L'Association des membres de l'inspection générale des Finances (AMIF) a organisé, hier au siège de la Trésorerie générale du Royaume à Rabat, une journée d'étude sur la «Réforme de la loi organique des finances : enjeux et perspectives de mises en œuvre». Un thème donc d'importance, qui n'a pas manqué de susciter l'intérêt des hauts responsables étatiques et des membres du gouvernement, venus assister en nombre à cet évènement. «Nous sommes tous conscients du rôle fondamental qui échoit à la loi organique des finances dans la mise en œuvre des politiques publiques et sectorielles adoptées», avançait ainsi le ministre de l'Economie et des finances, Nizar Baraka, dans son mot d'ouverture. Et de souligner l'importance de ce chantier que le gouvernement entend inscrire dans une démarche participative, en y associant les acteurs de l'institution législative, majorité et opposition, ainsi que les services et institutions concernées dans l'exécution du budget et le contrôle des dépenses publiques. «Nous veillons, au ministère de l'Economie et des finances, à enrichir le projet de réforme de la loi organique des finances, à travers la journée d'étude qui sera organisée par la commission des Finances et du développement économique au Parlement, avant d'intégrer le projet dans le circuit d'adoption dans les meilleurs délais», a affirmé le ministre, qui estime que cette loi doit être mise au premier rang des lois organiques devant être réformées d'urgence. De Constitution en Constitution De fait, cette réforme est l'émanation de la réforme constitutionnelle, sanctionnée par le plébiscite référendaire du 1e juillet 2011. Ainsi, comme l'a expliqué Noureddine Bensouda, trésorier général du royaume, «il y a une articulation systématique entre les révisions constitutionnelles et la refonte des lois organiques des finances». Cette corrélation se vérifie depuis la première Constitution de décembre 1962, qui a donné lieu à la première loi organique des finances en 1963, jusqu'à la réforme constitutionnelle de 1996, qui a à son tour donné lieu à la loi organique des finances de 1998, qui reste en vigueur à ce jour. Aussi, la Constitution de 2011 ne manquera pas de donner une nouvelle loi organique, même s'il faut signaler à ce propos qu'un vaste chantier de réforme a été initié dès 2001. Ce chantier, comme l'explique Benyoussef Saboni, inspecteur général des finances, «avait pour objectif d'orienter la gestion publique vers la logique de résultat». Il estime que cela a donné lieu à des résultats concluants, qui se sont matérialisés par la «satisfaction des conditions spécifiées et arrêtées par les matrices de PARAP, ce qui a permis le décaissement au profit du Maroc de 844 millions d'euros par les institutions internationales». Pour sa part, Abdelah Serhane, secrétaire général de la Cour des comptes, préfère pointer les insuffisances de ce processus, qui n'a pas pu dégager une comptabilité patrimoniale de l'Etat. Pour lui, l'objectif ultime d'une telle réforme réside dans l'amélioration de la performance de l'Etat. «Un meilleur service public à moindre coût», résume-t-il. Il faut dire que cet objectif est d'autant plus important dans un contexte où les revendications sociales ne cessent de prendre de l'importance et où les difficultés budgétaires se font de plus en plus pressantes. Alors, comment résoudre ce dilemme à travers la réforme de la loi organique des finances ? Suivi de l'exécution Abdelatif Berroho, parlementaire du parti Justice et développement, donne une piste de réponse, en avançant que «la loi organique doit comprendre l'exécution de la loi de finances». La Chambre des représentants devrait ainsi suivre l'exécution du budget, ce qui passe notamment par le fait de donner plus d'importance à la loi de règlement. Adelali Doumou, député de l'USFP, rappelle que cette loi est désormais constitutionnelle, avant de plaider pour plus de pédagogie pour sortir ce débat du giron des initiés, en le rapprochant des citoyens. Le député rappelle aussi que les parlementaires ont travaillé sous la houlette de la fondation Abderrahim Bouabid à la réadaction d'un certain nombre de recommandations pour ce projet de réforme. Ces recommandations devraient être présentées dans le cadre de la journée d'étude qui sera organisée par la commission des finances au Parlement. Faouzia Zaaboul, directrice du Trésor et des finances extérieures conclut : «C'est une œuvre de longue haleine, qui nécessite un changement culturel. Toutefois, si cette réforme constitue une partie de la solution, ce n'est pas toute la solution». Driss Azami Idrissi, Ministre délégué auprès du ministre des Finances, chargé du Budget. «Le projet du texte est en cours d'actualisation» Les Echos quotidien : Quel objectif sous-tend l'organisation de cette journée d'étude consacrée à la réforme de la loi organique des Finances ? Driss Azami Idrissi : L'objectif de cette journée est de déclencher l'approche participative que nous voulons donner à cette grande réforme. La réforme de la loi organique de Finances est l'émanation de la réforme constitutionnelle actuelle. Bien sûr, un projet de réforme avait déjà été élaboré par le précédent gouvernement, il fallait toutefois l'actualiser en prenant en compte du nouveau contexte économique, mais aussi du nouveau contexte politique avec la nouvelle Constitution. Le texte de la nouvelle Constitution met en avant le renforcement des pouvoirs du Parlement, le renforcement de l'échange d'informations et d'arguments entre le Parlement et le gouvernement, autour de la loi de Finances tout au long de l'année budgétaire et pas uniquement lors de l'adoption. Le deuxième niveau concerne la mise en œuvre du principe de coresponsabilité du gouvernement et du Parlement, pour ce qui est des finances de l'Etat. Il y a aussi un autre niveau qui concerne la reddition des comptes et la bonne gouvernance dans la gestion publique. Il y a aussi la loi de règlement qui est devenue constitutionnelle. Donc tout cela doit être traité via une approche participative. Le rôle de contrôle du Parlement est appelé à prendre de l'ampleur et à toucher notamment à l'exécution du Budget. Certains parlementaires ont même proposé des rapports mensuels, est-ce envisageable ? C'est envisageable. En tout cas, nous voulons clairement nous inscrire dans une démarche participative, car c'est dans l'intérêt du gouvernement d'avoir un Parlement fort et dans l'intérêt de ce dernier, d'avoir un gouvernement fort. Donc, dans le cadre de cette démarche participative, nous sommes prêts à discuter des différentes propositions des parlementaires sur l'exécution du Budget tout au long de l'année, ainsi qu'au moment de la préparation de la loi de Finances. Sur l'échange d'informations, nous sommes prêts à fournir les informations nécessaires aux parlementaires pour avoir une bonne argumentation lors de la discussion de la loi de Finances. Concrètement quelles sont les prochaines étapes dans la mise en œuvre de la réforme de la loi organique de Finances ? Pour les prochaines étapes, nous avons déjà un projet réalisé du côté du gouvernement et qui est en cours d'actualisation par rapport à la nouvelle Constitution. La commission des Finances organisera bientôt une journée d'étude pour mettre à plat les différentes propositions, car il y en a qui émanent du gouvernement et d'autres qui viennent du Parlement. L'idée, c'est de faire la synthèse de ces différentes propositions pour, bien sûr, commencer les discussions par la suite.