San José Lopez (SJL), à travers son directeur Marketing & Communication Oussama Sbai Azami, livre sa vision de la conjoncture actuelle. Plusieurs mesures ont été mises en place par le leader marocain du transport de marchandises pour adapter son activité. Toutefois, les prévisions ne sont pas optimistes. Comment jugez-vous la situation actuelle du marché de la logistique ? De plus en plus de pays sont confrontés à cette crise sanitaire qui fait d'énormes dégâts. La pandémie du coronavirus (Covid-19) se développe à grande vitesse dans les différentes régions de la planète, ce qui est très frustrant. Cette calamité altère une multitude de domaines d'activités stratégiques du royaume, notamment les secteurs de la logistique et du transport de marchandises. Il faut savoir que le domaine de transport de biens aux entreprises est un créneau des plus vitaux de l'économie marocaine, tout comme le transport des particuliers et les autres secteurs créateurs de valeur et générateurs de richesse. Certes, nous sommes très touchés par l'épreuve actuelle parce qu'elle a des répercussions importantes sur la santé de nos collaborateurs in situ, sur les conditions d'hygiène et de travail de nos chauffeurs ainsi que sur la chaîne d'approvisionnement et le management de nos entrepôts dédiés à la logistique. Le groupe SJL, fort d'une expérience de plus de 70 ans dans les secteurs de la logistique et du transport de marchandises à l'international, a déjà rejoint le gouvernement et les instances sanitaires locales en matière d'efforts déployés, et suit les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé pour aider à éradiquer la pandémie. Quels sont les secteurs les plus touchés, selon vous ? Dans la conjoncture actuelle, l'impact de la récession est immédiatement ressenti, et de manière significative! Hormis nos partenaires locaux, il faut souligner que le cœur de cible de notre portefeuille clients au Maroc est essentiellement constitué d'antennes de multinationales basées dans des zones franches ou zones dites d'accélération industrielle. Vous n'êtes pas sans savoir que l'essor de nos deux filières principales (transport de marchandises et logistique) est intimement lié à la dynamique économique de ces entreprises, en l'occurrence celles opérant dans les secteurs du textile, de l'automotive et de l'agro-alimentaire. Or, les firmes partenaires s'inscrivant dans cette optique d'offshoring ont systématiquement subi – et de manière flagrante- les retombées directes de la pandémie. À titre illustratif, vous avez le secteur de l'industrie automobile au Maroc dont l'objectif d'atteindre 1 million de véhicules à l'horizon 2022 est aujourd'hui compromis. L'activité industrielle des fabricants de Tanger, Kénitra et Casablanca et de leurs équipementiers et fournisseurs est en berne depuis plusieurs jours déjà, et des milliers d'employés sont mis en quarantaine jusqu'à la fin du confinement... Idem pour l'industrie du textile que nous accompagnons, depuis plusieurs années déjà, et qui a aussi connu une baisse substantielle des exportations compte tenu de la dégringolade de la demande (notamment celle émanant des pays européens) et de la difficulté de s'approvisionner en matières premières depuis la Chine! Autre petit tour d'horizon d'un secteur avec lequel nous sommes très actifs, celui de l'agroalimentaire... Là aussi, une légère rétraction a été ressentie sur certains segments du fait du déséquilibre observé entre l'offre et de la demande, notamment dans plusieurs pays de l'UE. Le phénomène est, par voie de conséquence, quasi-général et paralyse tous les maillons de la chaîne, que ce soit pour le transport ou pour la logistique. Quel impact sur l'activité de San José Lopez ? Nous faisons aussi les frais des difficultés rencontrées par nos clients donneurs d'ordre et de ce cas de force majeure. Cela a induit la réduction -puis la suspension- de la majeure partie de nos activités jusqu'à la fin du confinement au niveau national, puis l'élaboration de calendriers pour un retour à la normale de l'activité dans les pays concernés par l'export. Aujourd'hui, d'un point de vue stratégique, la situation constitue une réelle contrainte à la progression du climat des affaires. À cet égard, nos pronostics et analyses préliminaires nous conduisent à anticiper une baisse de 50% à 75% du chiffre d'affaires prévisionnel! Une chose est sûre: avec nos différents partenaires, nous œuvrons inlassablement à estomper l'impact de ces circonstances exceptionnelles causées sur les plans économique, structurel et social. Quels sont les actions mises en place pour contrer ces effets négatifs ? Notre fer de lance est bel et bien le facteur humain... Eu égard au ralentissement de l'activité, nous avons été dans l'obligation de revoir la composition de nos équipes en fonction du rythme imposé par nos différents publics (clients et fournisseurs). Nous sommes toujours en train de repenser notre organisation afin de limiter les dommages collatéraux. Parmi les mesures, on retrouve le télétravail (qui concerne aujourd'hui un peu plus de 80% du capital humain opérationnel), avec toutes les mesures de mise en œuvre y afférentes (cyber-sécurité, approche informative, accompagnement à distance, digitalisation des modes d'échange et de fonctionnement...). Une restructuration organisationnelle doit aussi être mise en route (avec une moyenne de 50% en mode chômage technique), ce qui va nous permettre de nous aligner sur la cadence de production dictée par les différentes parties prenantes. Nous avons incité et sensibilisé tous les niveaux hiérarchiques à adopter une politique d'optimisation des coûts pour la bonne marche de notre activité. Nous avons mené des pourparlers avec nos actionnaires, les établissements financiers de la place, les instances du gouvernement... afin de mettre en place des plans concrets et trouver des issues de redressement de l'équilibre financier. Nous saisissons cette opportunité pour souligner les encouragements de l'Etat marocain à prendre toutes les mesures de santé publique, tout en préservant le climat des affaires et la «vivacité» des différents secteurs d'activité du pays. Nous nous inscrivons dans cette dynamique et répondons à l'appel du gouvernement pour que la roue de l'économie continue de tourner que les forces vives de la Nation (autrement dit, le capital humain) continue de créer de la valeur ajoutée en répondant à la demande de nos différents clients et partenaires donneurs d'ordre. Quels enseignements tirer de cette crise ? Notre société marocaine se transforme! L'épidémie l'a très bien montré d'ailleurs! Le coronavirus nous rappelle qu'en dépit de tout, nous constituons un corps social intimement lié, interdépendant, parfaitement ingénieux et solidaire Nous ne nous en sortirons qu'avec la volonté et l'engagement de chacun. Le citoyen marocain a fait montre d'un haut niveau de civisme, de bravoure et de proactivité tout au long de cette période de confinement. Nous sommes passés d'une culture 1.0 à un mode de fonctionnement 4.0 en un l'espace d'une semaine. Phénoménal! On voit, du jour au lendemain, émerger des plateformes de m-commerce, d'e-santé, d'e-gov, d'e-commerce, de télétravail, de télé-enseignement, d'autorisations en ligne, d'e-banking... Sans oublier certaines chaînes de production qui se sont réinventées du jour au lendemain pour adapter leur business model à la conjoncture, dans le but de subvenir aux besoins du marché local en termes de masques et produits similaires. Pros du digital, âmes charitables, ingénieurs, techniciens, économistes... Tout le monde donne du sien! C'est juste fabuleux! En tant que collectivité, réinventons le futur, pensons tous ensemble à l'après coronavirus. Continuons sur cette lancée car, quand on veut, on peut! Et le meilleur est à venir !