C'est à une véritable opération de séduction et de conquête d'investisseurs à laquelle le Maroc s'est livré en terre chinoise, le temps du Forum sino-africain qui vient de se tenir à Pékin. Pour l'occasion, deux membres du gouvernement avaient fait le déplacement pour porter la voie du Maroc, galvanisé par son nouvel atout géopolitique et porté par un appétit sans précédent pour les Investissements directs à l'étranger, (IDE) à un moment où les traditionnels pourvoyeurs de fonds européens sont dans le rouge. Il s'agit du ministre des affaires étrangères et de la coopération, Saad Eddine El Othmani, et de son homologue de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, Abdelkader Aâmara. Lors de leur séjour en empire du milieu, El Othmani et Aâmara se sont livrés à une intense activité de marketing stratégique pour la destination Maroc. Un regain d'intérêt qui laisse présager, enfin, une nouvelle dynamique des échanges commerciaux entre le royaume et la Chine. Rabat va-t-elle enfin opérer un changement d'option et se laisser emporter par les sirènes des IDE colossaux qu'a déversés la Chine sur le continent Africain sur la dernière décennie ? Le signal envoyé par les autorités des deux pays le présagent à tous points de vue, car en dépit de la densification des investissements chinois en Afrique, qui ont atteint quelque 166 MM USD en 2011, le Maroc constitue à ce jour, l'un des rares pays de la région à n'avoir pas succombé à «la tentation chinoise». C'est, d'ailleurs, la première lecture que laissent entendre les déclarations du ministre Aâmara au sortir de sa rencontre avec son homologue chinois, Chen Deming. «Il s'agit maintenant de concrétiser sur le terrain nombre de projets convenus lors des dernières visites, relatifs notamment aux investissements chinois au Maroc». Pour donner suite à la volonté affichée de part et d'autre d'intensifier les relations bilatérales et principalement les échanges commerciaux, le Maroc et la Chine ont signé un mémorandum d'entente établissant un mécanisme de coopération bilatérale dans le domaine des mesures de défense commerciale. Il s'agit dans les faits, d'un mécanisme destiné «à établir des consultations entre les deux parties concernant les questions liées aux enquêtes de défense commerciale en vue de favoriser un traitement équitable en matière de commerce, en faisant prévaloir un règlement à l'amiable des différentes questions», a indiqué le ministre Abdelkader Aâmara. Pour ce faire, les deux pays seront tenus de notifier mutuellement les décisions relatives aux enquêtes ouvertes et toute mesure y afférente avant leur publication, selon une démarche qui ne soit pas incompatible avec les règles de l'OMC et des législations nationales en la matière, a ajouté le ministre. L'accord qui prévoit également la mise en place d'un cadre ouvrant la voie à la promotion de la coopération technique entre le Maroc et la Chine dans le domaine de la défense commerciale, est en réalité un outil assez précieux pour les deux pays et en particulier pour le Maroc qui pourrait dissiper les inquiétudes sur d'éventuelles pratiques déloyales et anticoncurrentielles qui auraient désavantagé le royaume face au géant Chinois, deuxième puissance économique mondiale à l'heure actuelle et dont le modèle de croissance économique sur la dernière décennie a été l'une, sinon la meilleure expérience au monde. Echanges commerciaux déséquilibrés Il faut dire que si la coopération bilatérale entre le Maroc et la Chine, notamment sur le plan économique, reste assez insignifiante au vu des potentialités d'échanges entre les deux pays, les relations bilatérales tant économique et politique ne datent pas d'aujourd'hui. Pour l'histoire, il est intéressant de rappeler que le Maroc était le premier royaume à reconnaître la République populaire de Chine, le 1er novembre 1958. Ensuite les échanges commerciaux entre les deux pays ont débutés bien avant le réveil du «dragon de l'est» l'autre surnom du pays, dans les années 1980. Mais c'est véritablement à partir des années 2000 et dans le sillage de la vague déferlante des IDE chinois en Afrique qu'ils ont connus un saut spectaculaire même si, comparé à d'autres pays du continent, la valeur des échanges est sensiblement minime. En 2007, les importations marocaines en provenance de la Chine étaient ainsi estimées à quelque 15,15 MMDH avant d'atteindre 25,01MMDH en 2010 et chuter à 23,33 MMDH en 2011. S'agissant des exportations marocaines, elles ont connu la même évolution mais dans des proportions différentes, passant de 0,93 MMDH en 2007 à 2,21 MMDH en 2010 et retombés à 1,59 MMDH à 2011. Des échanges en défaveur du Maroc et en deçà de l'opportunité de développement que permettent les structures économique et démographique des deux pays. Selon les chiffres de l'Office des changes, les produits exportés en Chine ne représentent que 0,01% des importations du pays alors «qu'ils disposent d'un réel potentiel sur ce marché au vue de la nature de ses importations». Idem pour ce qui est des produits marocains faiblement présents sur le marché chinois. La part des produits nationaux ne représente que 0,08% en 2011. Marchés de niches Il s'agit, donc, à présent, de booster ces échanges en profitant de la position stratégique du Maroc sur le continent africain, terre de prédilection des IDE chinois. La présence des opérateurs chinois au Maroc qui ne cesse de prendre de l'ampleur ces dernières années, principalement dans le BTP, l'agriculture et le commerce des biens manufacturiers risque de s'intensifier davantage sur les prochaines années. Il s'agit d'un choix stratégique pour le Maroc conformément à la diversification des partenaires décidés par le gouvernement. La Chine fait, en effet, partie des pays cibles pour les exportations marocaines selon le plan stratégique déployé par le Maroc Export (ex-CMPE) qui a placé le pays au rang des «marchés niches». Il reste à savoir comment le Maroc pourra tirer à son avantage les fruits de ce nouveau partenariat qui se dessine. Les deux pays sont, en effet, concurrents au niveau de plusieurs secteurs et de plusieurs marchés, dont certains stratégiques pour le Maroc. C'est, d'ailleurs et jusque-là, les raisons de la réticence du royaume à l'égard des IDE chinois qui ne représentaient que 2,3 MDH en 2009. Rabat a-t-elle enfin trouvé les moyens de tirer profit de l'invasion chinoise à un moment où les indicateurs font état d'un essoufflement du dragon de l'Est ?