La hache de guerre est déterrée chez les professionnels du secteur des transporteurs marocains, premiers à être véritablement touchés par la dernière hausse des prix des carburants décidée le weekend dernier. La Fédération des transports à la CGEM vient en effet, de mettre ses menaces à exécution. Prenant acte de l'augmentation de 13,9% décidée par le gouvernement, du prix du gasoil, les transporteurs ont mis la tutelle, en l'occurrence le ministère du Transports et de l'équipement, devant les faits en actualisant les derniers tarifs au mois de mars, du transport de marchandises pour le compte d'autrui. Ainsi dans une sortie médiatique, qui a toutes les allures d'une véritable «réponse du berger à la bergère», la Fédération a exhorté «les donneurs d'ordre, les commissionnaires et les opérateurs du transport et de la logistique à prendre en considération cette augmentation dans l'établissement des tarifs contractuels de transport de marchandises et la facturation à partir du 1er juillet» - Soit une entrée en vigueur qui prend effet à la même date que la décision du gouvernement. Selon le communiqué de la Fédération qui dit prendre en compte les hausses intervenues depuis le mois de mars, date de la dernière actualisation, dans les différents coûts constitutifs du prix de revient du transport, «l'augmentation totale du prix de revient du transport routier de marchandises pour le compte d'autrui s'élève à compter du 2 juin à près de 10%». La décision entérine donc les premières réactions à chaud qui ont suivies l'annonce gouvernementale de la part des principaux opérateurs du secteur. Pour ces derniers, c'est la seule alternative qui s'impose au vu de «la spontanéité et de l'ampleur de cette hausse du prix des carburants». Selon Abdelilah Hifdi, président de la Fédération du transport à la CGEM, «ce n'est pas la décision en tant que telle qui cause problème, mais le timing et l'absence de concertation avec les opérateurs, afin de prévoir en amont, des mesures d'accompagnement nécessaires pour une décision d'aussi grande envergure». Tensions en vue La répercussion de la hausse des prix du carburant sur les prestations des transporteurs marocains va indéniablement rejaillir sur le prix des marchandises et donc finalement impacter le pouvoir d'achat des ménages. Un cauchemar pour le gouvernement qui risque de raviver la tension sociale, déjà, assez délétère. Surtout que ce n'est que le point de départ avec les transporteurs de voyageurs qui attendent d'être fixés sur leur sort. La Fédération des transports a ce sens exhorté également, «les pouvoirs publics à procéder à la répercussion de l'augmentation indiquée ci-dessus du prix du gasoil qui est de l'ordre de 7% dans la fixation des nouveaux tarifs de transport des voyageurs». Il faut dire que cette crise à remis à l'ordre du jour plusieurs autres revendications des opérateurs, restées jusque-là lettre morte comme le rappelle la Fédération, relatives à la fixation des tarifs voyageurs. Ceux-ci sont fixés, en effet, par l'administration et «n'ont subi aucun changement depuis 1997». En attendant la réponse du gouvernement, ces derniers sont sur le qui-vive, menaçant de «faire usage de leur capacité de nuire», selon les mots d'un transporteur, en référence à l'impact de leurs mouvements de grèves. Lors de son oral avorté à la Chambre des conseillers, les centrales syndicales attendaient de pied ferme le chef de gouvernement qui a préférée esquiver le débat prétextant recourir à un autre canal médiatique pour tenter de convaincre l'opinion nationale. Une alerte pour le gouvernement, qui doit en plus se préparer à faire face aux pressions urbaines et des syndicats, principalement, dès la perception de l'onde de choc de la hausse des prix, qui ne sera qu'une question de jours au vu de l'allure que prennent les choses. Vigilance Du côté du gouvernement, on se mobilise à contrecarrer tous les assauts car visiblement, il n'est pas question pour Benkirane de faire marche arrière. Pour couper court à toutes polémiques, le chef du gouvernement affirmé, à l'occasion de sa sortie mouvementée de mardi dernier à la seconde chambre du Parlement que «le gouvernement n'aurait pas décidé d'augmenter les prix des carburants si cela n'était pas nécessaire à l'économie nationale». Le gouvernement table, en effet, sur une série de mesures qu'il compte prendre pour «rétablir l'équilibre social». Une fin de non recevoir, donc, aux doléances des transporteurs qui estiment que ces mesures qui seront prises dans le cadre de la réforme du système de compensation sonnent «comme le médecin après la mort», surtout qu'elles n'entreront en vigueur qu'à moyen et long terme. À réunir tous ces ingrédients, la fracture semble consommée entre le gouvernement et les transporteurs qui tablent sur «l'objectivité de leurs doléances». Reste à savoir en faveur de qui, le rapport de force sera favorable. Mardi dernier, le ministre délégué auprès du ministre de l'Intérieur, Charki Draiss a, en tout cas, été clair à ce sujet lors d'une réunion de coordination du Comité de veille et de surveillance qui a réuni les chefs de service des affaires économiques et de coordination dans les préfectures et les provinces du royaume, de même que les représentants du ministère de l'Industrie, du commerce et des nouvelles technologies, de l'Office national interprofessionnel des céréales et légumineuses et de l'Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires. Objectif, faire preuve de «vigilance nécessaire pour assurer le suivi de la répercussion de cette hausse sur les prix des produits et des services, endiguer toute pratique illicite à même de donner lieu au monopole et à la spéculation et informer les services centraux des possibles dérapages», a expliqué Draiss. Le ministre a d'ailleurs expliqué que «la dernière hausse ne reflète que partiellement l'augmentation importante qu'ont connus les cours mondiaux de ces produits, qui continuent de bénéficier de la subvention». S'agissant des préparatifs pour le mois sacré de ramadan, le ministre n'a fait preuve d'aucune crainte sur l'approvisionnement normal du marché, mais a insisté sur la lutte contre les spéculations et les pratiques illicites. Visiblement le gouvernement est conscient du bras de fer qu'il vient d'engager et qui n'est qu'à son début. Si la réforme de la Caisse de compensation, l'une des promesses phare du gouvernement et principalement du PJD, était attendue et même souhaitée par certains, pas sûr qu'à ce rythme et à la manière où vont les choses, le gouvernement puisse aller jusqu'au bout. À condition de changer d'approche...