«L'exception marocaine». Les rapports internationaux se multiplient depuis le début du Printemps arabe pour confirmer cette donne. Hier, la Banque mondiale avait fait le déplacement à Casablanca pour consacrer cette exception, au grand plaisir du chef de gouvernement, Abdelilah Benkirane, présent également. Le rapport «Doing Business and Beyond», qui traite exclusivement de l'amélioration de la compétitivité dans le monde arabe, en préalable au rapport Doing Business global pour l'année 2012, décerne en effet la palme d'or au Maroc, premier pays dans la région. Rappelons que le nouveau Exécutif en avait fait un de ses fers de lance avec la lutte contre la corruption en filigrane. Dans son rapport, la Banque mondiale salue la performance du Maroc qui améliore son classement de 21 places. Cependant, au-delà de l'euphorie du résultat, Simon Gray, le directeur pays région Maghreb, auprès de l'institution, en appelle à la prudence : «Les meilleures réformes échouent souvent faute d'une bonne coordination entre les politiques publiques et le milieu des affaires». En d'autres termes, rien n'est acquis et tout reste à faire. Un message clair donc pour les deux parties, gouvernement et patronat qui devront collaborer plus étroitement à l'avenir pour confirmer ces résultats sur le terrain. Du côté de l'Exécutif, Benkirane a réitéré son engagement dans l'amélioration du climat social et dans la garantie d'une meilleure compétitivité économique. «Le gouvernement est au service de la société et donc par là, des entrepreneurs marocains, qui sont là pour assurer la création de postes d'emplois », promet Benkirane. Une sorte de «bis repetita » donc du discours prononcé il y a quelques mois à Skhirat, lors de la signature du mémorandum d'entente public/ privé (www.lesechos.ma). Si au moment de la signature du partenariat entre l'Exécutif et le patronat, le «charme» avait opéré, cette fois-ci le patronat répond clairement aux résultats de la Banque mondiale : «Nous attendons encore la concrétisation des promesses du nouveau gouvernement. Il y a certes des réformes liées au calendrier législatif et d'autres qui peuvent aujourd'hui être directement accélérée au niveau de la présidence du gouvernement», note Saloua Belakziz, membre de la CGEM. Place au pragmatisme du patronat, dont les messages sont on ne peut plus clairs. D'ailleurs, hier lors de sa présentation devant les représentants de la Banque mondiale et les investisseurs arabes présents, le patronat a donné le ton. Par réformes non abouties, la représentante du patronat entend le décret sur les paiements, la loi sur les sociétés anonymes, la loi sur la concurrence et la loi sur les modalités d'accès aux marchés publics, toutes approuvées mais toujours pas appliquées. La présentation de la Banque mondiale aura été très claire sur les «acquis» du Maroc en termes d'amélioration du climat des affaires. Un des volets sur lesquels le royaume s'est illustré, selon le rapport, reste le domaine fiscal. «Des taux élevés de taxes ne conduisent pas toujours à l'augmentation des recettes fiscales ou encore à l'amélioration des services publics», note Simon Gray. Une façon de dire que l'enjeu réside dans le choix des réformes prioritaires ? Pour le représentant de la Banque mondiale, les pays qui connaissent un très bon climat des affaires ont réduit considérablement la part de l'informel dans les activités entrepreneuriales. Les observateurs de l'instance émettent un constat pas très réjouissant : «L'environnement des affaires au Maroc reste miné par l'incapacité du système judiciaire de statuer sur les litiges». En somme, pas de recette miracle, la réforme de la Justice est, reste et restera la priorité à laquelle le gouvernement devra s'atteler au plus vite. «Il en va de l'avenir de l'économie nationale», confirment les spécialistes internationaux. Téléchargez le Rapport Doing Business in the Arab World 2012 Abdelilah Benkirane, Chef de gouvernement : «Nous ne lâcherons pas prise» Les Echos quotidien : Aujourd'hui le Maroc vient d'être salué pour les réformes qu'il a entamées en vue d'améliorer son climat des affaires. Qu'en pense le chef de gouvernement ? Abdelilah Benkirane : Les différentes réformes que le pays a connues ainsi que le rapport de la Banque mondiale confirment ce que je n'ai eu de cesse de clamer depuis mon arrivée au pouvoir. Le Maroc a définitivement entamé sa marche vers un modèle démocratique. Aujourd'hui, en termes de compétitivité des entreprises et des réformes qu'il a entamées, j'aimerai dire que le gouvernement reste déterminé à oeuvrer à l'amélioration du climat des affaires au Maroc afin de garantir aux investisseurs nationaux et internationaux une plateforme d'investissement des plus stables et transparentes. Le travail est compliqué et nous éprouvons encore beaucoup de difficultés à lutter contre la corruption et à instaurer un modèle de transparence dans la mesure où les ennemis du changement sont toujours présents et à des postes clés, mais nous ne lâcherons pas prise, nous sommes là pour combattre toutes les formes de favoritisme dans le milieu des affaires pour laisser place à la méritocratie, un axe fondamental de la démocratie. Pensez-vous que le Maroc puisse garantir un bon climat des affaires au moment où le dialogue social et l'entente entre syndicats et patronat ne sont pas encore assurés ? Si vous faites allusion à la marche des syndicats organisée dimanche dernier, permettez-moi de vous dire que les syndicats ont appelé à la dignité au travail. Pensez vous que je vende cette dignité qu'ils recherchent ? L'ai-je soutiré à quelqu'un ? Non. C'était pour moi une marche qui ne me concerne absolument pas. Elle n'a abordé aucun point qui relève de mon ressort ni de mes fonctions. La démocratie permet aux partis d'être au gouvernement et d'être à l'opposition. Ceux qui sont descendus dans les rues font partie des tendances de l'opposition et manifester pacifiquement reste à mon sens un droit démocratique inaliénable. Je n'ai rien à commenter à ce sujet, si ce n'est que je ne comprends pas vraiment pourquoi ma photo et mon nom ont été exposés sur les différentes affiches revendicatives. Je tiens aussi à souligner qu'aucune de leurs revendications ne relève de mes compétences, le dialogue, j'y suis prêt mais je ne peux obliger des syndicats à coopérer si ceci n'émane pas de leur volonté propre et ceci n'est vraisemblablement pas le cas. Comment le gouvernement compte-t-il réagir face à ces revendications ? Ecoutez, les manifestations n'arrêteront pas la bonne marche du Maroc et la mise en oeuvre des réformes qu'il a entamées, si cela peut vous rassurer et rassurer tous les Marocains. Le gouvernement est là pour prendre des décisions clés pour le pays. Le gouvernement a, comme vous le savez, entamé un cycle de dialogues avant de prendre des décisions et ceci avec les différentes parties concernées, que ce soit le patronat ou encore les syndicats. Les patrons nous ont soumis leur vision et leurs propositions que nous sommes actuellement en train d'étudier. Pour ce qui est des syndicats avec qui les discussions connaissent des blocages, nous essayons d'y remédier et les ministres concernés y travaillent en multipliant les rencontres avec les syndicalistes.