L'objectif n'est pas le quantitatif. Tout a été misé dans la symbolique, lors de ce qu'il conviendrait d'appeler le «second 1er mai» du mois. Les ensembles syndicaux de la Confédération démocratique du travail (CDT) et de la Fédération démocratique du travail (FDT) semblent avoir gagné le pari, dimanche. La marche à laquelle ils ont appelé – pour défendre «la dignité et les revendications matérielles et sociales légitimes des salariés» – avait un rôle beaucoup plus significatif que mobilisateur, à proprement dit. Les syndicalistes ont donc bel et bien battu le macadam à partir de la place de la Victoire à Derb Omar, à Casablanca. Leur slogan? «La dignité, d'abord». Dans une déclaration commune, les deux centrales syndicales estiment en effet que l'actuel gouvernement «persiste à prendre des décisions unilatérales contre les syndicats, et (que) la classe ouvrière se trouve actuellement dans une nouvelle situation marquée par le recul, la violation des libertés sociales et collectives, ainsi que la répression des manifestations et des mouvements de protestation légitimes». Le ton paraît en tout cas monter d'un cran avec le dialogue social. La partie syndicale se dit ainsi attachée à la nécessité de jeter les bases d'un «dialogue serein et responsable», devant permettre plus particulièrement l'élaboration d'un calendrier bien défini, à même de répondre aux attentes des syndicats dans le cadre d'un consensus. Un dialogue dans lequel les divergences ne manquent pas quant aux mécanismes de sa mise en oeuvre, le menu de ces interactions, ainsi que lmise en oeuvre des accords obtenus jusque-là, en l'occurrence celui d'avril 2011. Dialogue de sourds ? Pour Abderrahmane Azzouzi, le secrétaire général de la FDT, «l'application des termes de cet accord est essentielle à la réussite du dialogue social». Cela est d'autant plus pertinent, selon le responsable, que «plusieurs points de cet accord n'exigent du gouvernement aucun effort financier». Azzouzi va plus loin : «Je ne vois pas l'intérêt de s'engager dans un dialogue sur les moyens d'exécuter les dispositions de l'accord d'avril, si le gouvernement ne respecte pas ses engagements». Le responsable syndical pointe le doigt notamment sur le retard accusé dans l'agenda du dialogue au titre de cette année. Le son de cloche est quasiment le même chez ses camarades de la CDT. Pour Abdelkader Zaïr, le secrétaire général adjoint de la CDT, «cette marche est une expression de militantisme pour attirer l'attention du gouvernement sur la nécessité de respecter aussi bien ses engagements que les règles des négociations collectives et du dialogue social». Toujours selon Zaïr, «le gouvernement a tout fait pour marginaliser le dialogue tripartite avec les employeurs et les représentants des salariés, et ce, pour dialoguer exclusivement avec les syndicats et imposer son propre ordre du jour, qui ne comporte aucune nouveauté au niveau des revendications ». Patates chaudes Les questions clés qui devraient constituer ce dialogue portent notamment sur les dossiers de la retraite, de la mutuelle générale du personnel des administrations publiques, ainsi que sur la couverture sociale et médicale. Du côté de l'Administration, le ministère de l'Emploi et de la formation professionnelle a récemment rendu public un communiqué en réaction à l'annonce de la tenue de cette marche. Dans ce texte, la tutelle informait de la création, en partenariat avec les centrales syndicales les plus représentatives, de commissions spécialisées pour assurer la concrétisation des engagements pris dans le cadre de l'accord d'avril 2011 sur le dialogue social, et chercher des solutions aux différends en suspens. Le ministère d'Abdelouahed Souhail a de plus rassuré sur «le respect total des libertés syndicales» et sur «toute sa disposition à négocier avec les parties concernées les projets de loi relatifs à la AVIS DE DECÈS grève et aux syndicats» ajoute le communiqué. Démonstration de force 50.000 manifestants à Casablanca, selon les organisateurs, et «près de la moitié» selon les premières sources policières. Comme d'habitude, la guerre des chiffres a vite fait de prendre le dessus après la procession qui a conduit les marcheurs du rond-point de Dakar à celui de Mers Sultan. Même si, selon un membre de la FDT, «l'important, ce n'est pas le nombre des manifestants mais d'alerter l'opinion sur l'impasse dans laquelle se trouve le dialogue social», il va sans dire que l'enjeu premier pour ce qui équivaut à un test grandeur nature, était lié à la mobilisation. Surtout qu'il s'agit d'un évènement ayant réuni plusieurs mouvements politiques et syndicats. Le fait marquant de la journée était la présence en nombre des socialistes, particulièrement les membres de l'USFP, et celle du mouvement du 20 février à travers ses slogans qui ne trompent plus. L'important selon le député socialiste Hassan Tarik, c'est qu'il y a «un message d'unité syndicale et un message clair au gouvernement Benkirane pour qu'il clarifie sa stratégie gouvernementale ». Avis que partage un syndicaliste pour qui, «le gouvernement doit clarifier son programme et ne pas se contenter de déclarations. Il doit ouvrir un dialogue véritable et clair avec les syndicats».