«Nous voulons un avenir sans rupture». Le constat de Sâad Eddine El Othmani , au lendemain de la victoire du parti de la lampe aux élections du 25 novembre, annonce déjà que son parti est plutôt enclin à conclure une alliance avec la Koutla, qui occupera 117 sièges au sein du futur Parlement. Les diverses orientations des deux alliés potentiels vont dans le sens d'un gouvernement dans lequel le meneur sera le PJD, alors que d'autres portefeuilles seront du ressort de la Koutla. L'une et l'autre partie, de l'avis de plusieurs observateurs, dispose de cadres capables de relever le défi. Néanmoins, là où les avis sont un plus partagés c'est sur la question de l'aptitude «technique» à gérer des départements ministériels et des rouages de l'administration technique. Au sein du parti vainqueur, les têtes de peloton sont connues et les noms de plusieurs profils reviennent de plus en plus, depuis trois jours, comme étant potentiellement «ministrables». Pour autant, le parti de la lampe préfère temporiser et joue la carte de la vigilance. Il n'est ainsi pas question de nommer qui que ce soit sauf dans le cadre protocolaire du processus. Autrement dit, «nous préférons respecter le calendrier et attendre la nomination du président du gouvernement», commente à ce titre El Othmani, le deuxième homme du PJD. Les mêmes précautions étant de mise également pour ce qui est du choix du parti partenaire pour lequel optera la formation menée par Abdelilah Benkirane, même si certains leaders dans ce parti ont déjà un avis tranché sur la question. «De mon avis personnel, la Koutla reste la plus proche», estime ainsi l'un des proches de Benkirane. D'autres dirigeants du PJD pensent d'autre part que la formation des alliances est plus facile actuellement, étant donnée la nouvelle carte politique. «Les partis qui formeront le futur gouvernement seront au nombre de trois, au maximum quatre», révèle un nouveau député du PJD. Dimanche déjà, plusieurs analystes de la scène politique avaient commencé à avancer des noms pouvant relever le défi du gouvernement. Dans le cas de la concrétisation d'une alliance entre la koutla et le PJD, ce sont donc autant de formations qui devront présenter des élites «battantes». Certains autres experts du jeu politique se montrent quelque peu sceptiques à ce titre en soutenant un risque d'échec du PJD notamment à la tête de certains départements. «La conjoncture est difficile, et elle sera encore plus pesante pour un parti dont les profils n'ont quasiment aucune expérience en la matière», estime un homme politique. En termes de logique numérique, il est attendu que le PJD s'adjuge la moitié- sinon plus- des départements ministériels. Cela tout en sachant que certaines déclarations de ce parti ont prévu un gouvernement constitué d'une quinzaine de ministères et du même nombre de secrétariats d'Etat. En tout cas, aujourd'hui, le PJD tient bel et bien les rênes du gouvernement, et en prenant en compte son éventuel alliance avec ses «collègues» de la koutla, il détient tout de même un panel assez intéressant de profils pour la gestion des départements ministériels. A charge pou rle futur chef de gouvernement de savoir composer et négocier pour en dégager le gouvernement le plus fort possible, autrement dit la véritable dream team qui saura relever le défi d'une alternance dans la continuité. Dans le rôle de l'opposition... La position du PPS reste non encore élucidée, et sera probablement le seul point à régler avec les composantes de la Koutla. Le parti du livre dispose en effet de 18 sièges et sa participation au prochain gouvernement est cruciale pour une majorité confortable. Pour sa part, le G-8 dont les 4 partis majeurs totalisent 154 sièges, s'apprête lui aussi à se trouver une place au sein du nouvel échiquier parlementaire. Si le statut de l'opposition sera probablement très coutumier pour le PAM et l'UC qui n'étaient pas au gouvernement, les choses seront différentes pour le RNI et le MP, qui ont eu des sorts différents durant ces élections, avec respectivement 52 et 32 sièges. Les deux formations formeront avec le PAM une opposition qui présidera d'office l'une des commissions parlementaires et qui aura également l'avantage d'exercer un contrôle accru sur l'Exécutif comme cela est nettement indiqué dans la Constitution. Mustapha El Khalfi Le porte-parole du futur gouvernement est l'un des postes que le PJD pourrait bien se réserver. Il serait, de l'avis des observateurs sondés possible d'être attribué à Mustapha Khalfi, directeur de publication du quotidien du PJD et qui a fait campagne. Ce dernier se positionne comme l'un des noms qui pourraient faire partie du prochain gouvernement pour prendre en charge ce portefeuille. Sâad Eddine El Othmani Le président du Conseil national du parti de la lampe et 1e vice-président du Parlement dans le gouvernement sortant a de fortes chances de faire partie de cette équipe gouvernementale. Le psychiatre possède un profil polyvalent qui lui permet d'occuper des postes sociaux au sein du prochain gouvernement. Sans forcément citer de portefeuille précis, Sâad Eddine El Othmani pourra trouver dans plusieurs départements une meilleure consolation, vu que ses chances pour passer devant l'homme fort du PJD, quoique possibles, restent minimes. Au sein du parti de la lampe, l'on soutient que «la priorité aujourd'hui est plutôt de présenter une liste de candidats homogènes et qui reflètent toutes les tendances». Mustapha Ramid Même s'il ne s'est pas présenté aux législatives, l'ancien président de la Commission des droits de l'Homme au sein du Parlement a une très forte expérience politique et de terrain, qui lui permet de prétendre à un poste ministériel. Cet avocat rodé a pu, durant la dernière législature, chapeauter un ensemble de nouvelles lois sur la lutte contre la corruption, le Code pénal et la réforme de la justice, qui lui permettent de se positionner en tant que candidat sérieux pour un poste au gouvernement. De l'avis de quelques observateurs, la casquette de «Monsieur justice», lui conviendrait parfaitement. Mohamed El Moaâtassim L'élu local gracié par le roi est devenu le symbole de la victoire du PJD sur le PAM, durant leurs querelles intestines qui durent depuis 2010. El Moaâtassim est une figure politique qui pèsera dans le choix des futurs ministres du parti, avec toute la charge que cela pourrait avoir concernant la lutte contre la corruption dans le secteur de l'Habitat. Le nouveau député qui s'est présenté dans la ville de Salé, au même titre que Abdelilah Benkirane a de forte chances d'être parmi les nouveaux ministres qui seront proposés par le président du gouvernement une fois nommé. El Habib Echoubanni Le parrain de l'arabisation dans les secteurs de l'enseignement et de l'administration publique pourrait enfin prétendre à un poste de responsabilité qui lui permettra de mettre en application «le dogme» du PJD sur ce volet précis. Certains experts le voient déjà aux commandes de l'épineux dossier du chantier de l'éducation. Cela en sachant que ce volet est à la croisée des chemins avec les nouvelles dispositions concernant les statuts des langues arabe et amazighe dans le cursus pédagogique et la réforme administrative. Le député de la région d'Errachidia a occupé la présidence de la commission des droits de l'Homme au Parlement en 2008, avant de céder la place à Mustapha Ramid. Najib Boulif L'économiste du parti en est à son troisième mandat. Celui qui a longtemps exprimé son opposition au sein de la commission des Finances sous la coupole n'est plus dans l'opposition et doit certainement se préparer à faire partie des noms qui vont avoir des postes-clés au sein du prochain gouvernement. Le secrétaire régional du parti dans la région de Tanger-Tétouan ne doit absolument pas laisser passer sa chance cette fois, avec un profil qui le place au sein d'un département à vocation purement économique. Cela pour dire qu'il sera probablement attendu à la tête de l'Economie et des finances ou prenant la relève de Nizar Baraka pour résoudre l'équation de la compensation. Lahcen Daoudi Le n° 3 du parti a été souvent le porte-parole des demandes sociales au sein de l'opposition, aux côtés de ses qualifications en tant qu'économiste pointu. Le président du groupe parlementaire du parti aura une chance en or de mettre en application ses suggestions qui sont toujours restées lettre morte, avec un profil qui le conduit à occuper un des portefeuilles sociaux. Son statut de leader de la première génération du parti lui permet d'être à la tête des noms qui seront certainement retenus par le président du gouvernement. Abdelaziz Rebbah L'élu du Gharb est aussi un sérieux prétendant au poste de ministre. Sa présence au sein de plusieurs commissions parlementaires lui a permis d'accumuler un savoir-faire managérial nécessaire et en même temps suffisant pour convaincre le futur chargé de la formation du gouvernement. Rebbah présente aussi la deuxième génération du parti, venue des quartiers défavorisés, et qui a pu tracer son chemin en douceur. Bassima Hakkaoui La tête de liste des femmes du parti conserve ses chances intactes pour briguer un poste ministériel longtemps convoité par les femmes du parti: celui de la famille. L'empreinte du PJD sera nettement perceptible en accordant ce portefeuille à la présidente du forum politique des femmes du parti. Rien n'exclut cependant que Hakkaoui ne soit proposée pour d'autres départements dans lesquels le parti cherche absolument à mettre en application son programme. Abdelilah Benkirane Le SG du parti sera certainement le mieux placé parmi les nouveaux élus du parti. Sauf surprise, c'est lui qui devrait être chargé de former le prochain gouvernement, avec des pouvoirs pour la première fois très accrus, notamment la nomination des directeurs des établissements publics et d'autres larges prérogatives qui découlent de la nouvelle Constitution. Jusqu'à présent, le SG du parti est le mieux placé, selon plusieurs membres du parti qui souhaitent que la hiérarchie tracée par les militants du parti soit respectée. Et chez les éventuels alliés... Adil Douiri Et si l'Istiqlal prenait en charge le ministère des Finances ? Certes, pour beaucoup de spécialistes politiques, le PJD devrait s'accaparer les ministères clés du prochain gouvernement. Cependant, le cas des Finances reste assez problématique, surtout pour une partie en manque d'expérience. En même temps, l'Istiqlal semble présenter le profil idéal pour répondre aux défis du ministère des Finances. Rappelons que le prochain argentier du royaume aura un délai relativement très court pour revoir la loi de Finances 2012. Dans ces conditions, Adil Douiri dispose de qualités pour réussir le challenge à la tête de ce département. Mathématicien de formation, et expert des marchés financiers, Douiri est incontestablement en pole position pour devenir le ministre des finances si le PJD décidait de céder ce poste. Karim Ghellab Dans le lot des istiqlaliens, Karim Ghellab revient souvent comme ministre pouvant être reconduit. Le député de Sbata est fortement pressenti dans le prochain gouvernement. S'il a longtemps fait l'objet de critiques de la part des députés PJDistes lors de son mandat à la tête du ministère de l'équipement et du transport, Ghellab demeure un profil lourd pour un portefeuille aussi stratégique. Rappelons à ce titre qu'au-delà de son mandat de ministre, Ghellab connaît assez bien les rouages du secteur public pour avoir pris en charge en 1996 la Direction des Programmes et des Etudes, puis celle des Routes et de la Circulation routière, avant de chapeauter l'ONCF. L'istiqlalien est également l'un des ministres sortants qui affichent un bilan assez positif de leurs départements en réussissant entre autres la réforme du code de la route. Seule entrave de taille face à la reconduction de Ghellab à la tête de l'équipement et du transport, l'istiqlalien a déjà passé deux mandats en charge de ce département et il est rare de voir un ministre se maintenir pour la troisième fois de suite à la tête du même ministère. Yasmina Baddou Longtemps décriée par les organisations non gouvernementales pour ses positions par rapport à certains aspects des droits de la femme et de la famille, le PJD pourrait très bien laisser ce portefeuille à l'un de ses alliés. À ce titre, Yasmina Baddou pourrait peut-être basculer vers le poste de ministre de la famille et de la solidarité, poste qu'elle a déjà occupé dans le gouvernement Jettou. Formée en droit, la ministre sortante de la Santé, reconduite par ailleurs députée de Casa-anfa, pourrait être le calmant du scepticisme de certains face à la montée d'un parti «islamiste» à la tête du gouvernement. Se voir confier le département de la famille pourrait être un grand coup politique du prochain gouvernement. À condition d'éviter les erreurs de la Santé.