Peut-on doper le taux de participation aux prochaines élections législatives en recourant au vote obligatoire ? Le débat sur cette question vient d'être remis au goût du jour. Les conditions ne sont pas réunies pour imposer cette disposition, de l'avis de nombre d'acteurs politiques. L'augmentation du taux de participation aux élections est l'un des défis majeurs pour les prochaines élections. Il reste par ailleurs la grande inconnue pour les législatives de 2021. On craint de faire pire que les élections de 2016 qui ont été marquées par un taux d'abstention de 57% des électeurs inscrits. En 2015, plus de 46% des électeurs inscrits sur les listes électorales ont boudé les élections communales et régionales. En 2011, le taux d'abstention était de près de 55%. En 2007, ce taux frôlait les 63%. La faiblesse du taux de participation remet en cause la légitimité des acteurs politiques qui dirigent les affaires publiques. L'instauration du vote obligatoire pourrait-elle être un remède contre la faiblesse du taux de participation aux élections ? La question vient d'être remise au goût du jour. Mohamed Aujjar, membre du bureau politique du Rassemblement national des indépendants (RNI) et ancien ministre de la Justice s'exprime en faveur de la mise en place de ce type de vote en vigueur sous d'autres cieux. L'augmentation du taux de participation permettrait, selon lui, d'avoir un échiquier politique normal et de dégager une nouvelle carte électorale qui refléterait le poids réel de chaque formation partisane. Cet avis n'est visiblement pas partagé au sein de la classe politique. Même chez l'USFP dont le chef de file Driss Lachgar, a défendu, au cours des dernières années, le recours à cette disposition, plusieurs voix sont contre cette démarche estimant que «dans les pays où le vote est obligatoire, les conditions sont réunies et l'atmosphère politique est totalement saine». Le groupe parlementaire de l'USFP et celui du parti de l'Istiqlal, rappelons-le, avaient présenté en 2015 une proposition de loi pour instaurer le vote obligatoire. Or, depuis cette date, de l'eau a coulé sous les ponts. Aujourd'hui, la nouvelle direction du parti de la balance a un avis tranché sur la question : le vote obligatoire est catégoriquement rejeté pour plusieurs raisons dont le refus de la logique de la contrainte qui ne permettra pas de réhabiliter la politique auprès des citoyens. Même son de cloche auprès du secrétaire général du Parti authenticité et modernité. Abdellatif Ouahbi souligne aux Inspirations ECO qu'au nom de la liberté individuelle, le choix de ne pas aller voter constitue une position politique et que l'on ne peut pas construire une carte électorale sur la base de la contrainte. L'augmentation du taux de participation est un enjeu de taille mais le fait d'imposer des amendes aux abstentionnistes ne fera que creuser davantage le fossé entre les citoyens et la sphère politique. Tout porte à croire que l'instauration du vote obligatoire qui est soulevée à la veille de chaque rendez-vous électoral au Maroc ne sera pas plébiscitée par la majorité des acteurs politiques. Il faut dire aussi que même la faisabilité de cette mesure reste compliquée. La difficulté se posera en effet au niveau de la poursuite des personnes qui ne respectent pas l'obligation de se présenter au bureau de vote. L'application des sanctions contre les abstentionnistes exigerait un énorme effort de la Justice. Or, les tribunaux marocains sont déjà très encombrés et même dans les pays où le vote est obligatoire, les sanctions ne sont pas appliquées. L'augmentation de la participation aux élections passe par un préalable important, de l'avis des acteurs politiques et des observateurs, la restauration de la confiance dans l'action politique et la gestion de la chose publique. En effet, l'abstention n'est autre que le symptôme d'une crise de la démocratie représentative due à une crise sans précédent de confiance. Le redressement de la situation s'impose car personne ne peut renier que les partis politiques ont un rôle important à jouer et sont des rouages vitaux pour exercer la démocratie. La concrétisation de cet objectif passe par l'organisation d'un débat national sur l'instauration d'un nouveau modèle politique, lequel est on ne peut plus déterminant dans la définition des choix sociaux et économiques et leur mise en œuvre. Par ailleurs, certains acteurs politiques plaident plutôt pour l'obligation de l'inscription sur les listes électorales à l'instar de ce qui est fait dans d'autres pays. À cet égard, il y a lieu de préciser que si le taux d'inscription est élevé, le taux d'abstention risque aussi d'être très élevé si rien n'est fait pour mobiliser les électeurs. À l'heure actuelle, un grand écart existe entre le nombre des électeurs en âge de voter et celui des inscrits sur les listes électorales. En 2016, le nombre des inscrits aux listes électorales étaient environ de l'ordre de 16 millions alors que la population éligible au vote dépassait les 20 millions. Nombreux sont ceux qui appellent à opter pour l'enregistrement automatique des électeurs sur la base du registre de la carte d'identité nationale. Cette requête a été auparavant rejetée par le ministère de l'Intérieur car plusieurs personnes n'ont pas droit au vote. L'on s'attend à des discussions animées autour de ce sujet lors des discussions de la réforme des lois électorales. Jihane Gattioui