Le Conseil d'administration du Centre islamique pour le développement du commerce (CIDC) a débuté hier les travaux de sa 29e session ordinaire. À l'ordre du jour des réunions qui se poursuivront jusqu'à aujourd'hui, il y a l'examen du rapport d'activité, les comptes de clôture du Centre pour l'exercice 2011, l'adoption dans la foulée du programme de travail et le budget de l'année 2013. Cette occasion est saisie par ailleurs par les membres du Centre pour revenir sur les principaux obstacles qui freinent la croissance des échanges entre Etats membres de l'organisation et de faire l'état des lieux de l'intégration des recommandations du «programme d'action décennal dans le domaine économique », lancé en 2005 à la Mecque. Des chiffres flatteurs... Le CICD, organe de l'Organisation de la coopération islamique, qui est aujourd'hui représenté par 9 pays, l'Arabie Saoudite, le Qatar, le Koweit, la Lybie, la Tunisie, le Maroc, le Sénégal et la Turquie, est en ordre de marche constante. Les chiffres sont là aujourd'hui pour le prouver. À fin 2010, les échanges commerciaux des pays membres de l'OCI représentaient quelque 1,59 trillion US$, soit 10,51% du commerce international. Porté à la fois par l'augmentation des prix de base, de la demande interne des économies de l'OCI, et donc des exportations, le développement du commerce global des Etats membres de l'OCI ne représente en revanche que 539 milliards US, soit 34% du total de leurs échanges. «Les efforts doivent être davantage intensifiés», a souligné à ce propos, Cheikh Oumar T-Sow, directeur général de l'OCI, en charge du département des affaires économiques, lors de son discours d'introduction. De plus, note le dernier rapport du CIDC, «seule la région du Conseil de coopération du Golfe présente (2010) une balance commerciale intra-OCI excédentaire», avec un solde positif de 28,70 milliards US$. Et si on retient de surcroît le classement par «réseau géographique du commerce intra-OCI», ou même «le degré d'intégration au commerce intra-OCI» les disparités entre régions de l'OCI demeurent autant flagrantes que problématiques. Il y a en effet une multitude d'obstacles, politiques et économiques essentiellement, qui ont entravé durant la dernière décennie la concrétisation, du moins la dynamique de l'intégration commerciale de l'OCI. Obstacles identifiés et pris en compte Aux dires mêmes du directeur du CIDC, El Hassane Hzaine, l'élimination de ses obstacles est «une priorité», voire la priorité. «Une étude récente menée par le CIDC a montré que les principaux obstacles qui s'opposent à la fluidité du commerce de l'OCI sont, par ordre d'importance, la concentration de la base productive de plusieurs pays sur les produits de base», et donc à faible valeur ajoutée, «la faiblesse du réseau maritime, et du degré de complémentarité entre les pays membres», sans oublier «la logistique et la compétitivité des exportations». Le rapport sur lequel se basent les discussions des pays membres recense d'autres obstacles, qui créent «des goulots d'étranglement». Au premier titre de ces derniers figurent les «problèmes d'accès aux marchés», qu'ils soient tarifaires ou non, «la non diversification de l'offre exportable» et le «manque d'informations sur les marchés cibles». Toutefois, le CIDC reste confiant. «Nous sommes aujourd'hui à un niveau de 18,17 % de commerce intra-OCI et nous serons très certainement à 20 % d'ici 2015, voire avant cette date», conclut le même Hzaine. C'est ce que nous pouvons espérer au pire, au CIDC. Cheikh Oumar T.Sow, DG OCI, département Affaires économiques : «Nous pouvons parvenir à la même cohésion que l'UE» Les Echos quotidien : Au vu de la nature intrinsèque des obstacles au développement du commerce intra-OCI, la proposition de la création d'une zone de libre-échange relève-t-elle d'un réel objectif réalisable ou plutôt d'un voeu pieux symbolisant la confiance mutuelle des pays membres ? Cheikh Oumar T. Sow : Ce n'est pas seulement un voeu pieux. Cette initiative est réellement un objectif réalisable. Il y a d'abord la volonté politique pour une coopération sérieuse qui est bel et bien là. C'est certainement l'élément le plus important. Ensuite, les obstacles existent certes, tant au niveau économique qu'industriel, mais nous les avons identifiés, ce qui nous permettra d'aller à l'avenir dans le bon sens. Il en va aussi de l'intérêt des pays membres. Ils ont un vrai intérêt aujourd'hui à échanger davantage entre eux, parce que c'est en renforçant les partenariats économiques que nous arriverons à souder les liens politiques. Les pays membres de l'Organisation islamique de coopération ont des valeurs intrinsèques, qui sont certes universelles, mais qui pourraient nous rapprocher nettement mieux si nous les prenons sérieusement en compte dans nos rapports. Contrairement à l'UE, l'OCI, en tant qu'organisation, regroupe en son sein d'autres organisations économiques et/ou politiques indépendantes, de l'Asie au Maghreb. Est-ce un frein à l'homogénéité et à la cohésion de la vision stratégique de votre organisation ? En toutes choses, il y a à la fois des éléments positifs et d'autres qui le sont moins. Il est vrai que l'homogénéité des stratégies permettrait une cohésion totale, plus simple et plus rapide à construire de la part et au profit des membres de l'organisation, mais il est tout aussi vrai que la diversité est pour nous une richesse et un atout. La diversité est une réelle valeur ajoutée qui permet de renforcer la coopération, les liens politiques entre les pays membres, et même la «Oumma». L'OCI est, certes, plurielle et s'étale sur plus d'un continent. Cependant, elle a ceci de particulier que l'islam nous lie. L'islam, en fait, est finalement pour nous un ensemble de valeurs universelles qui nous permet de ne pas faire de différence entre un Asiatique, un Africain et un Maghrébin. Nous pouvons parvenir à faire aboutir cette ambition de cohésion totale... peut-être pas aussi vite que l'Union européenne, mais à notre manière, selon nos réalités propres. Le Printemps arabe a eu pour conséquence le recentrage de certains pays membres de l'OCI sur leurs préoccupations sociales et politiques internes. De fait, l'objectif d'atteindre 20% d'échanges intra-membres restet- il d'actualité ? Je comprends très bien cette préoccupation actuelle, mais c'est souvent dans la connaissance de soi que nous pouvons arriver à progresser. Se recentrer ponctuellement sur soimême peut représenter ensuite une force nouvelle pour plus de vigueur dans le développement des échanges entre Etats membres de l'OCI. C'est tout à fait normal par ailleurs que ces pays se préoccupent de leurs problématiques internes, vu la nature de celles-ci. Il s'agit après tout et en premier lieu de l'employabilité des jeunes au sein de ces pays, et de répondre par conséquent à la question de savoir ce qu'ils vont devenir dans 5, 10 ans. Si les jeunes ne travaillent pas aujourd'hui, ils ne pourront pas demain produire et innover, et donc exporter et échanger finalement avec les autres pays. Les Etats membres doivent vraiment prêter une grande attention à cette question importante.