Hier, en parcourant les journaux -un parcours bien caillouteux- j'ai été interpellé par un titre pour le moins accrocheur : «Les élites doivent s'impliquer dans la vie politique». Je ne fais ni une ni deux, je me jette sur l'article en question et le dévore en quelques secondes, à la recherche d'une quelconque recette magique pour faire sortir de leur peur et de leur torpeur, nos si chères élites. Rien ! Pourtant, les propos retranscrits ne sont pas de n'importe qui. Elles sont d'une grande dame du monde de l'économie, récemment attirée par le monde politique où elle est entrée par la porte de gauche, ce qui n'est pas d'ailleurs pour me déplaire. Je ne la connais pas beaucoup, personnellement. Je l'ai rencontrée deux ou trois fois, j'ai échangé quatre ou cinq mots une fois avec elle, et puis, c'est tout. En plus, je la trouve plutôt sympa. C'est pour vous dire que je n'ai que des préjugés favorables. Mais, là, je ne vous cache pas, j'ai été déçu. En vérité, quand je parlais tantôt de «recette miracle», c'était, bien entendu, pour plaisanter. Je connais bien les «élites» de mon pays, ou, plutôt, pour être plus juste, je pense bien les connaître car, vous savez, on ne connaît jamais assez les gens qu'on croit connaître. Et ceux-là sont encore plus difficiles à explorer. Pourtant, par la force des choses et du temps, je les côtoie depuis... tout le temps. Du moins, si on parle des mêmes. En effet, on devrait poser cette question existentielle. Y a-t-il UNE élite ou PLUSIEURS élites? Mais, d'abord, posons la vraie question : c'est quoi une élite ? Heu.... SOS, Dr Google ! Je n'ai que l'embarras du choix. Je vous livre ça, en vrac : «Elite vient du latin eligere, choisir, trier, élire» (tiens, tiens !). «L'élite est l'ensemble des individus considérés comme les meilleurs, les plus dignes d'être choisis, les plus remarquables par leurs qualités». Ca devient un peu plus clair. «Exemple : une troupe d'élite, un tireur d'élite, l'élite intellectuelle». De mieux en mieux ! «L'élite est une minorité qui se distingue du groupe auquel elle appartient et à laquelle on reconnaît une supériorité, une autorité morale». Morale ? Vous avez dit morale ? Et, j'ai laissé le meilleur pour la fin : «Le mot -élites-, au pluriel, est utilisé avec une connotation négative lorsque l'accent est mis sur la domination d'une catégorie sociale sur les autres». Moi, franchement, avec ça, j'ai tout ce qu'il faut. Je me souviens, il y a quelques années, j'ai publié un papier que j'avais vicieusement titré : «Elite au pays des merveilles». Je n'y étais pas allé avec le dos de la plume, ce qui m'a valu un tollé de protestation... silencieuse. Parce que, voyez-vous, nos élites à nous, ça parle beaucoup, mais ça ne se défend jamais. À mon avis, elles doivent sûrement avoir des choses à se reprocher. Et quand je lis ce que dit notre sympathique néo-socialiste («Les élites ont un rôle primordial : elles doivent encadrer les masses»), j'ai envie de lui répliquer que les «masses» sont si loin de leurs «élites», qu'il y a peu de risque qu'elles se rencontrent un jour...