Cette opposition est déjà sur le qui vive et n'entend pas faire la moindre concession au gouvernement. «Nous serons là pour alerter l'opinion publique et les citoyens si le PJD recule par rapport à ses engagements électoraux», nous a confié un député de l'opposition. Benkirane est prévenu... «Le gouvernement donnera le ton en 2012»: Mohamed Najib Boulif, Ministre délégué chargé des Affaires générales et de la gouvernance Les Echos quotidien : Le PJD et sa coalition gouvernementale entament leur mandat sur la base de certaines dispositions, déjà balisées par le gouvernement précédent, qui a par exemple, validé la loi de finances. Est-ce à dire que vous allez mettre certains de vos engagements en veilleuse, en ce début de mandat ? Mohamed Najib Boulif : La loi de finances n'est pas encore validée par qui ce soit. Le Parlement dira son dernier mot d'ici fin février, selon notre calendrier prévisionnel. C'est pour cela que nous avons jugé inutile de présenter l'ensemble de notre vision de développement cette année, car la prochaine loi de finances, pour 2013, doit être établie selon les nouvelles règles de la Constitution, ce qui nécessite de préparer et de voter en avant-première la nouvelle loi organique de la loi de finances. Nous pensons que malgré ce qui a été dit précédemment, on ne pourra pas, en 2012 ne pas déjà donner le ton du nouveau gouvernement. C'est pour cela que nous allons apporter certains amendements concernant la «caisse de solidarité», la taxation d'un certain nombre de produits de luxe, l'annonce du début d'un processus de révision fiscale concernant l'IR... Aujourd'hui que votre parti est à la tête du gouvernement, compte-t-il revenir sur certaines de ses propositions émises lorsqu'il était dans l'opposition, comme la question de l'impôt de solidarité ? Certes, on ne vas couper avec notre discours lorsqu'on était dans l'opposition. La seule nuance, c'est que nous sommes quatre partis dans la coalition gouvernementale et il va falloir composer avec cette nouvelle donne. Je pense qu'il y a un consensus sur la nécessité de combattre les grands fléaux comme la corruption, d'augmenter le pouvoir d'achat, de stabiliser le niveau de la dette extérieure et du taux de déficit à des niveaux acceptables, et enfin d'améliorer la compétitivité de l'économie nationale. La conjoncture économique internationale et l'état des finances publiques imposent des actions urgentes pour surmonter cette période de crise et maintenir le taux de croissance. Quelles sont les actions qu'envisagent le PJD et ses alliés pour soutenir la croissance dans un contexte difficile ? Je pense qu'il ne faut pas trop se lamenter sur la situation mondiale. Il est temps que notre économie réagisse positivement aux aléas des marchés. Cela ne peut se réaliser qu'en forgeant une «économie réelle», basée sur une industrie puissante et des services de qualité, capables de concurrencer ce qui se fait dans les pays développés. Nos concitoyens devront descendre «au charbon». En augmentant leur productivité, nos entreprises ne devraient pas chercher les «affaires faciles», mais se lancer de vrais défis de croissance et augmenter leur degré du risque. Quant à l'Etat, il doit être au devant de la scène en ces temps de crise et donner l'exemple en s'orientant vers les investissements productifs...