Abdelaziz Rabbah ne compte décidément pas se laisser faire sur l'affaire des agréments de carrières de sable. Le ministre de l'Equipement et du transport a tenté, lundi au Parlement, de mettre les points sur les «i», en expliquant aux membres de la commission des finances, qu'il ne s'est pas contenté de rendre publiques les listes des détenteurs d'agréments de transport de sable des carrières de sable, mais qu'une suite est à donner à cet épisode polémique au niveau de son département. C'est une manière de répondre aux critiques qui lui ont été adressées après la publication de ces listes. Le département de l'Equipement et du transport dispose ainsi d'une «approche intégrée visant la réforme du secteur», d'après Rabbah. D'ailleurs, «un agenda temporaire a été arrêté, en concertation avec les professionnels et l'ensemble des concernés dans le secteur», a précisé le ministre de tutelle. À ce sujet, une réunion prévue la semaine prochaine par la commission des finances se penchera justement sur la question du transport de sable et devrait permettre de dégager davantage de visibilité sur ce volet. Décalage juridique Aujourd'hui, Rabbah admet néanmoins que le mode de fonctionnement du secteur est problématique et qu'un certain nombre de limites, notamment juridiques, entache son organisation. Pour cela, une feuille de route devrait être déployée durant cette année, dans le cadre d'une approche participative, pour assainir l'activité. Plusieurs propriétaires de carrières sont en effet en total décalage avec le dernier arrêté de la Primature et daté de 2010, en refusant la signature du cahier des charges relatif à leur permis d'exploitation. Aussi, d'un point de vue juridique, Rabbah a pointé du doigt l'incohérence qui ressort de la durée maximum d'exploitation, fixée à 5 ans, avec avec le volume des investissements destinés à certains types de carrières, l'absence de distinction entre les carrières exigeant ou non un accord environnemental et l'entrave à la mise en œuvre de la décision interdisant l'extraction de sable du domaine forestier et du domaine privé de l'Etat dans certaines régions. C'est que l'assise juridique laisse la porte ouverte à toutes les irrégularités, à en croire Rabbah. Ce dernier a d'ailleurs attiré l'attention sur la difficulté de poursuivre, pour le moment, en justice certains contrevenants, en l'absence de textes juridiques clairs, le manque de moyens matériels et logistiques des équipes provinciales de contrôle et le manque en revenus des taxes enregistrées par les collectivités territoriales et certains départements gouvernementaux, en raison de déclarations erronées sur les quantités de sable extraites. Le ministre a en outre précisé que la nouvelle stratégie comporte, entre autres, l'élaboration d'un projet de loi portant sur l'exploitation des carrières de sable, de ses textes d'application ainsi que la révision de la circulaire de 2010, qui est toujours en vigueur, dans l'attente de l'approbation d'une nouvelle loi. Que contiendra cette nouvelle loi ? Elle stipulera également l'exploitation des sables étagères et de fragmentation, en alternative à celles des dunes et des côtes. Outre la limitation de la durée d'exploitation à 20 ans, avec possibilité de la porter à 30 ans pour les carrières inhérentes aux industries de transformation, le nouveau projet de loi, en phase d'élaboration, renferme des dispositions initiant une nouvelle perception des carrières de sable, l'interdiction de l'extraction des sables des côtes de n'importe quel littoral, quel qu'en soit le statut juridique, a précisé Rabbah. Le nouveau cadre juridique prévoit des sanctions pénales en cas d'exploitation des carrières sans permis légal, ainsi qu'une taxe additionnelle sur l'extraction des sables des dunes et des côtes. C'est dire que le secteur se prépare à franchir un nouveau cap «bétonné». Chiffres clés Le ministre de l'Equipement et du transport, Aziz Rabbah, a annoncé que le nombre total des carrières de sable a atteint 1.667 à fin mars. De par le statut juridique du foncier qui accueille ces carrières, plus que la moitié d'entre elles se trouvent sur des propriétés privées (971), alors que le reste est réparti entre le domaine public hydraulique (227), les terres collectives Soulalia (217), le domaine forestier (176), le domaine privé de l'Etat (68), le domaine public maritime (6) et le domaine public ferroviaire (2). Parmi ces carrières (1.380 permanentes, 287 temporaires), 1.103 sont exploitées par des personnes morales, alors 564 sont tenues par des personnes physiques. Notons que 990 de ces carrières sont exploitées, 406 sont en arrêt de travaux et 271 sont abandonnées.