La balle est dans le camp de la CGEM. C'est du moins le message que les officiels marocains tentent de faire passer ces derniers jours au patronat. Dans un contexte où l'économie nationale est en train de battre de l'aile, le gouvernement semble aujourd'hui s'en remettre au secteur privé. Mercredi dernier, le chef de gouvernement et son équipe sont allés à la rencontre du bureau de la CGEM. Il n'y avait que du beau monde autour de la table, en l'occurrence le ministre d'Etat, Abdellah Baha et les ministres de l'Economie et des finances, Nizar Baraka, de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Aâmara, de l'Emploi et de la formation professionnelle, Abdelouahed Souhail ainsi que le ministre délégué chargé du Budget, Driss El Azami. En face, on retrouvait Salaheddine Kadmiri, Abdeslam Ahizoune, Saida Lamrani Karim, M'hamed Loultiti et Omar Kabbaj ainsi que le médiateur et l'administrateur de la Confédération, respectivement Jaouad Cheikh Lahlou et Mohamed Al Kettani. C'est dire tout l'enjeu que représentait cette réunion. Il s'agit en effet aujourd'hui pour Benkirane de mettre le patronat dans ses rangs en vue de dépasser le contexte conjoncturel actuel. De l'avis même du chef de gouvernement, «cette rencontre a offert une opportunité de dialogue entre le gouvernement et les membres du bureau de la CGEM et une occasion d'examiner les moyens de promotion de l'entreprise citoyenne et de relance de l'économie nationale dans un contexte mondialisé». Ceci est d'autant plus critique pour le chef de gouvernement qu'il s'agissait de tâter le pouls de la nouvelle présidente du patronat quant au mémorandum d'entente signé à Skhirat sous l'ère de Horani et dont la mise en œuvre effective serait aujourd'hui des plus opportunes. Celui-ci concernait pour rappel l'installation des bases d'une confiance mutuelle et une concertation régulière sur les dossiers économiques, notamment l'emploi, la compétitivité, l'enseignement, la formation professionnelle, la recherche et développement, l'innovation, les nouvelles technologies, la justice, le climat des affaires, la régionalisation, la gouvernance, l'investissement, l'épargne, le financement et le développement durable. Pour certaines sources proches du patronat, il s'agissait lors de la réunion de mercredi de relancer la mise en pratique de ce mémorandum d'entente. C'est d'ailleurs ce qui expliquerait la mobilisation d'autant de monde pour cette réunion représentant plusieurs secteurs. Il est donc clairement question d'une mobilisation du secteur privé pour soutenir l'action du gouvernement et faire face au contexte. Il reste maintenant à savoir si le patronat est prédisposé à apporter au gouvernement le soutien qu'il attend, et surtout à quel prix. À ce questionnement, il faut dire que la présidente de la CGEM n'a jamais caché son ambition d'apporter son soutien à la relance de l'économie. Au lendemain même de sa réception par le souverain, la semaine écoulée, Meriem Bensalah a en effet insisté sur le fait que «La CGEM œuvrera activement pour accompagner l'économie nationale et renouer avec la croissance. Nous ne ménagerons aucun effort pour pouvoir mener à bien notre mission qui est d'accompagner l'économie nationale, de créer de la confiance et de renouer avec la croissance». Notons que dans ce sens, la CGEM et l'Etat ont déjà fait main dans la main avec la création du comité de compétitivité dont l'objectif est de réfléchir aux moyens à même de faire sortir le Maroc de la crise de la balance commerciale, qu'il vit actuellement. Cependant, qu'aura à gagner le patronat en apportant son soutien à la politique économique du gouvernement ? D'emblée, les observateurs renvoient aux enjeux de la prochaine loi de finances. À ce niveau, il y a lieu de souligner que la rencontre Bensalah et Benkirane est intervenue la veille de la présentation par le patronat de ses propositions pour la loi de finances, et on se rappelle que pour la loi de finances 2012, la CGEM a eu droit à des promesses de la part de l'exécutif pour reporter à 2013 les propositions non retenues. Il s'agirait donc pour le gouvernement Benkirane de s'assurer de la mobilisation du patronat en faveur de la sortie de crise avant de décider des concessions à faire dans le cadre de la loi de finances. Ces concessions, elles devraient se faire en faveur du soutien de la croissance et la résorption des incohérences fiscales. Il s'agit notamment de l'imposition des TPE qui doit être simplifiée davantage selon les économistes. De même, depuis son éléction, Meriem Bensalah n'a jamais caché l'intérêt qu'elle portait à l'amélioration du climat des affaires. Au lendemain même de la constitution du bureau de la CGEM, la présidente n'a pas hésité à lancer le message aux autorités en soulignant que 75% des problèmes que vivent les entreprises peuvent être réglés dans le cadre du comité national pour l'environnement des affaires. Sur un autre registre, il semblerait également que pour les deux parties, l'enjeu soit de donner un nouveau souffle aux partenariats publics-privés. Selon des sources au sein du ministère de l'Economie et des finances, «le développement du partenariat public-privé (PPP) figure parmi les priorités du gouvernement afin d'atténuer la pression sur la balance des paiements». Or, pour concrétiser cette ambition, le gouvernement doit avant tout convaincre les opérateurs privés de l'intérêt que cela pourrait représenter. C'est d'ailleurs dans ce sens que l'exécutif a mis dans le circuit la loi régissant les partenariats publics-privés devant contribuer à l'amélioration du climat de confiance entre les deux parties. Point de vue Meriem Bensalah Chaqroun, Présidente de la CGEM. Nous avons tenu une première réunion avec le chef de gouvernement et quelques membres de son équipe. Nous avons choisi d'organiser pour la première fois une rencontre avec les membres du bureau de la CGEM. Auparavant, c'était plus une logique de rencontre «one to one» entre le président de la CGEM et le chef de gouvernement. L'enjeu était donc de pouvoir, via cette approche, rapidement dresser une feuille de route pour entamer le travail. Bien sûr, la question centrale qui se pose aujourd'hui est celle de comment gérer cette période transitoire ? Oui, ce n'est qu'une période transitoire et non une fatalité. Il y a des opportunités à saisir en améliorant le climat des affaires et en libérant l'initiative privée, ainsi qu'en réformant la fiscalité.