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Niqab à l'école, faut-il l'interdire ?
Publié dans L'observateur du Maroc le 04 - 10 - 2024

Bouskoura dans les environs de Casablanca, une élève en première année baccalauréat a été interdite d'accéder au lycée. Le directeur de l'établissement a catégoriquement refusé son accès à l'établissement à cause de son niqab (voile intégral) camouflant en grande partie son visage. D'après son témoignage et celui de son père, le responsable a fait valoir le règlement interne du lycée concernant le code vestimentaire appliqué aux élèves.
Le même jour, à El Kelaâ des Sraghna, quatre élèves, portant le même habit, se voient refuser l'accès à leur école. Même motif, même argumentaire. En quelques heures, les vidéos des deux cas font le tour des réseaux sociaux en relançant encore une fois un débat passionnée sur le bien fondé de la décision des deux établissements. Si les uns approuvent en faisant valoir le respect des règlements internes des écoles, les questions sécuritaires et le refus « d'importation » de pratiques extrémistes et surtout étrangères au Maroc, d'autres évoquent la liberté personnelle, la liberté de culte et le droit à l'éducation.
Des arguments et des contre arguments dans un sujet qui refait surface à chaque rentrée scolaire en posant encore une fois la grande question : Faut-il une loi claire interdisant ou (permettant) le port du niqab intégral dans les lieux publics et dans les écoles ?
Un non catégorique
« Personnellement, je suis d'accord avec la décision d'interdire le niqab ou le burqa en milieu scolaire. C'est anti-pédagogique. Les enseignants et les cadres pédagogiques doivent voir le visage de l'élève, interagir avec lui et interpréter ses expressions pour bien accomplir leur mission. ça leur permet de détecter les signaux de non-compréhension, de satisfaction, de désarroi ou de malaise par rapport à l'opération de l'apprentissage de manière générale », argumente Bouchra Abdou, directrice de l'Association Tahadi pour l'égalité et la citoyenneté.
Avec chaque rentrée scolaire, le débat reprend de plus belle
Pour l'activiste féministe, un ou une lycéenne reste un mineur qui n'a pas la capacité de faire des choix « réfléchis » et « tranchés » tels le port du niqab. « Ces filles n'ont pas encore atteint la maturité et elles doivent absolument se soumettre aux réglementations de l'établissement scolaire tout comme celles portant des minijupes ou pantalons déchirés. Nous assistons là à une infraction de la loi interne de l'école rien que pour porter un habit qui n'est même pas marocain », argumente Abdou. La discipline, le respect du règlement interne et la précocité de tels choix pour un mineur dont la personnalité est toujours en cours de « développement » sont autant d'arguments avancés par la directrice d'ATEC.
Liberté religieuse mais...
Même son de cloche du côté d'Amal Al Amine, activiste féministe de l'association Droits et Justice. Si cette dernière fait valoir le droit constitutionnel et la liberté de culte, elle insiste toutefois sur le respect des lois internes de l'établissement scolaire. « Il y a des normes vestimentaires à respecter. C'est une question de discipline que l'on apprend à l'école et que cette dernière doit veiller à inculquer à ses élèves. Ceci dit si les responsables avaient imposé à l'élève d'enlever son voile dit « normal » qui laisse voir le visage, ça aurait pu constituer une atteinte à sa liberté personnelle. Or, dans les deux cas, il est question d'un voile intégral qui constitue un problème d'ordre sécuritaire et qui limite considérablement l'interaction avec l'entourage », explique l'activiste.
Une barrière entre la fille et son entourage et un frein à son développement personnel, comme l'explique Al amine. Cette dernière insiste sur le rapport de confiance qui doit exister entre l'élève et l'enseignant et l'élève et ses camarades. « Si l'on admet que cet habit est un choix pour éviter les regards, c'est tout à fait le contraire qui arrive finalement. Avec ce niqab, les filles constitueront une « attraction » dans leurs écoles en perturbant le cours normal des études et en se mettant et en mettant les autres mal à l'aise ».
Au Maroc, on tolère le hijab dit normal, beaucoup moins le niqab
Répondant à ceux affirmant que cet habit est islamique et « charaîi », Amal Al Amine évoque l'habit des musulmanes au sein même de la Mecque. « Les femmes au haj, le plus haut lieu de l'islam se contentent de voiler leur cheveux et leur corps ; le visage reste découvert. Pourquoi donc cet excès de zèle et le choix de cette version extrême du hijab qui est tout à fait intruse à notre culture à notre société ?!! ».
Qu'en dit l'islam ?
Une interrogation qui nous renvoie vers une autre : « Quel est le voile indiqué par l'islam ? Est-ce vraiment cette version, s'apparentant fort au burqa afghan et qualifiée d'extrémiste ou la version « soft », qui laisse voire le visage et qui est « tolérée » au Maroc ? Pour Mohamed Abdelouahab Rafiqui, Conseiller du ministre de la justice et expert en droit islamique, il est difficile de définir une « version islamique unifiée».
Décryptage ? « L'Islam en soi n'est pas une seule version. Il y a plusieurs islams qui diffèrent selon l'interprétation et les convictions de chaque école et rite. Concernant la question particulière du hijab de la femme, il y en a ceux qui croient qu'il doit être intégral et qu'il doit couvrir entièrement le corps. D'autres plus modérés optent pour le hijab dit normal avec le visage découvert. Certaines écoles islamiques, plus modernistes, vont jusqu'à affirmer que la femme n'est même pas obligée de porter le hijab. C'est pour vous dire que même les prédicateurs n'ont pas un seul avis unifié concernant cette question », nous explique l'ancien prédicateur.
Ce dernier insiste cependant sur le libre choix des femmes par rapport à la version du hijab à adopter. « C'est une liberté individuelle que personne n'a le droit d'interférer ou d'entraver mais l'accès à des espaces et des établissements publics reste soumis à des lois et à des normes sécuritaires. Ces dernières peuvent être en contradiction avec les convictions religieuses personnelles mais tout le monde se doit de les respecter. Comme il est inacceptable qu'une fille se présente en bikini dans une école, il est de même pour celle portant un niqab », explique Rafiqui.
Interdire et "uniformer" l'habit scolaire
D'après ce dernier, l'école ou tout autre établissement public doivent tenir en compte le facteur « sentiment de sécurité » chez les usagers qu'il faut renforcer et préserver. « Personnellement, j'estime que l'école se doit de prédéfinir un code vestimentaire adéquat et a tout à fait le droit d'interdire toute dérogation y compris le niqab intégral », conclut Rafiqui.
Pour les activistes, l'école devrait être un lieu de diversité et de tolérance
Un avis partagé par Bouchra Abdou. « Je suis pour les libertés personnelles mais lorsqu'il est question de les pratiquer dans un espace public aux côtés d'autres citoyens et élèves, sans savoir ce qui se passe derrière ce voile intégral ... Je suis contre ». Pour l'activiste, l'islam n'impose pas ce type de voile. Tout au contraire, il prône la tolérance et la diversité. « Il faut donc des lois pour interdire ce type de hijab. Mieux encore, il faut adopter l'uniforme scolaire. C'est la manière de couper le chemin à ce type d'agissements tout en favorisant l'égalité et réduisant le harcèlement lié aux écarts socio-économiques en milieu scolaire », suggère l'activiste.
Droit constitutionnel
Un avis tranché que l'avocat et l'activiste de droits humains Naoufal Bouamri préfère modérer en faisant valoir le droit de ces filles. « En général, dans ce genre de problématique, la justice et l'équité doivent primer sur l'application stricte des lois ou des règlements », affirme d'emblée le juriste. Explication ? « Dans cette affaire, il y a interaction entre la gestion de l'espace public et la liberté des individus. Cette gestion doit trouver un équilibre adéquat entre le respect des droits des individus et l'application correcte de la loi. Ceci en particulier lorsqu'il s'agit d'établissements d'enseignement public qui sont censés fournir leurs services aux élèves, sans discrimination et sans qu'aucune décision n'entraîne la privation d'un élève de son droit à l'éducation », argumente Bouamri.
Ce dernier estime que la décision des deux établissements de Bouskoura et celui de Qelâa Sraghna est une atteinte au droit à l'éducation des deux élèves « voilées ». « Il aurait été préférable d'adopter une autre mesure administrative plus « équilibrée » qui assure à la fois le respect du règlement interne et qui protège le droit à la scolarisation des élèves surtout dans le cas d'un établissement public », explique l'activiste des droits humains.
L'avocat va plus loin dans son argumentaire en rappelant de précédentes décisions judiciaires dans des affaires similaires, spécialement celle rendue par le tribunal de Marrakech dans l'affaire de l'élève interdite d'accéder à un établissement de mission française. La dite élève a eu gain de cause et a pu reprendre ses cours tout en gardant son voile, normal toutefois. « La raison invoquée par le tribunal était qu'il n'existait pas dans la loi marocaine de disposition interdisant le port de vêtements considérés comme des symboles religieux. Cela peut s'appliquer à ces établissements qui, par leur décision, pratiquent une forme de discrimination fondée sur l'habillement et sur des choix religieux liés à la liberté des individus », renchérit l'avocat.
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Droit à la scolarisation est garanti par la Constitution
Pour l'homme de loi, il ne s'agit pas là d'une décision administrative formelle mais d'une décision verbale « qui lui confère un caractère abusif, une sorte d'abus de pouvoir administratif d'autant plus qu'il n'existe pas de décision ministérielle interdisant de manière formelle un certain type d'habillement », argumente Naoufal Bouamri. Ce dernier modère toutefois son discours en insistant sur l'importance de protéger le droit à la scolarisation des élèves. « Ces établissements aurait dû adopter une approche administrative et pédagogique pour résoudre le problème au lieu d'interdire l'accès aux deux élèves, les rendant ainsi victimes d'abus et de discrimination », conclut l'avocat.
Flou et Confusion
En l'absence de loi, de règles religieuses précises, de directives ou de circulaires ministérielles interdisant le port du niqab, ce vide laisse libre cours aux agissements et aux interprétations personnelles et à une certaine « anarchie ». Pour rappel, en janvier 2017, les autorités locales ont émis une notification (rien d'officiel) interdisant la fabrication, l'importation et la commercialisation de la burqa au Maroc. Cependant, cette interdiction ne concernait par le port de la burqa dans les espaces publics.
Perçu comme une importation intruse, le burqa est souvent associé à une forme extrémiste de l'Islam liée à Talibans et compagnie. L'Egypte a sauté le pas en septembre 2023 en interdisant formellement le niqab dans les écoles. Si le hijab normal est permis, les élèves ne peuvent toutefois plus porter d'habit couvrant le visage. Une interdiction par décret qui intervient suite à de longues années de débat. Le sujet a fait l'objet de joutes passionnées entre les anti-niqab (principalement l'administration égyptienne) et les groupes de défense des droits de l'Homme qui font valoir la Constitution égyptienne protégeant les libertés religieuses et libertés civiles. En sera-t-il de même pour le Maroc ?


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