Il est fatigué, Imad Kotbi. Et pour cause : l'animateur star de Casa FM avec son fameux « Kotbi Show » vient de battre un record, entouré de son habituelle bande de complices. En compagnie de Zineb, Mehdi et Skipper, ils ont tenu cinquante heures à l'antenne, sans filet, sans rien de préenregistré. C'est plus que ce qu'ont fait, au cours de l'année dernière, les deux ennemis jurés des ondes françaises, Cauet et Arthur, qui ont respectivement assuré 35 et 33 heures d'antenne. Un exploit qui vaudra sans doute à Imad et à Casa FM une homologation au Livre Guinness des records, dont ils ont scrupuleusement suivi les consignes. S'ils ont glorieusement mené à terme leur challenge, ils ont néanmoins fini ces cinquante heures d'antenne sur les rotules… Imad s'est fait un plaisir de nous raconter quelques petits couacs, survenus en direct : lapsus, crises de transe, réactions à retardement, gros coups de barre … Tout y passe. L. G. M. : Tu as l'air bien fatigué… Imad Kotbi : Trèèèèèèèèèèèèès fatigué. Pourquoi ? Ben, j'ai dû tenir le coup pendant cinquante heures. On l'a fait pour le Maroc. Pour le Maroc ? Franchement, quelle en est la plus-value, le truc utile, en quoi as-tu apporté quelque chose de plus à la société ? À la base, le record était français. Pourquoi ces Français, Arthur et Cauet, ont été capables de tenir 33 heures et 35 heures et pas nous ? Nous sommes toujours des fainéants, ou quoi ? En tout cas, maintenant, nous les avons dépassés. Et nous avons prouvé à tout le monde que nous pouvons même faire dix-sept heures de plus que les Français. Mais quel en est l'intérêt ? Ben, c'est de pulvériser le record, d'entrer dans le Guinness Book et bien évidemment, de faire connaître notre station, pas à l'échelle nationale, mais à une échelle internationale. Comment se passe l'homologation au Guinness Book ? Je t'explique. On n'a pas le droit de passer de chansons enregistrées. Tout doit se passer en live, les chanteurs doivent chanter en direct. En fait, nous avions un cahier des charges que nous devions respecter : il fallait parler sans interruption pendant cinquante heures, c'est tout. Même si je disais n'importe quoi, ça passait, il suffit d'ouvrir la bouche, de dire : «heu ha heu haaaa, ooo aaaa iiii bééé bé». Et nous devions rester là jusqu'à la dernière minute. C'est aussi la raison pour laquelle nous avons invité près de 70 personnes, qui ont défilé dans le studio, qui ont chanté leur chanson en direct, répondu à nos interviews… Cinquante heures d'antenne non stop ! Ouais, ouais. Et même manger, on l'a fait en direct. Et pipi ? C'était en direct. Et caca ? Aussi en direct. Caca en direct !!? Les gens ne le savaient pas ! Voilà, j'avais mon micro baladeur, et j'allais avec ça aux toilettes. Bon, ceci dit, peut-être que les auditeurs ont entendu un petit peu d'écho, mais bon… Mais je n'ai pas fait caca, je tiens à le dire. Combien de fois es-tu allé aux toilettes avec ton micro-baladeur ? Sincèrement, j'ai fait pipi deux fois. C'est tout. Pour le reste, j'étais constipé. (Il éclate de rire). Voilà, je suis allé deux fois aux toilettes et de temps en temps pour aller me laver le visage. Bon. Et donc le Guinness… C'est la presse qui fera foi de ce record. Donc ils nous ont demandé des articles de dix titres de presse différents, tous issus de la presse marocaine francophone. Un huissier de justice est venu, pour valider le DVD que nous avons enregistré, celui de cinquante heures de studio, qui va sortir le 1er février. Et nous devons également présenter un enregistrement du JT qui parle du record, que ce soit de 2M ou de la RTM. Et nous allons envoyer, bien sûr, les DVD que nous avons enregistrés. Mais la presse va en parler ou pas ? Nous, c'est pratique, parce que nous faisons partie du même groupe… Exactement, on a déjà trois titres qui vont parler de ce record ! C'est bien ! Donc il n'en manque plus que sept ! Nous attendons toujours les retombées médiatiques dans la presse nationale. Parce qu'il y en a qui n'ont pas réagi. Qui ? Je veux des noms ? Ben, je ne sais pas, moi, même deux jours après, je n'ai rien vu sur Le Matin, par exemple. Mais demain, par exemple, on va faire une interview avec Al Arabia. On a fait aussi une interview avec Al Ikhbaria, qui est un journal de l'Arabie Saoudite. Il y a donc eu des retombées médiatiques à l'étranger. Oui. Mais au Maroc, jusqu'à la dernière minute, on a attendu une réaction de la part des télés marocaines. Finalement, le jour J, on m'a annoncé que la RTM et 2M allaient venir, peut-être parce que nous venions de leur annoncer que le porte-parole du gouvernement, M. Nabil Benabdellah, allait se trouver dans les studios. C'est lui qui a donné le coup d'envoi. Ah, donc c'était carrément officiel, ce truc là. Ben oui. Il y avait aussi le gouverneur de Casablanca, Mouad Jamaï, qui est secrétaire général de la wilaya, et il y a eu, parmi les invités, beaucoup de personnalités. Que tu as interviewées. Absolument. Et qu'est-ce qu'ils t'ont dit ? Ben, on est sorti du cadre officiel. Par exemple, avec le ministre de la Communication, on a parlé de cravates, de costumes… Il est très élégant. Oui, voilà. J'ai voulu savoir combien il avait de costumes, de cravates, pour devenir un «PPS», un «Porte-Parole Sympa». Comment t'es-tu senti, pendant ces cinquante heures ? Y a pas eu des moments où tu as faibli ? L'impression de raconter n'importe quoi ? C'est vrai, il y a eu des flottements, des coups de barre. Parfois, nous n'avions plus le sens de la répartie. A un moment, quand j'ai interviewé des artistes, je ne comprenais ce qu'ils avaient dit que vingt secondes après. En fait, tu réagissais à retardement. Ouais. J'avais un retardateur dans la tête. C'était assez difficile, surtout vers la fin, j'ai eu un petit problème de gorge : à chaque fois que j'annonçais un truc, même quand je disais «a», c'était comme si j'avais un couteau dans la gorge. Mais j'étais motivé : il y a des gens qui sont restés avec nous pendant cinquante heures, dans le studio. Quand je sortais pour aller me rafraîchir le visage, je trouvais des gens allongés dans des canapés… Des familles, avec leurs enfants, sont venus nous voir, ils nous ont ramené de la bouffe … Tout le monde nous disait «allez-y ! c'est le Maroc !» Il y avait des drapeaux marocains … C'était extraordinaire ! S'il n'y avait pas eu l'intervention de certaines personnes, on aurait pu encore rester jusqu'au soir. Certaines personnes ? Oui, comme Khalid Nizar (le chef d'antenne de Casa FM, ndlr), ou comme le directeur général, Kamal Lahlou. Ils nous ont dit : «c'est bon, arrêtez…». Parce qu'à la fin, ce n'était plus le Kotbi Show, c'était le Zombie Show. Parce qu'à un certain moment… heu… (Il hésite longuement). Attends, qu'est-ce que je voulais dire ? Ouais. On est passé à un état de transe. Donc tu t'es mis à animer en état de transe, comme les gnawas ? A un certain moment, oui. Parfois, on perdait même nos mots. Je prends le cas d'un chroniqueur qui est avec moi, Mehdi, on lui a posé une question sur «el bettana dial el haouli» (la toison du mouton, ndlr) et lui, vous savez ce qu'il nous répondait? «El btata dial haouli» (la pomme de terre du mouton, ndlr). Et il le confirmait : «oui, oui, l'btata». Franchement, c'est lui qui est devenu une «batata» ! (Rires). En ce qui me concerne, parfois, on me posait des questions à droite, et moi, je répondais carrément à gauche. à un moment, j'ai fait un mix des sponsors : dans ma bouche, c'est devenu «Méditorola», pour Méditel et Motorola. C'est grave. Faut le faire, oui. Et puis, le 31 décembre, le jour de l'Aïd, on a égorgé notre propre mouton, en direct, dans la cour. J'y suis allé avec mon micro-baladeur. J'ai voulu interviewer le mouton, mais il n'a pas voulu parler. Il a refusé de donner son dernier mot. Oui, voilà. Qu'est-ce que tu as fait quand tu es rentré chez toi ? Quand j'ai terminé, il y avait les caméras de la maison de production qui prépare le DVD, qui nous suivaient, pour recueillir nos impressions. Je suis rentré chez moi, et à un certain moment, à minuit, j'ai entendu des cris de partout, dans la rue. Comme je ne comprenais pas ce qui se passait, j'ai posé la question autour de moi et on m'a dit : «oui, c'est la fin de l'année». Il était minuit, on était le 31 décembre, et moi, je ne le savais pas … Franchement, entre nous, je m'assois, et je cause, je cause, je cause, jusqu'à plus soif, c'est d'un intérêt limité, quand même, avoue… Attends, c'est un record mondial ! C'est comme si on prenait El Guerrouj, qui a ramené un record mondial dans l'athlétisme ! Moi, je me suis dit : «tiens, il y a la libéralisation des ondes, il faut quand même faire quelque chose pour la radio, pour se démarquer…» En fait, tu l'as fait dans le cadre de la libéralisation des ondes. Entre autres, c'était l'occasion. Et puis, c'était aussi pour ramener un record, parce que les gens des médias, jusqu'à présent, n'ont pas de record, que ce soit en télé ou en radio. Donc je me suis dis : «tiens, on va ramener un record pour la presse, pour les médias, pour la télé…» Ça te fait quel effet d'être un recordman, maintenant ? Pour l'instant, je ne le suis pas encore. J'attends les retombées médiatiques. Pour le moment, je ne le réalise pas, vu que je suis un petit peu malade. (Il tousse). Je voudrais aussi signaler qu'il y a trois jours, on a reçu les félicitations de Thierry Ardisson. Ça fait plaisir. Ah ouais… Et comment il l'a su ? Via le JT de 2M. Thierry Ardisson a regardé le JT de 2M ? Il est courageux. (Il rit). Audacieux, même ! (Il tousse). Stéphane, qui est notre correspondant sur Marrakech, avait rencontré Arthur, auparavant, il lui a parlé de ce record, et il est venu nous transmettre un message de sa part. Arthur nous souhaitait bon courage, il était étonné que quelqu'un pense toujours à ce record détenu par lui. Surtout au Maroc. Pourquoi était-il étonné ? Je ne sais pas. Sachant qu'il est marocain aussi… Il est bizarre, cet Arthur … Ouais, il est bizarre. (Il se mouche avec un bruit de trompette). Tu as l'air bien crevé. Ouais. Snif. Ça, c'est mon dernier mot. Attends, attends. Le dernier mot de tes cinquante heures, c'était quoi ? C'était … Heu… Attends, je ne me rappelle plus. (Long silence). T'as quand même gardé quelques séquelles de cet exploit, non ? Ah, le dernier mot… Oui, oui, c'était « Al hamdu lillah ». Bon, je dois partir à Derb Ghallef pour me flasher, j'ai besoin d'une petite mise à jour. Et après, on a mis « We are the champion ». Et tonton Kamal, qu'est-ce qu'il vous a dit quand vous êtes sortis du studio ? Ben, il était fier de nous. Il nous a dit qu'on est des vrais soldats, que le Maroc est fier de nous. Et puis il nous a donné des primes. Hi, hi, hi. Le noyau dur, c'était combien de personnes ? Le Kotbi Show, c'est quatre personnes. Il y a trois chroniqueurs et moi-même. Leurs noms c'est Zineb, Mehdi et Skipper. Zineb a tenu les cinquante heures, Mehdi est parti à la 49e heure et 15 minutes, et Skipper est parti à la 48e minute. Ah, ça c'est con. Non, à la 48e heure. Voilà. Mais c'est bête de partir à la 48e et à la 49e heure. Oui, mais safi, ils étaient pfiuuuuu… Ils s'étaient mis en orbite. Voilà. Et toi, tu as dormi combien de temps, après cet exploit ? Normalement. Je me suis endormi à deux heures du matin, et je me suis réveillé à onze heures du matin. Tranquille. Ouais. Normal. Ceci dit, je n'ai pas encore retrouvé mon cycle normal, (il rit), donc je vais attendre encore une semaine… Mais le lendemain, lundi, on a fait une émission. On a fait le record dimanche, et lundi soir, on était à nouveau à l'antenne. Mardi, pareil. Mais mercredi, on ne pouvait pas. J'ai ressenti de la fatigue physique. C'est de la folie. Tu t'offres comme ça à la radio… A fond. J'aime ce que je fais. C'est une drogue, pour moi. Si c'était à refaire, ce serait avec grand plaisir. On a bien clôturé 2006, et on a démarré l'année avec un record mondial. Et si c'était à refaire, tu reprendrais l'antenne le lendemain comme tu l'as fait cette fois-ci ? (Faussement naïf) Oui. Mais tu es une tête brûlée ! (L'air encore plus naïf) Oui.