«Régulation et lutte contre l'informel», c'est en substance les deux aspects qu'attendent les professionnels du secteur pour la remise en œuvre de la réforme annoncée depuis des années par les autorités, mais qui peine à prendre effet. C'est en tout cas l'avis que partage Abdelilah Hifdi, président de la Fédération nationale du transport à la CGEM. La Fédération a d'ailleurs maintes fois réitéré ses doléances, depuis l'époque de l'ancien ministre Karim Ghellab et a poursuivi son lobbying sous l'actuel gouvernement. Dernier acte en date, la rencontre avec le chef du gouvernement Abdelilah Benkirane, le mois dernier à la suite de la hausse des carburants décidée par les autorités. Il faut dire que pour le secteur, l'absence d'une véritable régulation fait que l'impact des mesures comme celle du prix du carburant rejaillit directement, profitant plus à la montée en flèche de l'informel qui assaille déjà le secteur. Pourtant, le contrat-programme mis en œuvre à la suite de la libéralisation entamée en 2003 contient des dispositions relatives aux mécanismes de contrôle administratif et juridique. En clair, une réglementation adaptée et qui prend en compte les défis de l'heure. Cela permettra au secteur d'entamer sa restructuration pour une meilleure compétitivité. Il faut dire que le transport routier concentre, à lui seul et hors phosphates, 75% des flux de transports de marchandises et 35% des déplacements interurbains de personnes, avec à la clé plus de 200.000 postes d'emploi directs, selon les statistiques officielles du département du Transport. Il s'agit d'un enjeu de taille pour le nouveau gouvernement, qui a fait «du développement de la capacité des services sur les plans de la qualité, de la sécurité routière et du coût» un axe prioritaire de sa stratégie de réforme. Cependant, les professionnels restent sceptiques par rapport à l'approche du nouveau gouvernement, surtout que les concertations tardent à se concrétiser par un agenda clair et précis des actions qui y seront menées. Aux sources des problèmes Le peu d'enthousiasme que manifestent les opérateurs à la nouvelle feuille de route tient à l'absence de résultats enregistrés depuis la signature du contrat-programme. Des efforts ont été certes consentis, mais pas à la hauteur des défis comme en témoignent les doléances des professionnels restées quasiment inchangées depuis des années. Cette fois, Abdelaziz Rabah, ministre de l'Equipement, et du transport compte passer d'abord par des réformes de l'arsenal juridique réglementant le secteur, en mettant un accent sur «l'élément humain sur le plan professionnel et social et la mise à niveau des prestations de transport routier et la révision des procédures y afférentes». L'objectif est de parvenir selon la nouvelle feuille de route, à «remplacer le régime d'autorisation par celui de déclarations et l'adoption de cahiers des charges, ainsi que le renforcement de la coopération internationale bilatérale dans le domaine du transport international». Ce sont des promesses de bonne intention et une nouvelle feuille de route que le ministre Rabbah ne cesse de souligner à chaque occasion, même si au vu de l'échéance fixée, le retard accusé jusque-là ne plaide pas en faveur du respect du calendrier validé. Autant dire que les choses risquent de se compliquer d'ici la grande concertation prévue en octobre et qui servira de véritable plan d'action de la stratégie gouvernementale. En outre, le transport routier ne constitue que la partie visible de l'étendue de la tâche qui attend Rabbah. D'autres volets restent encore suspendus aux études qu'a lancées le ministère. Le ministre de l'Equipement et du transport a d'ailleurs évoqué la mise en œuvre d'une nouvelle politique de la mer, ce qui sous-entend encore un nouveau chantier, dont les axes restent aussi à définir. La réforme en attente L'une des mesures les plus attendues reste d'ailleurs celle relative au secteur du transport maritime. Le feuilleton judiciaire dans lequel est plongée la COMARIT n'a pas en effet occulté les difficultés liées également à ce secteur, qui constitue un autre volet sur lequel planche le ministre. Rien que pour cette compagnie, le sauvetage gouvernemental est encore attendu, alors que Aziz Rabbah avait donné jusqu'à fin juin aux dirigeants de la COMARIT pour statuer sur la suite à donner à cette affaire, qui fait couler beaucoup d'encre. Pourtant, jusque-là, rien de vraiment visible à l'horizon. «Les problèmes du secteur dans son ensemble sont beaucoup plus compliqués qu'en apparence», souligne un membre de la Fédération, pour qui il va falloir encore plus de temps au gouvernement pour s'imprégner davantage des problèmes réels du secteur et, éventuellement, proposer des solutions. Les concertations et les multiples annonces permettront-ils d'accélérer les choses à ce niveau ? Rien n'est moins sûr, même si au ministère, on se dit confiant. La tâche est, en tout cas, colossale et le secteur stratégique. En attendant la rencontre nationale d'octobre prochain, le ministre Rabbah aura l'occasion d'en mesurer l'ampleur. Un ministre sur plusieurs fronts Du transport maritime, aux carrières de sables en passant par le transport rural : les dossiers s'entassent sur le bureau du ministre de l'Equipement et du transport. C'est la raison pour laquelle il est l'un des membres du gouvernement qui font le plus l'actualité, comme en témoignent ses incessantes interpellations, presque hebdomadaires, au Parlement. À chaque fois Abdelaziz Rabbah ne manque pas de décliner et de mettre en avant la nouvelle vision gouvernementale même si jusque-là, les résultats concrets se font attendre. Les opérateurs apprécient pourtant les consultations que mène le ministre même si le scepticisme reste de mise quant à la suite réservée à plusieurs dossiers. Il est vrai que dans bien des cas, la pluralité des intervenants, surtout avec les services de l'Intérieur, ne facilite pas la tâche. Néanmoins, Abdelaziz Rabbah continue à se démarquer par son engagement et l'énergie qu'il déploie pour défendre certains dossiers qu'il a hérités, comme dans la polémique relative au TGV. Après un début tonitruant à la tête du département du Transport avec la publication de la liste des détenteurs d'agréments de transport, l'ancien député de Kénitra s'est vite assagi, comme en témoigne la non publication, cette-fois, de celle des carrières de sable. Le secteur est, en effet, l'un des plus stratégiques de l'économie nationale, où les lobbys sont assez puissants, et on comprend pourquoi le PJD dont Rabbah est membre, a rechigné à céder ce poste lors de la formation du gouvernement. Son titulaire est, d'ailleurs, l'un des rares membres des ministres du PJD à connaître les méandres du monde politique et économique marocain puisqu'il a été chargé de mission au cabinet du premier ministre au temps de Driss Jettou. Une maigre expérience, il est vrai, mais qui peut servir l'ancien secrétaire général de la jeunesse du parti de la lampe.