La refonte de la loi organique des finances est sur les rails. C'est tout du moins ce que l'on défend du côté du gouvernement, qui encense le travail fait par son prédécesseur, tout en avançant la nécessité d'actualisation du projet. La prochaine étape est une journée d'étude, organisée par la commission des finances à la Chambre des représentants. Aussi, avant même que le projet de réforme ne soit déposé par le gouvernement, la balle se retrouve déjà dans le camp des parlementaires. Or, ces derniers ne sont pas près de laisser passer cette occasion de peser de manière plus importante sur la gestion publique. En effet, ils ont anticipé sur la question à travers un travail effectué sur le texte organique des finances, qui a donné lieu au premier rapport d'initiative parlementaire «multi-partisans» au Maroc, sur une grande réforme publique. Anticipation parlementaire Dans le cas d'espèce, c'est bien de la réforme de la gestion budgétaire qu'il s'agit. Ce travail qui entrait dans le cadre d'un projet plus large qui s'inscrit dans un programme de recherche initié depuis 2004 par la Fondation Abderrahim Bouabid sur le thème de la «modernisation de l'action publique», a donné lieu à la publication de plusieurs rapports d'analyse et de propositions, notamment sur les thèmes de l'évaluation des politiques publiques, de la libéralisation du secteur public ou encore de la déconcentration. Aussi, les parlementaires et notamment ceux qui forment la commission des finances disposent de propositions concrètes, censées alimenter un débat public de fond sur la réforme de la gestion budgétaire et plus généralement de la gestion publique. Mieux, les différents groupes parlementaires ont de ce fait à leur disposition un document de référence leur permettant de faire valoir une vision claire des attendus et des modalités de cette réforme. Démarche participative Aussi, le gouvernement ne peut objectivement présenter son projet de réforme de la loi organique des finances, sans prendre en compte ces propositions, puisqu'il se sait pour le moins attendu sur la question. Driss El Azami, ministre délégué au Budget, ne s'y trompe d'ailleurs pas, puisqu'il a affirmé aux Echos quotidien que la journée qui sera organisée par la commission des finances servira à mettre à plat les différentes propositions, car, explique-t-il : «il y en a qui émanent du gouvernement et d'autres qui viennent du Parlement. L'idée, c'est de faire la synthèse de ces différentes propositions, pour bien sûr commencer les discussions par la suite». Quoi de plus normal d'ailleurs, quand on sait que le principal axe de la réforme est d'accroître l'implication du Parlement dans l'élaboration de la loi de finances, mais aussi le suivi de son exécution. Le gouvernement affiche donc sa volonté de s'inscrire dans une démarche participative, pour réussir cette réforme imposée, tant par le besoin d'améliorer la gestion publique que par la nécessité de se conformer aux principes énoncés par la nouvelle Constitution. Il faut rappeler dans ce sens que le texte de cette dernière met en avant le renforcement des pouvoirs du Parlement, le renforcement de l'échange d'informations et d'arguments entre le Parlement et le gouvernement, autour de la loi de Finances, tout au long de l'année budgétaire et pas uniquement lors de l'adoption. La nouvelle Constitution constitue d'ailleurs un ancrage important pour les députés qui ont participé à l'élaboration du texte de proposition. Mise en œuvre progressive «Cette proposition concernant la réforme du texte organique s'inscrit doublement dans le cadre de la réforme constitutionnelle. Elle en anticipe même certaines dispositions», explique Ali Bouabid, avant d'étayer : «D'abord, au niveau des institutions représentatives et de leur participation : la proposition vise à montrer que le Parlement peut porter une voix audible sur la réforme de l'Etat et des institutions». Et de poursuivre : «Elle montre aussi qu'il ambitionne de mieux contrôler, évaluer et participer à la conception des politiques publiques. La Constitution actuelle traite largement du renforcement du rôle du Parlement et de la participation citoyenne à la vie publique». La réforme de la loi organique des finances a donc été plus ou moins anticipée, que ce soit par les parlementaires ou par le ministère des Finances, qui a engagé un certain nombre de mesures préparatoires durant la dernière décennie. Toutefois, il ne faut pas se leurrer, cette réforme ne pourra être mise en œuvre que de manière progressive. Cela est d'autant plus vrai qu'elle devra aussi prendre en compte la réforme de la régionalisation avancée. En attendant, gouvernement et Parlement auront à cœur de mettre les choses à plat durant la journée d'étude qui sera organisée bientôt par la commission des Finances. Extraits des propositions des parlementaires Pour une transparence et une lisibilité budgétaires accrues, le texte de proposition de la fondation Bouabid propose l'introduction par le gouvernement de trois comptabilités. Il s'agit d'une comptabilité budgétaire classique qui se limite à enregistrer les mouvements, d'une comptabilité générale, permettant de décrire la situation patrimoniale de l'Etat et d'une comptabilité d'analyse, qui évalue les coûts des programmes et mesure la performance des administrations. Ces trois types de comptabilité doivent obéir à des règles de transparence, de régularité et donner une image fidèle des opérations qu'elles recouvrent. Le texte de la fondation propose aussi d'introduire des annexes explicatives, pour réduire les zones d'opacité budgétaire. Ces annexes proposées sont au nombre de trois et devraient accompagner le projet de budget. Il s'agit d'une note sur les charges communes, qui développe les objectifs poursuivis par les différentes rubriques inscrites. Une autre note sur les dépenses imprévues identifie à la fois les crédits ouverts concernant les dépenses exceptionnelles et ceux relatifs au programme d'apurement des arriérés de paiement et les destinataires des crédits distribués. Enfin, une autre note sur les arriérés de paiement, qui explicite leur montant, leur évolution et les facteurs les induisant. Il est aussi recommandé de clarifier la procédure d'information des commissions, notamment en cours d'exécution du budget. Cette proposition vise à accroître le contrôle du Parlement sur le suivi de l'exécution du budget, à travers les commissions qui peuvent par exemple auditionner le ministre pour fournir des précisions en la matière. Cela passe aussi par le fait de mettre l'accent sur la loi de règlement. Le rapport de la fondation Bouabid suggère aussi la création d'une cellule de contrôle et d'évaluation de la dépense publique, en appui aux commissions parlementaires. Cette cellule permanente serait composée d'un personnel administratif réduit et d'une équipe d'experts et de consultants ad hoc.