La nouvelle monnaie ECO annoncée en grande pompe le 21 décembre dernier par Emmanuel Macron et Alassane Ouattara, respectivement présidents de la France et de la Côte d'Ivoire pour remplacer le Franc CFA, a peu, très peu de chance de...voir le jour ! En tous cas, pas comme eux, ses deux principaux promoteurs, aimeraient que cela se passe. C'est ce qui ressort des derniers développements observés sur la scène économique africaine. Développements confirmés par Kako Nubukpo, économiste et homme politique togolais. Forte opposition du Nigeria Invité mardi dernier à Casablanca à l'Africa Talks organisé par le cabinet Mazars, il a notamment déclaré que «la France et la Côte d'Ivoire ont commis une faute grave de prendre seuls une décision qui concerne plusieurs Etats. Une faute que le Nigeria, poids lourd de la CEDEAO et le Ghana, qui connaît une forte montée en puissance, ne sont pas prêts de pardonner. C'est pourquoi le sort de cette nouvelle monnaie semble déjà tranché». C'est-à-dire que personne ne sait si l'ECO verra effectivement le jour. Si oui, quand et comment ? En tous cas, poursuivra-t-il, «la plupart des pays de la CEDEAO ne sont pas prêts de se laisser guider comme des moutons de panurge. Pour une fois, ils sont prêts à prendre leur destin en main, en participant activement à la mise en place de l'ECO et cela risque de durer une décennie voire plus afin de mettre en place toutes les dispositions qui doivent accompagner la mise en œuvre d'une telle décision». En tous cas, les 15 pays membres de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest), avec à leur tête le Nigeria, ont officiellement dit non à la démarche préconisée par Macron et Ouattara. Ils ont d'ailleurs profité du 33e Sommet de l'Union africaine tenu les 9 et 10 février derniers à Addis-Abeba pour se rencontrer à nouveau sur la question et réaffirmer leur position commune. C'est ainsi qu'à cette occasion, le géant économique de la CEDEAO, le Nigeria, par la voix de son président, le Général Muhammadu Buhari, a rappelé les décisions qui ont été prises par les quinze pays membres de la CEDEAO à propos de la création et de la mise en œuvre effective de l'ECO. Selon ces pays, la mise en œuvre de la monnaie commune unique africaine, l'ECO de la CEDEAO, doit être subordonnée à cinq conditions. Cinq conditions à remplir Premièrement, aucune centralisation des devises de la CEDEAO dans les écritures des livres ouverts au Trésor français ne sera acceptée. Secondo, pas d'intermédiaire dans la convertibilité de l'ECO en euro, en dollar, ou en toute autre monnaie de paiement international. Tertio, la CEDEAO doit gérer sa monnaie de façon souveraine sans aucune ingérence extérieure. Quatrièmement, l'ECO doit être convertible avec toutes les monnaies du monde. Cinquièmement, la monnaie ECO doit être frappée en Afrique, dans un pays africain. Donc le taux de change de l'ECO sera flexible, flottant, ce qui permettra de mieux répondre aux exigences du commerce international avec plusieurs partenaires hors de la zone euro, ce qui permettra aussi d'accélérer les investissements en infrastructures et l'industrialisation des pays membres de la CEDEAO. En effet, le supplément des devises dégagées au lieu d'être déposées au Trésor français sera plutôt utilisé pour faire face aux investissements dans la sous-région. Bref, à Addis-Abeba, les pays membres de la CEDEAO ont levé toute équivoque, leur monnaie aura un taux de change flexible, elle sera frappée en Afrique et gérée par une institution monétaire de la CEDEAO, en toute indépendance, gage de la souveraineté monétaire et de leur développement économique et social. Ceci conformément à la décision prise à Abuja, au Nigeria, le 29 juillet 2019. C'est cette décision communautaire prise en commun qui prévaudra. «La Côte d'Ivoire devant arrêter ses manœuvres et se mettre dans les rangs», est-il expliqué. En effet, la locomotive de la CEDEAO est le Nigeria. À lui seul, ce pays représente 70% du PIB de toute la CEDEAO réunie. Juste derrière lui se trouve le Ghana, un pays qui depuis qu'il a pris sa distance avec les institutions de Bretton-woods, lui et son économie se portent très bien. Sa monnaie, le CEDI fait partie des monnaies les mieux gérées au monde.